Quand Rousseau se retira à Montmorency (avant de devoir fuir, en juin 1762, en Suisse), il ne fit qu'exciter contre lui ses "ennemis" qui n'y virent qu'une pose orgueilleuse et une excentricité (de plus). le Président Malesherbes venait courageusement de l'aider à publier Emile et le Contrat social, qui furent jugés subversifs ; la "
profession de foi du vicaire savoyard" indisposa les philosophes matérialistes contre lui. Malesherbes crut qu'il l'apaiserait en lui expliquant ces raisons-là tout en disant qu'il le comprenait, lui. Las, cela ne fit qu'ulcérer Rousseau encore plus, qui lui écrivit alors quatre lettres pour se justifier encore.
Ses arguments, contrairement à d'autres dans les Dialogues, sont d'une logique qui m'y font adhérer ; et, une fois n'est pas coutume, comme il les sent forts, son sourire affleure, dans la Première lettre.
On tient là la quintessence des oeuvres autobiographiques qui côtoyèrent et suivirent (l'apparat-critique de... soutient qu'elle les précède) l'incroyable et originale floraison philosophique de Rousseau, comme si, ayant dit tout ce qu'il avait à dire, il n'avait guère plus qu'à gloser sur lui-même... ou si, incapable de faire face aux jugements négatifs (et aux dangers politiques, ne diminuons pas les raisons de ses craintes), son besoin de se justifier avait étouffé sa veine philosophique. Il est certain que l'épigramme de
Diderot "Il n'y a que le méchant qui soit seul", quand on sait que, si Rousseau est sûr d'une chose, c'est qu'il n'est pas "le" méchant dans l'histoire, l'a mis au supplice ; les lettres bien intentionnées de Malesherbes, qui estime mal venue sa retraite, ont ravivé cette certitude qu'elle jouait contre lui.
On peut être choqué par ce mélange de vanterie (il est ce qu'il a rencontré de meilleur) et d'humilité (il ne veut pas passer pour meilleur qu'il n'est, il est mû par la paresse) de Rousseau dont on peut l'excuser simplement parce qu'il en est certain et il veut vitam impendere vero, à savoir consacrer sa vie à la vérité... cette dernière le justifiant !
Cf. suite de la note de lecture sur mon blog.
Lien :
http://aufildesimages.canalb..