Friedrich Rek-Malleczewen naît en Prusse orientale en 1884, au sein d'une famille de propriétaires terriens nobles, des « junkers ». Médecin, il se consacre aussi, très tôt, à l'écriture : articles journalistiques, critiques littéraires, de théâtre, romans... Protestant, il se convertit en 1933 au catholicisme qui est pour lui, un rempart « contre le durcissement croissant de la société et la perte de l'individualité » . Il sera baptisé par le nonce Eugenio Pacelli, le futur pape
Pie XII. (Celui-ci manifestera par la suite, une attitude plus complaisante envers le IIIe Reich que son catéchumène).
Très tôt, il se présente comme un opposant à Hitler. Au fur et à mesure de la montée du nazisme, sa haine se durcit, devient de plus en plus féroce, de plus en plus virulente- « Je t'ai haï à tout instant, je te hais tellement que j'offre ma vie avec joie pour provoquer ta perte » - écrit-il en 1939.
En 1937, il publie un essai-fiction historique , où il met en scène Jan Bockelson, mieux connu en France sous le patronyme de Jean de Leyde , dictateur tyrannique des anabaptistes de la ville allemande de Münster . Cette histoire qui relate une hystérie collective où règne la terreur, c'est, en fait, la diatribe la plus cinglante du Troisième Reich publiée avant le début de la guerre. Cette exécration, il va la payer de sa vie. Arrêté en décembre 1944 , transféré à Dachau il meurt le 16 février 1945, il a 60 ans.
Une longue préface « Reck-Malleczewen ou le Salut par la haine », de
Pierre-Emmanuel Dauzat, essayiste et traducteur, notamment du journal de Reck, (en allemand Tagebuch eines Verzweifelten) nous permet de mieux comprendre ce personnage, son engagement, sa haine inextinguible envers Hitler, jusqu'au sacrifice …
Ce journal secret « d'un aristocrate allemand » que Reck enterrait dans la forêt voisine s'ouvre en mai 1936 pour se fermer en octobre 44. C'est tout à la fois, une chronique, un exutoire, l'oeuvre de résistance de l'esprit d'un « émigré de l'intérieur » qui crache crûment sa haine du nazisme, et dévoile sans fausse honte son abomination envers cette Allemagne -là « qu'il faut haïr de tout son coeur, si on aime vraiment l'Allemagne » .