John se moque de moi, mais à quoi d’autre peut-on s’attendre dans un mariage ?
John est pragmatique à l’extrême. Il n’a aucune patience à l’égard de la foi, éprouve une répulsion intense envers la superstition, il se gausse ouvertement de tout ce qui n’est pas tangible, visible et traduisible en chiffres.
John est médecin, et c’est là, peut-être ― bien entendu, je ne le dirai jamais à âme qui vive mais après tout ceci n’est que du papier mort et l’écrire soulage mon esprit ―, la raison pour laquelle mon état ne s’améliore en rien.
Il ne croit pas que je suis malade, vous comprenez.
Alors que faire ?
Si un médecin de haut niveau, votre propre mari qui plus est, se porte garant auprès des mais et des membres de la famille que vous n’avez vrai ment rien― tout juste une simple dépression passagère, un léger penchant à l’hystérie ― que peut-on faire ?
Mon frère est médecin, lui aussi, d’un haut niveau également, et il dit la même chose.
Alors je fais mes séjours ici, je prends mes phosphates ou mes phosphites ― c’est l’un ou l’autre ―, mes fortifiants, du grand air, de l’exercice, mais il m’est absolument interdit de travailler jusqu’à ce que je sois guérie.
Personnellement, je n’approuve pas leurs idées.
Personnellement, je crois qu’un travail intéressant, qui me procurerait un changement et qui me stimulerait, me ferait du bien.
Mais que peut-on faire ?
Malgré eux, j’ai quand même réussi à écrire pendant quelque temps, mais il est vrai que cela m’épuise d’avoir à le faire si sournoisement, quand je n’ai pas à me heurter à leur pesante opposition.
Parfois, j’imagine que dans ma condition, si j’étais moins contrariée, si je rencontrais une stimulation plus grande… Mais John me dit que le pire est de réfléchir à mon état, et j’avoue que je me sens toujours mal dès que j’y pense. Alors j’y renonce…
It was not intended to drive people crazy, but to save people form being driven crazy, and it worked. – Charlotte Perkins Gilman.
There are things in that paper that nobody knows but me, or ever will.
I cry at nothing, and cry most of the time. Of course I don’t when John is here, or anybody else, but when I am alone.
There comes John and I must put this away – he hates to have me write a word.
I am afraid, but I don’t care – there is something strange about the house – I can feel it.
Il y a des choses dans ce papier donc personne sauf moi n'a - et n'aura jamais - conscience.
Je pleure pour un rien
et je pleure presque tout le temps.
Ce papier me regarde comme s'il avait CONSCIENCE de son influence malsaine !
Il y a un segment qui revient sans cesse, où le motif pendant comme une nuque brisée et deux yeux exorbités vous fixent tête à l'envers.
L'impertinence de ce motif et son infinité me plongent dans une rage folle. Vers le haut vers le bas sur les côtés ils rampent, et ces yeux absurdes, toujours ouverts, ils sont partout.
Je n'ai jamais vu pire papier peint de ma vie. Un motif flamboyant, tentaculaire, coupable de toutes les formes possibles de péché artistique. Il est assez fade pour égarer l'œil qui cherche à le suivre, assez marqué pour constamment irriter et susciter l'étude, et quand on suit les courbes médiocres, incertaines sur une courte distance, elles se suicident soudainement, s'engouffrent dans des angles révoltants, s'autodétruisent en des contradictions inouïes.
La couleur est repoussante, presque révoltante, un jaune asphyxié et sale, étrangement décoloré par la lente course du soleil.