Il est surprenant de voir l'actualité des thèmes traités par ce scénario. le combat du journaliste contre la violence des parents sur les enfants par la publication de photos obligeant les auteurs de ces violences à se confronter à l'opinion réprobatrice, fera penser aux dénonciations publiques sur réseaux sociaux d'agressions sexuelles comme #balancetonporc. le tableau du journalisme et de leurs contradictions est également saisissant d'actualité : rôle de la presse, information et éducation ou divertissement et défense d'intérêts économiques ? intérêts financiers des propriétaires très étendus, qui finissent par se heurter à la liberté de la presse qu'ils peuvent contrôler ; le scandale comme moyen de faire du "buzz", de la dynamique pour frapper et réveiller le citoyen, pouvant se retourner en moyen de vendre, les infos non chocantes deviennent moins intéressantes et sont donc délaissées... Et le personnage, au coeur de tout ça, se pose cette question récurrente : comment maintenir sa liberté, son éthique et ses valeurs, tout en continuant de travailler, donc de dépendre de secteurs qui semblent par nature amenés à les pervertir ?
Le sujet est sérieux, mais la finesse drôle et implicite des dialogues de
Prévert rend l'action représentée belle, charmante, dynamique. On devine un film qui pourrait tourner à un rythme endiablé. Les péripéties s'enchaînent avec légèreté. Les personnages disent beaucoup avec peu de mots, empêchant les discours de devenir barbant et argumentatif, et se construisant un caractère fort ; permettant également de libérer du temps d'image pour développer la chair du film. Les intrigues amoureuses sont liées au thème du film (Coudrier hésitant entre une relation libre avec la femme idéale, produit luxueux de cette société de l'argent et une jeune fille pauvre, innocente, intéressante mais qui l'attacherait ; Lucy de son côté questionne également : peut-elle rompre avec Patoyer, alors que c'est le succès dans ce monde de l'argent qui l'a faite ? Les mésaventures des personnages secondaires (le second, paillasson de Patoyer, amoureux de Lucy), le développement du caractère et des affaires secrètes et illégales de Patoyer, chaque personnage cherchant sa vérité, son chemin, et prenant la parole pour exprimer les préoccupations de son monde intérieur (on touche ainsi à l'épaisseur des personnages, telle que décrite par Bakhtine chez
Dostoïevski).
le scénario a-t-il été abandonné parce que le sujet critique aurait herté la presse chargée d'en faire la promotion ? ou bien a-t-il été jugé moins intéressant à filmer, car trop d'éparpillement ? Si les scènes du début avec les gens maltraitant enfants et animaux peuvent être photogéniques, qu'en est-il des discussions dans les locaux des journaux ?
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