«
Rimbaud mourant » fut initialement publié en 1921 sous le titre de « Reliques » et rassemble quatre fascicules écrits par
Isabelle Rimbaud sur son frère ; deux sur la fin de vie d'Arthur et deux sur sa vision personnelle du poète.
« le dernier voyage de
Rimbaud » est un témoignage, qui retrace le dernier séjour de
Rimbaud à Roche, la ferme familiale - alors qu'il était déjà amputé - et son voyage jusqu'à l'hôpital de Marseille. On ressent bien à quel point les derniers mois de ce grand marcheur ont dû être un calvaire, non seulement à cause de la douleur physique mais aussi morale. Isabelle décrit
Arthur Rimbaud vraiment comme on l'imagine, « l'homme aux semelles de vent », quelqu'un qui ne tient absolument pas en place et qui à peine amputé de sa jambe ne pense qu'à une chose : partir.
La partie intitulée «
Rimbaud mourant » est aussi un témoignage important. C'est un recueil de cinq lettres écrites par Isabelle pendant le mois précédant la mort de son frère. Une de ces lettres a beaucoup fait jaser, celle du 28 octobre 1891. Et là, on arrive au problème que pose ce livre, et la raison pour laquelle il est peut-être tombé dans un relatif oubli. Elle relate la conversion catholique de
Rimbaud sur son lit de mort. Des admirateurs athées de
Rimbaud ont voulu y voir un faux, écrit des années plus tard. Je ne sais pas. Je l'ai relu plusieurs fois parce qu'effectivement elle m'a parue vraiment très étrange cette lettre, étrangement intéressante. Cette conversion d'un agonisant sous morphine, qu'elle ait eu lieu ou non, n'a de toute façon aucune importance, hormis pour l'Eglise.
Mais l'ennui c'est bien la lecture qu'Isabelle, la catholique, fait de l'oeuvre de
Rimbaud. « Mon frère Arthur » est aussi un beau texte, à la gloire d'un frère foncièrement bon. Pourquoi pas ? Peut-être que derrière tous ses poèmes sarcastiques, ses projets de voyant, sa volonté de s'encanailler, peut-être était-il un homme bon, peut-être aussi qu'il ne l'était ni plus ni moins que tout le monde et que ce n'était pas son problème. Ce texte apologétique est une belle déclaration d'amour d'une soeur à un frère, rien d'autre.
Dans «
Rimbaud catholique », qui à l'origine s'intitulait «
Rimbaud mystique », elle essaye de démontrer que toute l'oeuvre de
Rimbaud est religieuse, qu'elle est tournée vers la rédemption. Il y a, dans cet exposé, beaucoup de spéculations et d'approximations, qu'on ne peut pas forcément lui reprocher comme un acte de malveillance. La préface et les notes d'
Eric Marty sont là pour mettre en garde. Et de toute façon, il est indéniable que certains poèmes de
Rimbaud ont des accents mystiques.
La vision qu'a Isabelle des poèmes de son frère est une vision personnelle, qui me semble sincère mais pas tout à fait juste. Mais qui peut dire qui était véritablement
Rimbaud ? Et comme le note justement Isabelle, à propos des
Illuminations, « le style ramassé, synthétique, recelant un grand nombre de sens est là pour laisser au lecteur latitude d'interpréter à sa guise, selon la complexion de son esprit et ses dispositions. » Et puis, est-il vraiment si important ce sens ? Je crois que tous les admirateurs de
Rimbaud aiment surtout se laisser porter par les images inouïes qu'il a su créer. Ce livre est donc fait pour des lecteurs avertis de
Rimbaud, ceux qui ont déjà tout lu et ont une idée assez précise de son parcours ; mais, pour eux, c'est un témoignage indispensable.