Renée et Louise ont été mises au couvent à Blois et l'une en sort pour épouser, du côté de Gémenos, dans le sud de la France, un ancien soldat de vingt ans de plus qu'elle, marqué par les nombreuses années de souffrance liées à la guerre, Louise n'en est sortie que parce qu'elle y dépérissait, mais elle dérange les plans de ses parents qui avaient de bien meilleurs projets pour sa dot. La première accepte ce mariage, laisse croire à son mari qu'elle partage son amour mais ne veut que son bonheur et mener leur barque, en lui laissant croire qu'il est à l'origine de tout, la seconde n'a pas renoncé à ses rêves de conventines et veut un mariage d'amour où les sentiments autant qu'une admiration réciproque seraient de mise. Terrorisée à l'idée de laisser ouvertement les rênes à celui qui a fait serment de l'adorer, le baron de Macumer, elle le tyrannise et l'enferme dans une sorte de printemps amoureux perpétuel, au sujet duquel la sage Renée la met en garde qu'il ne saurait durer toujours.
Ce roman, dont j'ignorais jusqu'au titre avant que l'Education nationale le mette au programme du Baccalauréat Technologique, est un véritable bijou de complexité psychologique et sociale. Fidèle à sa science notariale,
Balzac montre à quel point les filles dépouillées de leur dot pour les rendre moins difficiles et lancer leur fils dans le monde peuvent espérer reprendre la main à travers les hommes, combien l'entregent en faveur de leur mari n'est que la juste compensation de leur soumission au patriarcat et de leur mise en retrait. Il montre donc également la rouerie à laquelle la plus innocente adolescente se voit obligée, à quel point la main-mise, au moins officieuse, sur le coeur, les sens et l'estime de leur mari, doit être leur objectif, à quel point il faut qu'elles se l'assurent avant d'accepter de les épouser. Je parle de rouerie, car j'ai trouvé que la froideur, la condescendance à la limite du mépris dont ces filles de seize ans parlaient d'hommes qui avaient vingt ans de plus qu'elles, les traitant incessamment d'enfants et n'accordant de prix qu'au degré de dévotion et de reconnaissance qu'ils pourraient avoir pour leur union, étaient sidérantes et choquantes. Dire que ce roman passerait de loin pour plus moral que Les Liaisons dangereuses !
Cf. suite de cette longue note de lecture sur mon blog.
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