Ce livre, oeuvre éponyme du célèbre film du même nom est un roman d'aventures relativement complexe, combinant avec subtilité des genres littéraires différents, romantisme noir, gothique, suspense, aventures et romance.
Ce récit, peut se décrire comme une sombre lumière au milieu des ténèbres, en plein coeur de la fameuse histoire de la bête du Gévaudan. En effet, ce roman est comme un oxymore énigmatique, troublant, car malgré toutes les enquêtes, les investigations, les suppositions, cette terrible histoire, aujourd'hui encore, oscille toujours entre légende et réalité.
Quelle en est la raison ?
Simple loup enragé, loup extraordinaire, loup-garou, félin, sérial killer, tout ou presque, a été évoqué.
Ici, l'auteur prend le risque d'une hypothèse osée, celle d'un complot machiavélique que je vous laisserai découvrir…
Mené comme une véritable enquête policière, le récit ne manque pas de panache, de rocambolesques coup de théâtre et de duels sanglants.
Mais la véritable star reste la bête, mystérieuse, monstrueuse, imprévisible, l'auteur page après page fait monter la tension, comme si cette entité de terreur, allait sortir du roman et se jeter sur le pauvre lecteur tétanisé.
Un autre aspect du roman est à souligner, en restant très dubitatif sur le fait que la bête soit un loup, l'auteur au travers de l'attitude de certains personnages, d'actes et scènes du récit, montre une réelle empathie envers ce magnifique animal, plus souvent victime des hommes que réellement coupable d'exactions.
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Plus compliqué à le lire qu'à le regarder en film, ce livre écrit sous la plume d'un écrivain assez connu, est assez difficile à lire même si nous parlons en bon français.
La syntaxe est très complexe entre de nombreuses virgules misent n'importe où (tout comme moi, lol) ou encore de longues phrases avec la préposition "et".
J'ai aimé des formulations de notre ancien temps avec des mots que nous n'avons plus en 2024. Un langage soutenu, l'ancien patois français lié au Moyen-Âge ou à la Noblesse.
C'est un livre donnant la chair de poule, une description magnifique et un suspens incroyable sur la vie d'une Bête programmée à tuer. Qui est derrière tout cela ? Deux hommes sont chargés de le découvrir.
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D'une voix monocorde presque basse, comme s'il ne voulait pas fissurer le cocon douillet tressé de musique cristalline, de rires roucoulants et des gratteries vaines du vent au carreau, le plus succinctement, le plus clairement possible, il raconta à Sylvia la "détestable soirée".
Qui avait pris vulgaire tournure au moment des hâtilles servies en milieu de repas, quand tomba de la bouche du comte maître des lieux, avec un fragment de toilette frite, la réflexion pas moins graisseuse :
- Tout de même, chevalier, comment avez-vous pu mêler votre sang à celui de ce sauvage ?
Ce qui augurait bien des finesses à venir...
Grégoire s'était cramponné à tout son savoir-vivre pour garder un semblant d'équilibre sur la corde tendue au milieu de la fosse. Il avait tenté d'expliquer, sous le regard imperturbable de Mani - qui bien sûr avait entendu et compris, contrairement à ce que supposait le comte -, comme il est simple de ne pas "regarder en sauvage" celui qui partage votre malheur, et comment, dans quel contexte, Mani lui avait sauvé la vie en le tirant de sous le feu des Anglais, à la bataille de Trois-Rivières... L'intendant Laffont, de l'autre bout de la table, avait lancé comme si l'aveu lui faisait grâce de son insolence :
- Par Dieu, croyez-moi si vous le voulez, je les croyais cannibales, ces animaux-là !
(...)
- Pourrait-il se reproduire avec une femme de notre race ?
Mani avait répondu lui-même, provoquant son effet, dans la langue de ses moqueurs, que la chandelle éteinte donnait à toutes les femmes et tous les hommes une même couleur.
C'était un loup de forte taille, qu'à première vue les mois secs d'enfer n'avaient pas trop méchamment damné. La boue gantait de crottes baveuses ses pattes antérieures, jusques aux coudes. Son pelage épais, gris sur les flancs, fauve et sombre de l'échine au râble, lui faisait comme une cote d'écailles épaisses et lisses qui s'ajustaient à ses muscles raidis quand passait la bourrasque. La crinière drue qui lui pendait du garrot au poitrail en un collier de mèches filiformes découvrait, s'il tournait légèrement le cou vers la gauche, une estafilade sombre qui pouvait aussi bien avoir été ouverte par la griffe, le croc ou l'épine. Une égratignure, rien de grave, qui ne lui avait même pas fait tomber le poil et datait d'avant le retour des pluies.
Il regardait la brume écorchée par l'averse. Parfois, clignait d'un œil si une goutte s'écrasait proche des noires pupilles fendues sur son âme de loup ou becquait un peu fort une partie sensible de son museau.
Assis-là, sur le bord d'une trace depuis longtemps sans odeur, gardien et surveillant attentif des ombres camouflées dont le calvaire de granit rongé et déserté ne soupçonnait même plus la possible existence.
Ce n'était pas un loup solitaire, il n'en avait ni l'allure ni le peu de patience, à rester là comme sa propre dépouille pendue au-dessus de sa présence pétrifiée sous les coups en écharpe des ébrouements diluviens. Ce n'était pas un banni, rogue et abandonné. La marque de sa solitude n'avait pas imprimé son regard, ni son attitude. C'était un loup de meute, sans aucun doute un des meneurs. Probablement le mâle du couple meneur.
Sur les forêts vibrantes de septembre et sur les landes recuites par trois mois de sécheresse et sur les plaies croûteuses des ruisseaux, les pluies revenues déferlaient brusquement, cohortes safres surgies des brumes en ululant.
Les gens qui vivent sous le ciel de ce pays de pierres soiffeuses disent qu'il faut deux saisons, pas mieux, pour franchir l'année : neuf mois d'hiver et trois mois d'enfer. L'enfer consumé s'éteignait.
Seul un regard de bête, ou de spectre, ne se serait pas enlisé à plus de vingt pas dans la brouillasse qui faisait de la terre et du ciel une même sagne grise fourragée par le vent.
Le loup ne bronchait pas, son regard d'ambre étréci scrutant sans siller la grisaille.
Immobile, de pierre, comme le granit usé du calvaire à quelques pas duquel il se tenait assis dans la boue ruisselante de la sente, taillé dans un semblable bloc, pareil au crucifié et, comme lui, adressant aux deux courants du temps un même signe de souvenance et d'avertissement, il fixait par quelque entrebâillement de lui seul remarqué dans les rideaux de pluie, l'approche de quelqu'un, de quelque chose, l'apparition, sans doute, de chairs et de sang ou de ce que les loups savent seuls voir et entendre, qui proclamerait par des cris ou du silence à sa mesure la venue annoncée de l'eivar.
C'était un loup de forte taille, qu'à première vue les mois secs d'enfer n'avaient pas trop méchamment damné. La boue gantait de crottes baveuses ses pattes antérieures, jusques aux coudes. Son pelage épais, gris sur les flancs, fauve et sombre de l'échine au râble, lui faisait comme une cotte d'écailles épaisses et lisses qui s'ajustaient à ses muscles raidis quand passait la bourrasque. La crinière drue qui lui pendait du garrot au poitrail en un collier de mèches filiformes découvrait, s'il tournait légèrement le cou vers la gauche, une estafilade sombre qui pouvait aussi bien avoir été ouverte par la griffe, le croc ou l'épine. Une égratignure, rien de grave, qui ne lui avait même pas fait tomber le poil et datait d'avant le retour des pluies.
Il regardait la brume écorchée par l'averse. Parfois clignait d'un œil si une goutte s'écrasait proche des noires pupilles fendues sur son âme de loup ou becquait un peu fort une partie sensible de son museau.
Assis là, sur le bord d'une trace depuis longtemps sans odeur, gardien et surveillant attentif des ombres camouflées dont le calvaire de granit rongé et déserté ne soupçonnait même plus la possible existence.
Ce n'était pas un loup solitaire, il n'en avait ni l'allure ni le peu de patience, à rester là comme sa propre dépouille pendue au-dessus de sa présence pétrifiée sous les coup en écharpe des ébrouements diluviens. Ce n'était pas un banni, rogue et abandonné. La marque de la solitude n'avait pas imprimé son regard, ni son attitude. C'était un loup de meute, sans aucun doute un des meneurs. Probablement le mâle du couple meneur.
Les autres, ceux dont il savait l'odeur depuis l'instant de leur venue au monde, étaient ailleurs. Les femelles, les mâles, les anciens d'avant lui, les jeunes de longtemps après, les siens, qui étaient la harde, et, dans la harde, la femelle qui d'entre toutes portait à la fois son odeur à elle et la sienne de mâle aussi, sa compagne de tant de jour et de nuits et de saisons, de froidures à fendre les pierres et de chaleurs à les faire suer. Du ventre de cette femelle, les petits qui avaient pris leur taille et leur force, et qui avaient marché au centre puis à la traîne, puis à l'écart de la harde, ceux qui étaient encore là et ceux qui étaient partis - mais dont l'odeur était restée dans les marques du vent, parfois revenue au bord d'une trace et d'un moment.
Les autres.
Le grand loup gris et la louve se tinrent ainsi un moment, côte à côte, sur la levée de terre et de caillasse, tandis que les flammes de la lumière débordant par-dessus les lointaines montagnes brûlaient insensiblement leurs pupilles et tiraient du pied des choses de longues ombres filiformes qui rampaient dans leur direction.
Les oreilles bougées avec une parfaite simultanéité, comme si deux paires n'en étaient qu'une, les narines palpitantes, ils attrapaient les bruits et les effluves et les odeurs de tout ce qui tissait l'alentour perceptible.
Ils sursautèrent en même temps et tournèrent la tête vers le bruit feutré que fit le mulot sous les herbes, suffisamment proche pour que sa présence s'identifie à eux sur un souffle du vent. Le loup eut un mouvement esquissé en direction de la fuite sonore de la petite bête, et puis se figea.
La bonne moitié de cette cavalerie ne s'était probablement pas retrouvée en selle depuis des lustres et Grégoire aurait facilement parié un louis (c'était pour lui un jour de chance à ces jeux-là...) en les voyant prendre le départ du campement, deux louis après les avoir suivis au petit trot à travers prés et landes, trois louis maintenant, après une petite demi-heure au pas de promenade sur le chemin de charroi dans la forêt, que le quart de l’équipage finirait la journée dans le silence et les sourires crispés qui signifient indiscutablement, dans le langage caractéristiques des cavaliers de fortune, un profond mal de cul. Il en souriait, percevant les jacasseries qui flottaient derrière lui, par-dessus les frappements sourds des sabots sur la terre noire de la passée.
L’Été en pente douce (1987) Bande Annonce