Etoiles Norabénistes : ******
Joker No Kuni No Alice - Circus To Usotsuki Game
Traduction : Géraldine Oudin
Adaptation Graphique : Clair Obscur
ISBN : 9782355928512
ATTENTION AUX SPOILERS EVENTUELS. AVEC LES MANGAS, DIFFICILE DE LES EVITER !
Eh bien ! vous l'avez attendue longtemps, cette cinquième représentation d'"Alice au Royaume de Joker" et je m'en excuse lol! bien sincèrement. Décembre fut assez exténuant sur nombre de plans. Et puis, avant de faire une fiche, il faut que je la "sente" au bout de mes doigts, au-dessus du clavier. Aujourd'hui, ça va : le Grand Dieu Thôt m'a donné son feu vert, nous pouvons nous lancer.
Depuis la fin du tome précédent, Alice connaît l'identité de la personne dont la vue - elle est la seule, d'ailleurs, à la voir, cette personne - l'attire de façon aussi hypnotique dans la prison co-gérée par les deux Jokers. Mais elle ne comprend pas pourquoi sa soeur aînée (puisque c'est elle qu'elle voit) a échoué dans cette lamentable cellule. Lorina, assurément, ne saurait être coupable de quoi que ce soit puisque Lorina est parfaite. Cette question va devenir une telle hantise pour Alice que, dans ce tome précis, nous allons la voir s'égarer de plus en plus souvent dans cette inquiétante prison où les jouets abandonnés et rafistolés traînent toujours à terre avec, par-ci, par-là quelques bonbons entamés ou non. Son objectif, bien sûr, est de libérer Lorina. Après tout, les évasions restent possibles, elle ne l'ignore pas, pourvu que l'on possède la clef de la cellule où est enfermé celui qu'on veut libérer. Mais Alice pense encore aux clefs sous leur forme habituelle : elle ne se doute pas que celles qui ouvrent les cellules des prisonniers de Joker-Gardien peuvent être beaucoup plus complexes et d'une tout autre nature que les clefs classiques.
Même s'il ne l'admettrait pas pour une empire tout entier de cellules, les fréquentes visites de la jeune fille sont bien loin de déplaire au Joker-Gardien. Non qu'il se montre plus aimable avec Alice lorsqu'elle arrive mais un détail (car je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une erreur d'impression) prouvera sans peine au lecteur un tant soit peu observateur qu'il s'est habitué à elle et qu'il éprouve bien pour elle, même s'il met beaucoup de coeur à le dissimuler, un sentiment des plus ambigus. Ce détail, il suffit, pour le noter, que vous regardiez attentivement la couleur des bulles par lesquelles s'exprime le Joker-Gardien lorsqu'Alice discute près du chapiteau avec le Joker-Directeur de Cirque : d'un noir rébarbatif et quasi maléfique au tout début, cette couleur brille désormais d'un blanc très pur bien que, fidèle à lui-même, notre Joker-Gardien ne puisse s'empêcher de glisser, çà et là, quelques taquineries un peu pointues. Il faut dire également que l'une des premières scènes du volume, où Alice l'affronte une fois de plus seule à seul et en son domaine à lui, c'est-à-dire, au milieu des cellules, tourneboule complètement le Joker-Gardien, si gravement même que le lecteur en arrive presque à le plaindre sur l'instant. C'est sans nul doute des paroles, à la fois gentilles et sincères que la jeune fille échange ce jour-là avec lui, que naît la "douceur" toute relative mais néanmoins réelle avec laquelle, par la suite, il s'adresse le plus souvent à elle.
Bien que ce cinquième tome déborde cette fois-ci d'action, il trouve tout de même le moyen de nous éclairer sur des questions que nous avons déjà soulevées auparavant et qui nous avaient laissés perplexes :
1) dans le tome V par exemple, il devient clair, lorsque le Lièvre de Mars conte à Alice la façon dont le Chapelier s'y est pris pour le libérer, que l'affection qu'il voue à Blood Dupré n'exclut en rien une possibilité d'homosexualité latente mais jamais représentée. Elliott March est amoureux du Chapelier, et probablement les deux hommes sont-ils bisexuels sans aucun problème. Rappelons d'ailleurs à ce propos qu'il est d'usage, dans le manga japonais, de considérer que, à l'adolescence, l'être est naturellement bisexuel et hésite entre ses deux tendances. L'homosexualité n'est pas, en principe, entourée de cette honte issue de la tradition des religions nées dans le désert moyen-oriental. En ce sens, la bisexualité est acceptée même si, en accord avec la Nature, qui sait ce qu'elle fait bien mieux que des clans de Féministes-gayo-lesbiens hystérico-macroniques éparpillés sur la planète, tôt ou tard, la majeure partie des adolescents bascule tranquillement vers l'hétérosexualité.
En ce qui concerne le Chapelier et son bras droit, on peut aussi rappeler la proposition, taquine certes en apparence, mais où perce cependant une note très sérieuse, faite à Alice par Dupré et concernant un "ménage à trois" - l'élément complémentaire du trio ne pouvant être qu'Elliott. Il n'y a en effet qu'avec le Lièvre de Mars que le Chapelier accepterait de "partager" Alice. Pourquoi, selon vous ?
2) c'est aussi dans ce tome que l'auteur et l'éditeur lèvent le voile (qui ne nous dissimulait plus grand chose, il faut bien le dire) sur l'identité du fameux "Bourreau." C'es Ace, le Chevalier de Coeur, nul n'en doute plus. (Et puisque nous avons parlé un peu plus haut de bisexualité, nous pouvons aussi nous interroger sur la relation entre Julius Monrey et Ace en nous rappelant la tristesse et le mal-être que ressentait le Chevalier de Coeur tout au long du "Cycle de Trèfle", où l'Horloger n'apparaît pas.)
Mis à la porte tous deux une énième fois par un Julius exaspéré qu'ils empêchent de travailler comme il l'entend - et avec d'autant plus de soulagement pour Julius qu'Alice commençait à lui poser des questions gênantes - les jeunes gens se retrouvent à la poursuite de l'une des "victimes" désignées du Chevalier. Alice, évidemment, ne fait rien d'autre que mettre une nouvelle fois Ace dans la bonne direction et se refuse à regarder le triste spectacle. Et c'est un peu plus tard que le Chevalier de Coeur lui avoue qu'il l'aime, lui aussi, avant de lui chuchoter à l'oreille, dans une bulle noire : "Petite Peste !", levant ainsi les doutes qu'Alice pouvait encore conserver quant à son implication avec les Jokers. Apparaît d'ailleurs instantanément un Lièvre de Mars solidement armé - à la fin du tome précédent, Dupré lui confiait une certaine mission : celle de protéger Alice car ses qualités télépathiques comme la performance de sa police personnelle avaient dû le prévenir que le Chevalier de Coeur tenterait, par la stupeur que ressentirait alors la jeune fille, de la faire "basculer" en douceur dans l'univers des Jokers.
Notre héroïne, bien que secouée, est donc sauvée une fois de plus par l'entremise de la Chapelier Family. le Chevalier de Coeur s'éloigne, riant toujours, proclamant bien haut que Blood et Elliott sont "déjà sur l'échafaud" mais que tel n'est pas encore le cas d'Alice, laquelle "hésite encore", ce qui laisse entendre qu'elle n'est pas encore tombée, selon l'expression consacrée, "sous sa juridiction" à lui, Ace le Bourreau.
3) Pour ce qui est de Peter White, en grande discussion d'affaires avec le Chapelier au début du volume, il confesse à ce dernier qu'il perd tous ses moyens - ou presque - quand il doit aider Alice dans la prison des Jokers. Mais ses sentiments pour elle n'ont pas changé. Seulement, dès le départ - et on peut le constater dès les premières pages du premier tome d'"Alice au Royaume de Coeur" - il lui a menti au sujet du fameux flacon. Ce flacon ne contenait aucune "potion de coeur", rien que les sentiments négatifs et refoulés de la jeune fille. Parmi eux, ceux qu'elle éprouve pour sa soeur aînée. En dupant la jeune fille, en la faisant ainsi mettre de côté tout élément qui pouvait la rattacher au monde où elle était née, le Lapin Blanc espérait pouvoir la garder pour toujours à Wonderland. Et la chose a bien failli réussir. le problème, c'est que, pour ce faire, il eût fallu que Peter acceptât de son côté de devenir une ombre, assez proche d'Alice pour qu'elle ne l'oubliât pas mais assez éloignée pour qu'elle ne se rappelât pas les dimanches passés avec Lorina et aussi ce que tous - pas seulement l'équipe Jokers-Bourreau - appellent son "crime."
Ce crime, quel est-il ? Nous nous sommes interrogé ... et nous hésitons . Nous sommes même allé jusqu'à songer que, dans une crise de jalousie par rapport à son ancien professeur, Alice avait pu tuer ou blesser sa soeur dont nous savons, depuis le premier Cycle, qu'elle est morte. A moins que Lorina ne se fût délibérément effacée pour qu'Alice eût toutes ses chances auprès du professeur qu'elle-même avait éconduit, se consumant ensuite à petit feu, victime de cet amour auquel elle avait tourné le dos pour que sa petite soeur fût heureuse. Mais voilà, nous savons aussi que ledit professeur a refusé les avances d'Alice tout en les provoquant en parallèle - ce qui n'est pas d'un homme bien, sur ce plan, nous partageons l'avis du Chapelier.
Or, c'est ce "crime", quel qu'il soit, qu'Alice voit dans la cellule, en la personne de Lorina. Un fantasme certes, une représentation, une illusion mais la jeune fille ne peut s'empêcher d'imaginer tout ce qu'il se passerait si Lorina était libérée : tous ses amis de Wonderland ne l'abandonneraient-ils pas au bénéfice de sa sa soeur aînée, si parfaite ? et Blood, qui ressemble tant, en tous cas physiquement, au professeur de son passé, ne tomberait-il pas sous le charme de la nouvelle venue, si parfaite, si merveilleuse, bref tout le contraire de la pauvre Alice qui, comme elle ne cesse de se le répéter depuis des pages et des pages, n'a rien pour elle, ne vaut pas grand chose, etc, etc . ?
4) avec l'arrivée de la Saison d'Avril et l'irruption des Jokers dans l'histoire, aucun retour en arrière n'est possible. Bien que, en théorie, la présence d'Alice ne soit pas interdite à Wonderland, elle est devenue, peu à peu, un grain de sable qui paraît nuire au bon déroulement du jeu. Il faut donc la supprimer : soit en l'emprisonnant, soit en lui coupant la tête.
Mais tant que la jeune fille n'a toujours pas choisi celui qu'elle aime vraiment, rien n'est possible. Pas même semble-t-il pour les Jokers. Quant à Ace, tout bourreau qu'il est, comme il se révèle, avec Alice, l'être qui hésite le plus souvent à Wonderland, et à peu près pour tout comme pour rien, il est lui aussi quelque peu paralysé. Surtout que l'idée qu'Alice, si indécise par nature, puisse tomber amoureuse de lui, son parfait jumeau sur le plan du doute et de l'indécision généralisée, n'est pas pour lui déplaire.
Enfin, enfin, ô miracle ! Alice réalise qu'elle peut abandonner le conditionnel du verbe "aimer" et qu'elle aime - au présent, mais oui, réjouissez-vous, bonnes gens ! - qu'elle aime à la folie cette canaille de Chapelier. Tout le monde pourrait enfin respirer n'était un petit détail ... c'est que l'heure est venue pour le Chapelier d'hésiter à se déclarer. On ne le dirait pas comme ça, à le voir, mais c'est un grand timide - si, si ! Dire à Alice qu'il veut coucher avec elle, ça ne le gêne pas. Lui affirmer par contre la vérité : c'est que, pour une fois, le désir, chez lui, est inextricablement lié au sentiment, ça, ça oui, par contre, ça le plonge dans l'embarras.
D'autant qu'Alice, qui le soupçonne tout de même d'être sincèrement amoureux d'elle, ne le rejoindra que s'il lui fait sa déclaration en bonne et due forme. Na !
Elle envisage d'ailleurs déjà la situation future - on en conclut donc qu'elle ne doute pas un seul instant d'amener le Chef Suprême de la Mafia de Wonderland à se déclarer, même si elle exigeait qu'il le fît en public - et se demande, non sans inquiétude, comment va réagir Vivaldi, sur le territoire de laquelle elle vit désormais. Si Alice devient officiellement la compagne du Chapelier, elle passe du coup à l'ennemi pour Vivaldi - sauf dans ce territoire sacré que reste, tant pour Vivaldi que pour Blood Dupré, lesquels sont frère et soeur, ne l'oublions pas, la fameuse Roseraie ...
Alice, vous l'avez peut-être remarqué, veut faire les choses "bien." Toujours. En la circonstance, cela implique avant tout de prévenir Peter White dont elle trouve au passage qu'il l'évite un peu trop depuis quelque temps. Elle se rend donc dans son bureau où il l'invite fort aimablement à prendre le thé. Là, elle lui dit tout à trac - ou presque - qu'elle a chois et qu'elle Aime - avec une majuscule - le Chapelier. C'est seulement après l'avoir dit que cette impulsive se rend compte que, sans le Lapin Blanc, qui n'a jamais cessé de lui témoigner sa flamme personnelle, jamais elle n'aurait fait la connaissance de Blood Dupré puisqu'elle n'aurait jamais su qu'existait Wonderland ...
Je vous laisse découvrir la fin de ce tome V d'"Alice au Royaume de Joker", fin qui vaut son pesant d'or puisqu'elle est le témoin de l'un des rares moments de violence de Peter White envers Alice ...
Et rendez-vous, je l'espère ce mois-ci, pour la fiche du sixième tome ... Bonne lecture - et faites attention à tous les détails si vous voulez comprendre un maximum à cet hommage remarquable rendu, par les éditions Quin Rose, au monde merveilleux de Lewis Carroll. ;o)
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