Entretien avec l'historien Ian Kershaw à la librairie Millepages le 12 octobre 2016.
"La dissolution était une décision d’une irresponsabilité renversante.
De toute évidence Brüning avait envisagé un bon score des nazis.
Après tout, aux élections régionales de la Saxe, quelques semaines plus tôt, le NSDAP avait obtenu 14,4 % des voix.
Mais dans sa détermination à remplacer le régime parlementaire par un système plus autoritaire fondé sur des décrets présidentiels, Brüning avait largement sous-estimé l’ampleur de la colère et de la frustration. Il s’était grossièrement mépris sur l’effet de l’aliénation profonde et le niveau dangereux qu’avait atteint le mécontentement populaire.
Les nazis n’en revenaient pas de leur chance.
Sous la houlette de leur nouveau chef de la propagande, Joseph Goebbels, ils se préparaient fébrilement à un été d’agitation sans précédent. »
(p. 245)
Les Juifs occupaient une place unique dans la panoplie des phobies nazies. Pour Hitler et nombre de ses partisans, les Juifs représentaient un danger qui menaçait l'existence de l'Allemagne. A l'intérieur, ils étaient accusés d'empoisonner sa culture, de miner ses valeurs et de corrompre sa pureté raciale. A l'extérieur, on voyait en eux une puissance internationale nuisible du fait de leur domination présumée sur le capitalisme ploutocratique et le bolchevisme. L'élimination de la puissance juive et de son influence présumée était donc le pivot même de la vision utopique du renouveau national construit sur la pureté raciale.
L'issue probable d'un tel affrontement aurait probablement été le largage de bombes atomiques américaines sur Berlin et Munich, plutôt que sur Hiroshima et Nagasaki.
L’invasion de l’Union soviétique, pour laquelle, contrairement aux campagnes précédentes, il avait fallu s’abstenir de manipuler préalablement l’opinion populaire, fut présentée aux Allemands comme une guerre préventive. Le Führer en avait pris l’initiative, expliquaient les directives de Goebbels à la presse, pour conjurer à la dernière minute la menace que la trahison du « judéo-bolchevisme » faisait planer sur le Reich et toute la culture occidentale. À tout moment, les bolcheviks avaient envisagé de frapper contre le Reich, puis d’envahir et de détruire l’Europe. Seule la hardiesse du Führer les en avait empêchés. Mais le plus extraordinaire, c’était que Hitler et Goebbels se fussent eux-mêmes convaincus de la vérité de ce mensonge de la propagande. Sachant parfaitement sa fausseté, ils durent se convaincre eux-mêmes de cette fiction afin de justifier la décision gratuite d’attaquer et de détruire complètement l’Union soviétique.
Les valeurs et la mentalité d'une société sont refléchies, contestées et formées par la culture dans toutes ses variétés : arts plastiques, littérature et autres formes d'expression. Les années soixante trouvaient ces valeurs et cette mentalité au stade premier d'une transformation persistente, surtout parmi la jeune génération... Le nationalisme diminua, la vieille discipline de fer du capitalisme se relacha, le plein emploi aidant... L'enseignement supérieur se développa rapidement en Europe, offrant à beaucoup de gens la possibilité de se développer, ce qui était jusque là l'apanage de l'élite sociale. Mais à l'université, justement, beaucoup de jeunes apprirent des façons différentes de penser... Il se développa une révolution sexuelle où toutes les normes et conventions furent combattues, et qui fut une partie essentielle de la contre-culture...
(pp.235-254)
Les nazis avaient promis de tendre la main aux ouvriers,mais ils ont manque leur coup et nous ont pris a la gorge
« La véritable énigme, a-t-on judicieusement observé, est de comprendre pourquoi des gens qui voulaient survivre ont combattu et tué aussi désespérément et aussi férocement presque jusqu'aux derniers moments de la guerre. »
En 1918, alors que les quatre années de carnage touchaient à leur fin, l'écrivain autrichien Robert Musil nota cyniquement dans son journal : "On peut ramener la guerre à la formule : on meurt pour ses idéaux, parce que cela ne vaut pas la peine de vivre pour eux."
Hitler réservait sa haine la plus virulente aux Juifs (...) Selon sa propre version des faits, rapportée dans "Mein Kampf', Hitler se serait converti à l'antisémitisme après avoir rencontré un personnage en long caftan avec des boucles de cheveux noirs dans une rue de Vienne. (...)
A partir de ce moment, écrit Hitler, "partout où j'allais, je voyais des Juifs, et plus j'en voyais, plus mes yeux apprenaient à les distinguer nettement des autres hommes."
pp.51 à 53 Ed. folio histoire, 2001
Reste qu'une stratégie méditerranéenne, si elle avait été suivie, aurait probablement conduit, à un moment ou à un autre, à la guerre des continents qu'envisageait Hitler. Très probablement celle-ci se serait produite non pas plus tard, mais plus tôt, avec une Allemagne qui n'avait guère que la force brute et la tyrannie pour conserver ses immenses conquêtes impériales, et qui était encore incapable de se mesurer à longue échéance avec l'immensité des ressources américaines.