Parvenue dans les zones lumineuses, la femme s'arrête, mais dans les régions obscures elle s'agrippe aux barreaux qu'elle secoue avec violence. Et pendant tout ce temps, ce qu'elle voudrait, c'est traverser le papier peint. Mais personne ne peut échapper à ce motif tant il vous étrangle. C'est pourquoi il possède une multitude de têtes. Car si jamais elle réussissait à s'évader, ce serait pour que le motif l'étrangle et la renverse - voilà la raison de toutes ces têtes aux yeux révulsés !
"Pourtant je dois m'exprimer d'une façon ou d'une autre, je dois réfléchir - c'est un tel soulagement !" (p.27)
J'ai mis longtemps à comprendre ce qu'était cette forme floue, en retrait, mais je suis certaine à présent qu'il s'agit d'une femme.
De jour, elle est asservie, tranquille. Je suppose que c'est ce motif qui la retient ainsi séquestrée. Cela me tourmente. M'absorbe pendant des heures.
Je reste étendue de plus en plus longtemps. John dit que cela me fait du bien et que je dois dormir le plus possible.
Il a même pris l'habitude de me forcer à me coucher une heure après chaque repas.
C'est une mauvaise habitude, j'en suis convaincue, car, voyez-vous, il m'est impossible de dormir.
Du coup, cela m'incite à la fourberie car je ne leur dis pas que je suis éveillée - oh non !
Le fait est que je commence à avoir un peu peur de John. p.35
Ce papier est arraché par lambeaux autour de la tête du lit, aussi loin que je peux étendre le bras tout comme il est arraché en face, au bas du mur. Je n'ai jamais vu un papier plus laid de ma vie.
"De jour, elle est asservie, tranquille. Je suppose que c'est ce motif qui la retient ainsi séquestré. Cela me tourmente. M'absorbe pendant des heures" (pp.34/35)
La vie devient beaucoup plus excitante qu’elle ne l’était d’habitude. Je suis dans l’expectative, vous comprenez. J’ai quelque chose dont je peux me réjouir à l’avance, quelque chose à surveiller. Déjà, j’ai meilleur appétit et je suis moins nerveuse.
John est tellement content de me voir aller mieux. Il a eu un petit rire l’autre jour pour me dire que j’avais vraiment l’air épanouie malgré le papier peint !
Je m’en suis tirée en riant. Je n’avais aucune intention de lui révéler que c’était grâce au papier – il se serait moqué de moi. Peut-être même aurait–il eu l’idée de m’éloigner d’ici.
Pas question de m’en aller avant d’avoir percé le secret. J’ai encore une semaine et je pense que cela me suffira.
L'autre fenêtre ouvre sur la baie et le petit appontement privé du domaine. Une très belle allée ombragée y conduit. Souvent je crois voir cheminer quelqu'un dans l'entrelacs des sentiers et sous les arcades, mais John m'a interdit de m'abandonner aux rêveries. Il dit qu'avec ma manie d'inventer des histoires, dans l'état de fragilité où je me trouve, je serai bientôt la proie de chimères les plus extravagantes et que je ferais bien mieux d'employer toute ma volonté et mon bon sens à réfréner cette tendance. Je m'y efforce donc.
Si un médecin de grande renommée, votre mari de surcroît, persuade parents et amis que vous souffrez d'une simple dépression nerveuse - d'une légère tendance hystérique - que doit-on faire ?
Mon frère aussi est médecin, lui aussi de grande renommée et il dit la même chose.
C'est ainsi que j'avale des phosphates, ou phosphites, je ne sais plus au juste, et des fortifiants, et des voyages, et du grand air, et de l’exercice... Le "travail" m'est absolument interdit jusqu'à mon rétablissement.
« Ce texte n’a pas été écrit pour rendre les gens fous, mais pour les empêcher de le devenir. Et ça a marché ! » (p. 187)
« Ce papier me regarde comme s’il avait conscience de son influence. » (p. 36)