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Une séance de cinéma musclée, une relation incestueuse, une séance photo inoubliable, une fugue tirée par les cheveux, des bobards entre potes, une drôle de virée en Floride, des poissons au fond d'un sac, une soirée pluvieuse avec tata, de l'entrainement, de l'entrainement, de l'entrainement... et encore d'autres nouvelles signées Donald Ray Pollock.

À Knockemstiff, petite bourgade grise dans l'Ohio, il ne fait visiblement pas bon vivre. Parce qu'à Knockemstiff, il n'y a rien à faire. À part se shooter à la bière, au cannabis, à la Bactine ou aux stéroïdes, et éventuellement tirer un coup.
À Knockemstiff, on y croise, au hasard des rues -vides -, des personnages déjantés, défoncés, effrayants, impétueux ou alcooliques. Entre misère, solitude et violence, ces laissés-pour-compte, tout droit sortis d'un autre monde, errent dans leur propre vie.
L'ambiance y est poisseuse, âpre, crasseuse, tempétueuse et l'écriture brute, âcre et sauvage.
Dix-huit nouvelles profondément sombres et désespérantes...

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Knockemstiff, est le nom d'une petite ville des ...
Non, je reformule, Knockemstiff, c'est le trou du cul du monde !
On y boit-beaucoup- de mauvais- alcools, on y fume toutes sortes de choses, on s'y insulte,on s'y tabasse, on fornique, etc...
Mais aussi, on s'y cache, on s'y englue, on désespère, on voit ses plus humbles rêves s'évanouir.

Knockemstiff est un recueil de nouvelles, qui sont autant de tranches de vie de laissés- pour-compte de l'Amérique.
Indépendants les uns des autres, ces dix-huit récits, s'interconnectent cependant.

Sous un plume moins talentueuse que celle de Ronald Ray Pollock, cela pourrait-être sordide, vulgaire, désespérant.

Mais l'auteur de "le diable tout le temps", a un talent de conteur exceptionnel, et plus encore, le don de rendre attachants les personnages les plus déjantés, de trouver de l'humanité, dans les pires taudis des rednecks.
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Enfant, on a tous fantasmé notre vie.
Moi, comme tout un chacun, j'aurais adoré faire renifleur d'aisselles, branleur de dindons, sirène de parcmètre voire, rêve absolu, exciteur de panda (à noter, pour tous les défenseurs de la cause animale amateurs de sensations fortes, que tous ces boulots existent réellement) mais la dure loi du sport en décida autrement.

Pollock, en boussole avisée, vous présente ici, par le biais de moult nouvelles brillamment torchées, le cauchemar absolu en matière de plan de carrière.

Je suis pas fan des nouvelles, le format ne me convient pas.
Mais ça, c'était avant. Avant de picorer Donald Ray, en tout bien tout honneur, et de redécouvrir son univers cradingue, enténébré, déjanté et complètement désabusé.

Knockemstiff prouve, si besoin était, la propension quasi inexistante de Pollock au rire et à la gaudriole.
Dix-huit nouvelles pour s'en faire une p'tite idée.
Dix-huit tranches de vie consternantes qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi...sauf à Jean-Pat qui fait rien que me piquer mes gommes au bureau.
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Donald Ray Pollock m'avait littéralement troué le c.. l'an dernier avec son premier roman, le diable tout le temps. Une énorme claque à laquelle je ne m'attendais pas du tout. A la fois totalement barré et parfaitement maîtrisé, dévastateur, sans aucune retenue. Pas un bouquin pour les petites natures, quoi.

A découvrir aujourd'hui ces nouvelles publiées avant le roman, je me dis que le bonhomme sait aussi y faire avec la forme courte. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il ne faut pas trois plombes avant de savoir où on met les pieds. Laissez-lui cinq lignes et il vous plante le décor de façon magistrale. Exemple avec la première phrase de la nouvelle intitulée Dynamite Hole : « Je descendais juste des Mitchell Flats avec trois pointes de flèches dans ma poche et un serpent copperhead mort qui me pendait autour du cou comme un châle de vieille bonne femme, quand j'ai surpris un gars nommé Truman Mackey en train de baiser sa petite soeur dans Dynamite Hole. »

Bienvenue à Knockemstiff, Ohio. le trou de balle de l'Amérique. Une population 100% blanche, désoeuvrée, décérébrée, accro à toutes les sortes d'opiacées imaginables et qui vit dans des caravanes où des mobil-homes. On y croise un père ravi de voir son fils casser la gueule à un autre gamin sous ses yeux, une nièce qui joue les racoleuses pour sa tante et drogue le premier clampin venu afin que la tata ait un homme à poil dans son lit en se réveillant le matin ou encore une nana qui adore à ce point le poisson pané qu'elle en garde toujours quelques bâtonnets au fond de son sac à main. Tous ces gens vivent en vase clos. Impensable pour eux de sortir des limites du comté pour aller « découvrir le monde. » Et quand ils tentent leur chance c'est pour être pris en stop par un camionneur aux intentions pas très catholiques. Dix-huit nouvelles pour autant de cas totalement irrécupérables. Y a pas à dire, elle est pas jolie-jolie la vie au fin fond de l'Ohio !

Attention, cette prose au vitriol est dangereuse : ça pique, ça gratte, c'est hautement abrasif et furieusement décomplexé. Vous serez prévenu, lire une nouvelle de D. Ray Pollock, c'est un peu comme s'exfolier au papier de verre. Spéciale comme pratique mais perso, c'est tout ce que j'aime...
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Dire que je trouvais que le roman "Kentucky straight" de Chris Offutt était peuplé de crétins pathétiques, de loosers fabuleux, de débiles congénitaux, d'une bande de ploucs irrécupérables…

Et bien, figurez-vous que je viens de tomber sur pire qu'eux ! D'ailleurs, face aux habitants de Knockemstiff (Ohio), ceux de Kentucky Straight sont fréquentables, c'est vous dire.

Je vous préviens de suite, après avoir terminé ce roman, vous vous sentirez poisseux et aurez juste une envie : vous doucher et vous récurer à la brosse en crin tant les gens sont crasseux mentalement.

Ici, il n'y a rien à faire, si ce n'est avoir des relations incestueuses, tuer des gens, boire de la bière bon marché, se shooter avec tout ce qui passe, laisser traîner des bâtonnets de poissons panés au fond de votre sac à main, traiter son gamin de gonzesse, lui apprendre à se battre, violer des poupées, fuguer,…

Ne jamais sortir de ses eaux territoriales, ne jamais explorer une ville voisine. Rester en vase clos (et se reproduire). de toute façon, celui qui a fugué pour tenter sa chance ailleurs est tombé sur un camionneur bizarre et sordide.

Toutes ces belles choses, vous le retrouverez dans ce roman composé de nouvelles toutes plus sordides les unes que les autres.

Je ne suis pas toujours fan des nouvelles, mais ce format va à merveille pour ce genre de récits car il permet de remonter à la surface pour prendre une goulée d'air avant de replonger dans la noirceur poisseuse, style cambouis épais, d'une autre nouvelle.

Au total, il y en a 18, toutes du même acabit car l'auteur nous dresse des portraits au vitriol de cette petite ville qui existe vraiment et où on ne voudrait pas passer ses prochaines vacances, ni en être originaire.

Même les célèbres Barakis de chez nous sont moins atteints que ceux qui hantent ces pages. Pourtant, dans le fond, ils ont le même mode de vie : chômeurs, alcoolos, vivant dans des caravanes pouraves, portant le training… (Je vais me faire lyncher, là).

Des récits sombres de déchéances humaines, des portraits de gens dont on ne voudrait pas croiser la route, des pères qui gagneraient à passer l'arme à gauche tant ils font subir le pire à leurs gosses, des femmes qui auraient gagné à se casser la jambe le jour où elles ont rencontrés leurs maris et le col de l'utérus le jour où ont couplés ensemble.

Des récits sombres, violents, poisseux dont il fallait le talent de conteur de Donald Ray Pollock pour arriver à les mettre en toutes lettres tant ils sont à la limite du supportable, ou alors, il faut déconnecter son cerveau et ne pas trop penser lorsqu'on lit car ceci n'est pas vraiment de la fiction mais la réalité dans ses tristes oripeaux.

18 nouvelles trash, 18 nouvelles noires, peuplées de personnages tous plus tarés les uns que les autres, tous irrécupérables, de personnages que l'on croisera au détour d'une autre nouvelle, et qui viendra confirmer que oui, même lui était irrécupérable.

18 nouvelles sordides où l'Homme ne veut pas s'élever au-dessus de sa condition, préférant barboter dans sa crasse, sa misère, son petit train-train banal et nauséabond.

18 nouvelles qui dérangent et qui grattent là où ça fait mal.

Néanmoins, j'avais préféré ses deux romans "Le diable tout le temps" et "Une mort qui en vaut la peine" qui, tout en étant aussi sordide et nauséabond, m'avaient plus emballé.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La seule évocation du nom de cette bourgade américaine de Knockemstiff a longtemps dû donner des sueurs froides à Donald Ray Pollock, avant qu'il ne décide de s'atteler à décrire les moeurs glauques de ses habitants au patrimoine génétique dégénéré par la consanguinité. Oui, l'auteur sait très bien de quoi il parle lorsqu'il évoque Knockemstiff puisqu'il en est natif. Et oui, il existe réellement une ville portant ce nom absurde auquel on finit pourtant par s'habituer et par prononcer sans plus se poser de question, jusqu'à ce qu'un touriste bobo, perdu dans les vastes plaines de l'Ohio, finisse par demander à ses habitants demeurés : « Pourquoi Knockemstiff ? » -littéralement « bute les raides » ? Ceci dit, ce n'est pas plus troublant que le nom de cet autre bled perdu dans le fin fond de la Grande Amérique : « Toad Suck » - « Suce, crapaud ». Ici comme là-bas, les mêmes affaires cradingues se jouent selon des règles à peu près similaires, les hommes abrutis par des générations de travail épuisant, d'alcool et de pauvreté. Çà et là, quelques parcelles de bon sens émergent, quelques illuminations essaient de s'échapper d'une réalité peu reluisante, mais se laissent aussitôt piéger par un atavisme infernal qui piège ses proies dans le même cercle vicieux qui agit depuis des siècles.


Donald Ray Pollock sait de quoi il parle. Lorsqu'il évoque les boulots sordides et la fatigue du travail ouvrier, sans doute se réfère-t-il à sa propre expérience qui le fit s'agiter pendant 32 ans en tant qu'ouvrier dans une usine de pâte à papier, avant de devenir conducteur de camion. Donald Ray Pollock trouve malgré tout le courage de s'inscrire à des cours d'écriture créative à l'âge de 50 ans et, quatre ans plus tard, il imprime Knockemstiff sur cette pâte à papier auprès de laquelle il a si longtemps travaillé.


Quoi de mieux, pour représenter l'éventail des familles et individus peuplant cette bourgade, que d'emprunter la forme du recueil de nouvelles ? Donald Ray Pollock scinde son livre en plusieurs parties que l'on peut considérer soit comme des chapitres, soit comme des nouvelles, selon si l'on préfère lire le roman d'un coup ou si l'on préfère venir y grappiller irrégulièrement. Il me semble toutefois que l'idéal serait de considérer que ces nouvelles forment un tout qu'il est préférable de lire sous le coup d'une seule impulsion. Toutes décrivent la vie à Knockemstiff dans une période relativement brève, car certaines situations se recoupent et introduisent des points de vue divergents autour de la même scène. Les sautes chronologiques sont rares, et lorsqu'elles figurent, elles relient le présent à un passé collant comme de la glu : impossible de se défaire de l'héritage de Knockemstiff. La lecture rappelle souvent Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby : ici aussi, les destins s'affrontent en lieu clos et disposent de peu de moyens pour prendre leur envol. Dans la forme, également, on retrouve cet enchevêtrement d'existences désillusionnées qui confèrent son âme à la ville qui les abrite. Mais là où Donald Ray Pollock se distingue en particulier, c'est dans le langage qu'il utilise. Alors que Hubert Selby se contentait d'une écriture plate et ordinaire pour décrire les turpitudes de la vie des habitants de Brooklyn, Donald Ray Pollock manie avec souplesse un langage imagé qui tire ses références du monde prolétaire du 21e siècle -publicités, parcs d'attractions et hypermarchés en tête des valeurs indétrônables. le pathétique y est moindre, les personnages ne se plaignent ni ne se lamentent dans une litanie de points d'exclamations. Pour autant, et peut-être même d'ailleurs, ce qui n'est pas dit transparaît de manière beaucoup plus éloquente dans les décisions que prennent les personnages et dans les comportements stéréotypés qu'ils adoptent, comme un nouveau langage dont les gestes seraient les mots et l'existence serait le sens.


Donald Ray Pollock n'essaie pas non plus de véhiculer un message moral ou engagé : il décrit ce qui est tel qu'il le perçoit. Libre au lecteur d'en faire sa soupe. La construction même de ses nouvelles est unique : là où la plupart des textes relevant de cette forme littéraire s'achèvent par une conclusion abrupte censée déchirer le lien existant entre le lecteur et la nouvelle, Donald Ray Pollock semble au contraire vouloir prolonger son texte au-delà du point final. Ses personnages se métamorphosent ainsi peu à peu, au cours de la lecture : de crasses, ignares, vulgaires, demeurés qu'ils étaient dans les premières pages de la nouvelle, ils acquièrent une grâce dans les gestes et une cohérence dans les actes qui leur confèrent la même dignité qu'à tout homme moyen. La transmutation s'achève généralement dans les dernières lignes : le temps semble se ralentir et les personnages se figent en un tableau proche d'une crucifixion extatique. Donald Ray Pollock nous transporte de l'abrutissement télévisuel et alcoolique à la grâce divine sans avoir touché à l'intégrité de ses personnages, mais en se contentant de révéler la logique incontestable et inextricable de leur existence.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Vous manquez d'idées pour vos prochaines vacances ? Marre de la Côte d'Azur ou des stations balnéaires espagnoles ? Soif d'exotisme et de dépaysement, loin des sentiers battus ?
J'ai ce qu'il vous faut : Knockemstiff, Ohio (39°16'04''N, 83°07'09''W)

Bon, avant de me remercier et de réserver vos billets, jetez quand même un oeil au présent recueil de nouvelles, sorte de guide touristique infernal tout droit sorti du cerveau un peu dérangé (sauf vot' respect, M. Donald Ray Pollock !) d'un écrivain qui, vraiment, voit le diable partout et tout le temps.

Knockemstiff (à vos souhaits !), c'est ce bled paumé en bordure de la route 50, quelques bicoques branlantes et des caravanes déglinguées groupées entre de l'épicerie de Maude et le sordide Hap's Bar (bizarrement, aucune référence à ce jour sur TripAdvisor...), non loin d'un abattoir et d'une usine de pâte à papier.
La population locale ? Une poignée d'habitants plus ou moins arriérés, des ados rebelles aux comportements autodestructeurs, des pères violents, camés aux opiacés la moitié du temps et saoûls l'autre moitié, et des mères de famille dépravées et dépressives... Ca fait rêver hein ? Tous ont des envies d'ailleurs, mais aucun ne parvient à s'éloigner durablement de ce "méchant petit arpent du bon Dieu", où l'on reste invariablement enlisé, accrochés "comme des champignons collés à un tronc d'arbre pourri".

Chacune de ces 18 nouvelles au vitriol, écrites d'une plume rageuse et sauvage (à la première ou à la troisième personne), est centrée sur l'un des habitants de ce village maudit. On retrouve cependant de temps à autre quelques clins d'oeil à des personnages récurrents, qui font le lien entre ces différentes histoires d'une noirceur proprement délirante, et toutes placées sous le signe de l'immoralité crasse et des drogues en tous genres...
Ainsi, si vous visitez un jour Knockemstiff, vous aurez peut-être la joie de croiser la route d'un vagabond un peu simplet, d'un bodybuilder accro aux stéroïdes, d'un faux cow-boy allergique au crin de cheval, de jeunes toxicos paumés ou encore d'un jeune pompiste amoureux : une chose est sûre, vous ne vous ennuierez pas !

Ce premier livre de Donald Ray Pollock, féroce et piquant comme je les aime, est donc à mes yeux une vraie réussite : il offrira aux amateurs de "dirty-realism made in USA" un excellent aperçu de ce que peut produire cet auteur talenteux à l'écriture brute, sans fioriture ni compassion. Lui-même originaire de Knockemstiff, il est sans aucun doute le mieux placé pour nous plonger dans le quotidien dément de tous ces oubliés du rêve américain, et pour sauver ce qui peut encore l'être dans cette véritable cour des miracles.

Je sais pas si je vous ai bien vendu le truc, mais si lors de vos futures vacances vous passez par Knockemstiff, envoyez moi une carte postale !
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Ça fait plus d'un an que tout le monde parle de Donald Ray Pollock et de son roman le diable tout le temps. Pollock serait, à en croire tout ce que l'on a pu lire, le nouveau chantre de la violence en milieu rural, la nouvelle voix des white trashes après Woodrell, Crews et Cie.
C'est finalement avec Knockemstiff, recueil de nouvelles paru avant le diable tout le temps que je rencontre Donald Ray Pollock. Et, de fait, il est clair que l'on retrouve là cette tradition des écrivains du Sud et du Midwest, de ces coins paumés et oubliés du reste du monde. Cela évoque tour à tour l'univers d'Harry Crews, de James Ross ou encore de Larry Brown. Bref, à Knockemstiff (notons que ce nom à coucher dehors est celui d'un lieu réel, une ville aujourd'hui abandonnée), Ohio, on trouve des obsédés de la gonflette prêts à mourir pour un semblant de reconnaissance, des vieux alcoolos et des jeunes accros au crystal meth… d'une manière générale des paumés pris au piège de ce marigot dans lequel stagnent les rejets du rêve américain, comme si les habitants de Knockemstiff et de tous ces patelins du trou du cul des États-Unis payaient l'addition qui permet à d'autres, sur l'une ou l'autre des côtes, de vivre de façon glamour ou de s'imposer comme la première puissance mondiale. Un décalage qui apparaît clairement dans cette nouvelle où un couple de californiens s'arrête pour prendre quelques photos des indigènes tout en s'étonnant de trouver là, dans ce pays si riche et moderne, des gens aussi pauvres et arriérés.
Et si Pollock met en scène quelques velléités de fuite, les protagonistes ne vont jamais bien loin ou on tôt fait de revenir : trop camés, trop inadaptés, ils font l'amère expérience de la terrible force d'inertie qu'entraîne le cercle vicieux de la désindustrialisation, de la religiosité tordue, du chômage…
On ne cachera pas que, après avoir lu il y a seulement quelques semaines, les Chiennes de vies de Frank Bill, le thème apparaît redondant et l'on se gardera bien de coller sur le dos de Pollock une certaine lassitude à lire ces histoires de ratages et, d'une façon plus générale, de déclin. Reste que l'auteur, à travers une écriture imagée et un ton faussement familier arrive à embarquer son lecteur dans ses récits cruels, âpres mais loin d'être dépourvus d'humour. Force est donc de reconnaitre le talent de Donald Ray Pollock et, si l'on regrettera parfois des fins un poil convenues ou bien un peu sèches (comme si l'auteur, tout à coup, entendait couper court), on ne peut que saluer sa façon de nous y plonger à chaque fois en quelques phrases bien senties.

« Tout le monde à Knockemstiff croyait que Duane sortait avec la première vraie femme de sa vie ce soir-là, mais c'était des craques. Il avait répandu la rumeur partout dans le val, puis il s'était occupé des détails majeurs au Torch Drive-in : étalé une grosse goutte de ketchup sur la banquette arrière de la Chrysler de son paternel, renversé un peu de vin sur une culotte déchirée de sa soeur ; il s'était même concocté deux suçons en se les marquant au fer sur le cou avec une petite cuiller chauffée avec son Zippo. Ensuite, il avait passé le reste de la soirée affalé comme un crapaud derrière son volant, à attendre de rentrer chez lui. Il a bu un pack de bière tiédasse et regardé Women in cages et Female Moonshiners. L'odeur de chair brûlée restait dans la voiture comme celle du pop-corn ».

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Knockemstiff est un recueil de 18 nouvelles dont l'action se situe au même endroit, un bled du fin fond de l'Ohio qui donne son titre au livre. C'est une plongée au coeur de l'Amérique profonde et pauvre à travers une galerie de personnages à la fois paumés et déjantés, la plupart du temps sous l'emprise de drogues, d'alcool ou de médicaments, disons tout ce qui leur passe entre les mains pour les aider à survivre. Car à vivre là sans aucune perspective, c'est un peu comme s'ils étaient en prison à ciel ouvert... Pas d'espoir, la défonce pour évacuer l'ennui, la crasse, le sexe désenchanté, la violence...
Rien à dire, c'est bien écrit, terriblement efficace.
Mais il faut aimer ce genre d'univers, ce qui n'a pas été mon cas. J'étais pourtant curieuse de découvrir cet écrivain, ma lecture n'a pas été désagréable, c'est juste que je n'aurais pas forcément choisi ce livre moi-même s'il n'était pas arrivé entre mes mains. Comme quoi, la lecture, c'est bien une question de rencontre, pas seulement de talent.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Donald Ray Pollock, né en 1954 à Knockemstiff (Ohio) est un écrivain américain. Après avoir travaillé dans une usine de pâte à papier pendant 32 ans en tant qu'ouvrier et conducteur de camions, à 50 ans, il s'inscrit à des cours d'écriture créative à l'Université d'État de l'Ohio. Après avoir lu le Diable, tout le temps j'ai poursuivi ma découverte de l'univers de l'écrivain avec ce Knockemstiff, son premier ouvrage, paru chez nous en 2010 et qui vient tout juste de ressortir chez Libretto.
Recueil de dix-huit nouvelles, qui toutes ont pour cadre Knockemstiff, un bled de l'Ohio. Vu qu'il s'agit de la ville natale de l'auteur, on peut être quasi certain que les lieux tels qu'ils sont peints correspondent à la réalité ou s'en approchent fortement et que les personnages au coeur de ces textes, ressemblent à des gens que Pollock a connus. Et tout cela n'est pas bien beau, c'est le moins que l'on puisse en dire. le bled ressemble au trou-du-cul du monde, dans tous les sens où cette comparaison puisse être prise et ses habitants, les héros des nouvelles de Pollock, une brochette de demeurés salement amochés par la vie.
Jeune déserteur qui viole une petite fille, mère d'un gamin qui fantasme sur les serial-killers et demande à son fils d'en jouer le rôle, la nièce qui aide sa tante à draguer des minables dans des lieux sordides, des culturistes dopés à mort. Certains personnages reviennent d'une nouvelle à une autre, comme Geraldine qui se balade avec des bâtonnets de poisson pané dans son sac ou bien Jimmy qui se came avec un antiseptique ; des lieux emblématiques de Knockemstiff nous deviennent familiers, l'épicerie de Maud Speakman ou le Hap's Bar.
Souvent, pour ne pas dire toujours, les fils ont des relations conflictuelles avec leurs pères, « « T'en as fait une mauviette », qu'il a dit à ma mère une fois rentré chez nous » ou bien « Avec mon père, tout avait toujours été une affaire de combat ». Et quand le père se fait un devoir d'éduquer le fiston, c'est pour lui enseigner la violence, « Mon père m'a montré comment faire mal à quelqu'un », crédo déjà repéré dans le Diable tout le temps. Les maris tabassent leur femme et les gosses trinquent pendant que les parents picolent.
Les plus ambitieux, une minorité, voudraient quitter la ville pour recommencer leur vie à zéro ailleurs mais à peine partis, ils y reviennent dare-dare, condamnés comme Sisyphe à remonter (ou descendre, ici) la pente pour l'éternité, « Juste encore une fois, juste une fois avant de partir pour de bon ».
Drogues, alcool, sexe sordide, misère, ennui… l'Amérique profonde fait peur - une face de l'Amérique épouvantable et effrayante où bêtise et violence règnent en maître - et Donald Ray Pollock nous en met plein la tronche avec son écriture coup de poing que le format court de la nouvelle exacerbe, les phrases claquent comme des gifles au visage du lecteur installé confortablement dans son fauteuil douillet.
A ceux qui se risqueront dans ce marigot, faites une pause entre chaque nouvelle et ouvrez souvent la fenêtre pour aérer, le bouquin pue la mauvaise haleine, le cul sale, la pisse et le tabac froid. Et pourtant, vous tenez-là un putain de sacré bouquin. « Sous le jupon de la pauvre Hélène, sous son jupon mité, moi j'ai trouvé des jambes de reine » chantait Brassens…
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