Être autonome aujourd’hui est considéré comme hautement désirable. Mais peut-on être autonome sur injonction ? Et que signifie cette autonomie synonyme d’être capable de se prendre en charge, capable de se sortir des situations dans lesquelles on se trouve, capable de vaincre son destin ? L’accompagnement viserait-il alors, peu ou prou, au guidage ou au paramétrage d’individus en tant que sujets incités à exercer leur capacité à rejoindre des situations problématiques dans lesquelles ils sont pris ?
On serait donc passé d’une logique de réparation, centrée sur les manques, les déficiences, les retards, caractéristique du médico-social, une logique d’optimisation, valorisant les capacités et les ressources, en négligeant les deux types de banalisation auxquelles ces logiques renvoient. La première, au risque d’être infantilisante, tente de ravauder le tissu social à grand renfort de « ça va aller : t’es as tout seul, on s’en occupe » quand la seconde, à vocation autonomisante, tente de convaincre chacun que « ce n’est rien, ça va passer : si tu veux, tu peux ». Ainsi l’accompagnement est-il pris entre deux types de banalisation : la première, à caractère assistanciel, est le fleuron de l’Etat-providence, quand la seconde, en faisant l’apologie de la résilience, s’inscrit dans une optimisation « coûte que coûte », empruntée au modèle économique.
Toute situation vécue dans une dynamique relationnelle d’accompagnement peut contribuer à ce qu’il soit, non pas l’hérésie d’un moment, non pas l’hérésie d’un moment, mais l’opportunité au sein de laquelle l’autonomisation comme logique d’émancipation s’inscrit dans un processus d’humanisation. Car l’enjeu est bien de comprendre que ce qui se joue au travers d’un moment sociétal participe d’un processus de civilisation. Car l’enjeu est bien de comprendre que ce qui se joue au travers d’un moment sociétal participe d’un processus de civilisation. La condition pour en relever le défi est de travailler à penser l’homme et les liens ontologiques qui le tissent dans une même étoffe à la société et au monde : un tissage dont l’homme peut alors être dit le motif.
La posture, en tant que capacité à s’ajuster à un contexte dont elle est toujours dépendante, requiert une flexibilité comportementale de la part de l’accompagnant et une certaine lucidité sur ce qu’il croit être en relation, un repérage de ses tendances. Elle suppose une capacité à passer de la seule densité de sa présence (être là, observer, acquiescer, accueillir, sans intervenir de quelque manière) à une présence active (écouter, formuler, questionner, clarifier, recentrer, proposer, aider à choisir et à décider, en prise sur ce que l’autre dit), voire impliquée (dans le dialogue, le débat, la discussion, la délibération, la confrontation, l’interpellation).
L’accompagnement s’en trouve soumis à deux visées : une visée productive, en termes de résultats, qui contraint les professionnels à penser l’évaluation de leur démarche et une visée constructive visant au développement des personnes accompagnées.(On ne peut donc pas parler d’accompagnement s’il n’y a d’autre objectif que le montage d’un dossier, l’obtention d’un financement ou d’indemnités). L’accompagnement productif se décide comme investissement et s’apprécie comme résultat quand l’accompagnement constructif suppose un projet, se réalise dans l’autonomisation de son porteur et s’apprécie comme enrichissement.
En situation professionnelle, la relation s’établit sur la base de présupposés liés au statut, au dispositif, aux rôles qu’on est censés y tenir, aux contenus qui seraient attendus. Le lien quant à lui résulte des effets imprévisibles de la rencontre où l’autre reste toujours un inconnu qui déroute et surprend, qui déclenche curiosité ou perplexité, qui ne répond pas forcément aux attentes et donc l’altérité est irréductible. Dans le lien, les traces de ce qui se passe entre deux sujets sont soumises à l’aléatoire et en permanent devenir.