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EAN : 9791022610964
192 pages
Editions Métailié (21/01/2021)
3.91/5   39 notes
Résumé :
Dans une banlieue de Luanda près d’une petite plage, GrandMèreDixNeuf (on l’a amputée d’un orteil) s’occupe de toute une bande de gamins, curieux et débrouillards, amateurs de baignades et de fruits chapardés. Des coopérants soviétiques construisent un Mausolée gigantesque pour la momie de Agostinho Neto, le père de la Révolution. La guerre civile est terminée, ils vont moderniser le quartier si bien situé au bord de la mer. L’un des officiers est ami de la GrandMèr... >Voir plus
Que lire après GrandMèreDixNeuf et le secret du SoviétiqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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« le soleil s'est enfoncé jaune dans le bleu sombre de la mer en inventant un beau coucher de soleil d'une couleur métisse que des paroles n'auraient pu expliquer. Nous regardions, c'est tout ».

Des cris bleus, mais aussi des fourmis et des langoustes tout aussi bleues, des explosions parcourues de cerfs-volants multicolores virevoltant dans la nuit noire de Luanda, des fantômes bienveillants, un fou aux dreadlocks mêlées de sable et de bouts de coquillage brillants, un crocodile dans une niche, des grands-mères charmantes, des petits-enfants jouant à la guerre des boutons avec des Soviétiques, en défenseur de leur communauté, une poésie de couleurs éclatantes et d'odeurs délicieuses, voilà les trésors de tendresse que vous trouverez dans ce livre angolais qui parle avec la voix d'un enfant terriblement attachant qui croie à des ciels dansants…

Ndalu de Almeida, pseudonyme Ondjaki, s'est inspiré de sa propre enfance pour nous narrer cette histoire rocambolesque. « L'enfance est insondable dans ses secrets et magies : ce n'est pas l'astrologie sérieuse qui m'intéresse mais le manteau de poésie que libèrent les étoiles ».
Et quelle réussite ! Rires, émotions et poésie sont au rendez-vous de cette lecture qui sort totalement des sentiers battus. En regardant sa photo sur Babelio, je me dis que cet auteur a dû vivre une enfance de rire, d'amour et de liberté pour avoir su conserver un tel regard, enfantin, un tel sourire, éclatant, et une plume aussi magnifique pour parler avec magie et amour de l'enfance.

GrandMèreDixNeuf…pourquoi cette étrange appellation ? Car elle a dix-neuf petits enfants ? Pas du tout. Car elle habite au 19 de la ruelle d'une banlieue pauvre de Luanda ? Non, encore moins. Tout simplement parce qu'elle a été amputée d'un orteil. Elle a donc 19 orteils désormais ce qui en fait une célébrité dans le quartier où tout le monde se connait, s'épie, s'invite et se soutient. Cette grand-mère, qui me fait penser aux grands-mères de Nougaro, au caractère bien trempé aimant la castagne, a l'énergie et la patience de s'occuper avec amour d'une bande de gamins intrépides, curieux, débrouillards, respectueux des anciens. Nous sommes près de Luanda, au bord d'une petite plage dans laquelle les enfants aiment se baigner et émettre des cris bleus, cris et hurlements de joie sous l'eau, « des voix mouillés de cris muets ».

Agostinho Neto est le premier Président de l'histoire d'Angola. Dans ce pays auparavant colonie portugaise, désormais indépendant, ce président a instauré, dès 1975, une dictature d'inspiration marxiste-léniniste, consolidant ainsi les liens avec ses alliés soviétique et cubain. C'est ainsi que des coopérants soviétiques, dans les années 80, sont en train de construire sur la PraiadiBispo, la « plage du prêtre », là où habitent précisément ces habitants, un Mausolée gigantesque pour la momie d'Agostinho Neto. L'objectif, par la même occasion, est également de construire un nouveau quartier, plus moderne, et pour cela il est prévu de raser les maisons, la seule richesse de ces habitants…Notre petit héros et son meilleur ami vont organiser la résistance, avec l'aide d'un Soviétique, ami de GrandMèreDixNeuf.

Ce livre déborde d'humour, notamment de jeux de mots, et de tendresse à chaque coin de page tout en nous faisant vivre un pan de l'histoire de l'Angola mais vu à hauteur d'enfant. Il déborde de vie, de bruits, de joie. Ce livre c'est une caresse enfantine, innocente, pure, salvatrice. C'est un éloge émouvant à l'enfance, à toutes ses forces, ses espoirs, ses potentialités. Un éloge au mélange des générations et à la différence.

« Comme ça, tout nus, nos corps rafraîchis par un petit vent doux, regardant les cerfs-volants qui survolaient notre place de PraiaDiBispo, moi, Charlita et Pi, plus connu sous le nom de camarade TroisQuatorze, nous sautions par-dessus les coquillages, les trous de crabes qui fuyaient affolés, pour retrouver la sensation de l'eau salée sur nos corps pressés de plonger dans l'écume blanche de la mer obscure, à cette heure de fêtes et de rires, nous étions là, à la recherche de la zone un peu plus profonde, là où nos corps pouvaient danser doucement afin de garder l'air de nos poumons pour nos cris et je me suis souvenu des adultes, de tous ces adultes que j'ai connus et qui souvent ne savent pas croire aux secrets simples des enfants… ».

Un livre attachant, frais, tendre, encore une très belle découverte grâce aux éditions Métailié et aussi à Idil de façon complètement fortuite :)) , j'ai à présent vraiment hâte de lire « Les transparents » du même auteur !

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Dans les années 80, l'Angola est un Etat à l'indépendance toute nouvelle toute belle. Enfin, si on veut. Agostinho Neto, le premier Président de son histoire, a instauré, dès 1975, une dictature d'inspiration marxiste-léniniste, consolidant ainsi les liens avec ses alliés soviétique et cubain.
C'est dans ce contexte que s'ouvre le roman et qu'on fait connaissance avec les habitants de PraiaDoBispo, un quartier pauvre en bordure d'une plage de la banlieue de Luanda, la capitale. C'est à cet endroit que se dressera bientôt le mausolée du susdit Agostinho Neto, mort en 1979. Construit par les Soviétiques, le tombeau est tellement monumental que les maisons du quartier sont menacées de destruction. La résistance va s'organiser en secret, menée par deux gamins qui n'imaginent pas qu'on les déplace, eux, GrandMèreDixNeuf, EcumeDeMer, TroisQuatorze, VendeurD'Essence, VieuxPêcheur et les autres, dans un nouveau quartier sans âme loin de l'océan.
L'histoire est racontée par l'un des petits-fils de GrandMèreDixNeuf (ainsi surnommée parce que amputée d'un orteil), sorte de mamy nourricière de tous les garnements des environs. En plus de la conspiration anti-mausolée, le gamin nous présente les habitants du quartier, vivant au rythme de la chaleur implacable et des coupures de courant, entre les chapardages des enfants et les moqueries plus ou moins bienveillantes à l'égard des officiers soviétiques suant dans leurs uniformes plus adaptés à la Sibérie qu'aux tropiques.
Plus de cinq ans après avoir lu "Les Transparents", j'étais impatiente de découvrir un autre roman d'Ondjaki.
Racontée cette fois à hauteur d'enfant (exercice périlleux mais qu'il réussit à merveille), cette histoire-ci est plus légère, moins dramatique, et elle en perd peut-être en puissance. Mais on y retrouve le style poétique et chatoyant d'Ondjaki, son goût pour les surnoms et les couleurs, son humour et son ironie, avec en bonus le charme de la naïveté et de l'obstination de l'enfance. A travers le portrait de ces personnages attachants et excentriques, c'est aussi l'histoire récente de l'Angola qui nous est racontée entre les lignes de l'horizon. Un roman tendre, drôle et chaleureux, ça fait du bien par ce temps glacial.

En partenariat avec les Editions Métailié via Netgalley.
#GrandMèreDixNeufetlesecretduSoviétique #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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C'est la première fois que je lis un romancier angolais et je sors ravie de l'expérience ! Ndalu de Almeida s'est fait connaître sous le pseudonyme de Ondjaki. Un de ses romans a été plusieurs fois primé de 2013 à 2016 : Les Transparents. C'est probablement au succès de ce titre que nous devons la traduction française de GrandMèreDixNeuf et le secret du Soviétique, ouvrage initialement paru en 2008, à moins que ce ne soit au film qui en a été tiré et qui aurait dû sortir en France fin 2020. Peu importe, d'ailleurs, puisque c'est un roman très agréable à lire. L'histoire se déroule dans les années 80. Agostinho Neto, dictateur de type marxiste-léniniste est mort en 1979, et les Cubains comme les Soviétiques, officiellement présents dans le pays en tant que coopérants, veulent construire un énorme mausolée où le corps embaumé du président reposera pour l'éternité. PraiaDoBispo a été choisie pour abriter le gigantesque bâtiment déjà en chantier. Pour achever les travaux, il va falloir raser le quartier où vivent les protagonistes de ce roman. On comprendra que les habitants aient l'intention de s'y opposer… Mais il faudra attendra la toute fin pour connaître le secret du Soviétique !
***
Le début du roman est assez déroutant. J'ai mis un certain temps à accrocher à l'écriture et aux tournures employées avant d'y prendre un vrai plaisir. Jusqu'à la page 23, on a l'impression que le narrateur restera un « nous » (nous les enfants). Mais un jeune narrateur, dont nous ne saurons jamais le nom, prendra ensuite le relais. Les enfants dont l'histoire est racontée ici vivent à Luanda, dans un quartier pauvre, mais situé en bord de mer, PraiaDoBispo (la plage de l'Evêque). Je ne sais pas pourquoi tous les noms et surnoms sont présentés sans espace à de rares exceptions près (le Camarade Rafaël, par exemple). L'auteur s'amuse beaucoup à forger des surnoms amusants. GrandMèreAgnette deviendra GrandMèreDixNeuf après la perte de son orteil. Pinduta, l'ami du narrateur, est parfois nommé par son diminutif, Pi, mais on le connaît plutôt sous le surnom de TroisQuatorze. le Soviétique qui se lie d'amitié avec la grand-mère est surnommé CamaradeBotardov, parce que, peu importe l'heure, il salue en disant « botard » (boa tarde), etc. Dans tout le texte, les jeux sur les langues sont nombreux et c'est probablement inévitable tant le portugais parlé en Angola semble imprégné des apports d'autres langues, locales ou importées par les divers occupants du pays. le kimbundu semble encore très vivant dans la génération de la grand-mère. L'auteur jouera aussi avec l'espagnol des Cubains que parlent EcumeDeMer et le docteur Camarade RafaëlTocToc. Cela donne lieu à des confusions expliquées brièvement en notes de bas de page, mais assez rarement parce que chaque phrase en espagnol de Cuba est immédiatement traduite en français, comme elle l'est sans doute en portugais dans le texte original.
***
La vie à PraiaDoBispo se déroule simplement, dans une bonne humeur contagieuse malgré les aléas du quotidien, la pauvreté et les ennuis de santé. Les habitants se connaissent, restent solidaires, et apprécient l'endroit magnifique où ils vivent. On partage donc leur inquiétude devant la menace de la destruction du quartier et d'un déménagement imposé. J'ai vraiment apprécié la langue employée par l'enfant, qui va de surprises en méprises, sa poésie, son inventivité. J'ai adoré la description des habitants et de la vie du quartier dans la très longue phrase qui commence page 111 et finit page 113 ! La présence (?) de GrandMèreCatarina m'a intriguée et amusée. La lecture des deux lettres qui suivent le roman dévoilent à quel point l'auteur a puisé dans ses souvenirs personnels. Un très bon moment de lecture, sourire aux lèvres.
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Alors, que dire de ce roman, pour le moins atypique, pittoresque ?

Si, pour Godard, la caméra est un oeil  pour ondjaki, la littérature est une oreille.

Son roman, c'est comme une compilation sonore de scènes volées au quotidien et restituées ‘tel quel', sans filtre, façon ‘nouvelle vague', une superposition de tranches de vie qui finalement forme un mille-feuille exotique évoquant un climat, une sensation ou un puzzle impressionniste qui nous esquisse une vie ordinaire dans un petit village ougandais hors du temps.

Un village africain donc, à hauteur d'yeux d'enfants qui, naïvement, n'ont de connaissances que celles véhiculées par la tradition orale (ou le cinéma), fleurie, fruitée, colorée et incroyablement poétique, une poésie justement née de cette naïveté (un crocodile domestique tient-il dans une niche à chien ?)

Un décor, déjà. Tout est tellement sec dans ce village venteux de bord d'océan qu'un camion vient en arroser la place centrale quotidiennement afin d'y fixer la poussière omniprésente sauf les jours de grandes pluies, apportées par l'orage qui fait tant craindre les pires malédictions qu'il faut couvrir les miroirs et ne surtout pas porter de rouge, couleur diabolique ayant la faculté effrayante d'attirer la foudre.

Un projet, ensuite. Un chantier gigantesque et improbable, mené de main de maître par des militaires soviétiques (géopolitique oblige) qui tient en haleine cette communauté jusqu'alors repliée sur elle-même : la construction d'un mausolée en forme de fusée qui abritera la momie d'une sommité locale, le premier président ougandais. Seulement, pour ériger cet édifice, il faut faire place nette, raser les maisons historiques et reloger la population indigène dans un quartier nouveau à construire.

Des personnages, ensuite. le jeune narrateur et ses multiples copains, famille, connaissances, présence, chacun avec sa particularité (lunettes communes partagées en famille, dreadlocks ensablées...) Il vit chez sa grand grand-mère, attachée à sa culture, au patrimoine familial, aux traditions (ha, le caillou dans la file d'attente) qui a lié des relations particulières avec un des cadres soviétiques du chantier, ce qui lui a donné l'avantage de profiter d'une alimentation électrique protégée quand le reste du village vit au rythme des coupures du réseau.

Mais en quoi consiste cette relation ?
Quel est le secret convoité et épié de cette grand-mère qui souffre horriblement d'un pied ou la gangrène est détectée. Il faudra lui amputer un orteil, opération qui lui donnera son surnom de grand grand-mère-dix-neuf , le nombre d'orteils restant.

Le récit et le style, enfin. C'est comme écrit d'un jet, dans la totale spontanéité, comme ça vient.
Un vent chaud de douce folie et de pure liberté. Tout est autorisé !
Une espèce de rédaction d'enfant à qui on a demandé de raconter sa vie, son quotidien, une littérature-réalité comme il existe une télé du même nom. Enfantin, quasi primaire.

Naïf et spontané, tels sont les deux qualitatifs qui me semblent le mieux refléter mon ressenti à la lecture de ce drôle de roman qui m'a parfois emmené là-bas, respirer le vent marin saturé de la poussière qui m'a presque frappé le visage et fait pleurer les yeux. J'ai participé à la fête de l'orteil, dansé et bu des alcools que je ne connaissais pas.
Participé quoi !

j'ai aussi vécu le désarroi de cette population qui comprend qu'un déracinement se prépare, désarroi qui prend une tournure singulière quand ce sont les enfants qui subodorent le changement radical en préparation et décident de contrer cette décision avec leurs propres armes (ou presque).

L'eau pétillante mon été, servie on the rocks, avec une paille que je n'ai pas mise dans l'oeil de mon voisin.
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Comment qualifier ce roman… Amusant ? Affirmatif. Déroutant ? Affirmatif. Onirique ? Aussi. Drôle ? Oui, un peu. Noir ? Oui, aussi.

En fait, il est difficile de le faire rentrer dans des cases, tant il est étrange, ce roman.

Angola, années 80. Après les colons Portugais, les Angolais ont eu, en 1975, leur premier président de leur histoire (Agostinho Neto). Ce dernier a instauré une dictature d'inspiration marxiste-léniniste.

Voilà nos angolais communistes qui se donnent du camarade à tout bout de champ, même les gosses.

Leur président est mort en 1979 et les Soviétiques présents dans le pays sont en train de lui ériger un mausolée immense, dans lequel pourra reposer le corps empaillé du président… Heu, le corps momifié ? Non, pardon, le corps embaumé (beurk).

Le problème est que le quartier pauvre de PraiaDoBispo, situé en bordure d'une plage de la banlieue de Luanda, va disparaître pour faire place à cette horreur mégalomane.

GrandMèreDixNeuf, qui au départ ne se prénomme pas encore ainsi puisqu'elle a encore ses 10 doigts à la main et aux pieds, est une sorte de grand-mère débonnaire qui s'occupe des enfants du quartier, sans que l'on sache vraiment si les enfants sont bien de sa descendance ou pas.

Ce sont deux garnements qui vont entrer en résistance et tenter de sauver leur quartier de la destruction programmée. le récit est d'ailleurs raconté par l'un deux, sur un ton enfantin, léger, tout en ne manquant jamais de profondeur.

C'est casse-gueule d'utiliser un enfant comme narrateur, mais ce ne fut pas le cas ici. Sans jamais connaître le prénom (ou surnom) de notre jeune narrateur en herbe, on s'attache à lui de suite (et aux autres aussi).

Les surnoms des gens sont le reflet de ce qu'ils sont et les plus notables, en plus de GrandMèreDixNeuf (GrandMèreAgnette de son vrai nom), sont EcumeDeMer, le fou du quartier, TroisQuatorze, le copain du garnement, surnommé ainsi, car son prénom est Pinduta (π = 3,14) VendeurD'Essence (qui n'a pas d'essence à vendre), VieuxPêcheur, GrandMèreCatarina (qui reste un mystère)…

D'un côté, cette lecture est amusante avec les réflexions des enfants, leur vision du monde des adultes, leurs questionnements, leurs moqueries envers les Soviétiques, engoncés dans leurs chemises manches longues, sous le soleil, se moquant aussi de l'accent de celui qu'ils ont surnommé le camarade Botard (ou CamaradeBotardov qui sent mauvais des aissellofs)…

Et de l'autre, cette lecture est plus sérieuse qu'on ne pourrait le croire, car le lecteur, adulte, comprend plus de choses que les enfants. Sous le ton léger de la narration, on sent bien le drame caché des habitants qui subissent le communisme, les files devant la boulangerie, le manque de nourriture, les coupures de courant, la pauvreté des habitants de ce quartier.

Le ton de l'écriture est ironique, sarcastique, tout en étant aussi bourré de tendresse, de drôlerie, de naïveté, de touches d'humour, d'amitié, de joies simples et de vérités qui sortent de la bouche des enfants. C'est un mélange qui aurait pu foirer, s'il avait été mal dosé, mais ici, il est fait intelligemment et c'est un plaisir à lire.

J'ai même pris plaisir à lire l'espagnol cubain du docteur Camarade RafaëlTocToc, comprenant la majorité de ce qu'il disait. Pas de panique, la traduction de ses dires espagnoles sont traduits sous ses dialogues. le fait de les lire en espagnol dans le texte nous fait comprendre les différences de langues entre lui et les habitants qui parlent le portugais, ainsi que les erreurs de compréhension de certains mots (expliqués en fin d'ouvrage).

Il règne une atmosphère de bonne humeur, d'innocence, de joie de vivre, dans ce quartier pauvre de PraiaDoBispo. On sent venir le drame, mais jamais l'auteur ne sombre dans le pathos, restant dans le registre de légèreté qui camoufle le sérieux de ce récit.

Un roman à la fois drôle et sérieux, amusant tout en étant intelligent, une bonne dose de bonne humeur pour bien commencer l'année, sans pour autant que ça manque de profondeur. Il faudra attendre la fin du récit pour connaître le secret du soviétique.

Il est dit, à la fin du roman, que l'auteur a puisé dans ses souvenirs d'enfance pour écrire ce roman.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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critiques presse (2)
NonFiction
09 janvier 2022
On l’aura compris : Ondjaki ne fait pas que réécrire l’histoire de son pays natal. Son roman est un hymne à l’enfance dans ce qu’elle a de plus créatif et de plus subversif, une lettre à peine voilée adressée à ces adultes qui « ne savent pas croire aux secrets simples des enfants » et restent souvent prisonniers des grands discours et des vieilles blessures.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeFigaro
07 janvier 2021
Le meilleur auteur angolais de sa génération mélange la langue orale africaine et la langue écrite portugaise pour raconter, avec les yeux d’enfants, l’étrange occupation russe de son pays. Drôle et poétique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Cette fraîcheur marine apportait avec elle une profusion d'odeurs dont on ne pouvait comprendre le mélange qu'en gardant les yeux fermés, un mélange qui ressemblait à un carnaval de couleurs - les mangues encore bonnes et vert tendre pendues dans les arbres, les mangues à moitié mangées par les chauves-souris, l'odeur verte du sape-sape, la poudre qui enveloppait les goyaves sur le point de tomber, le mélange de l'odeur du pitanguier et celle du néflier, odeurs de la brousse mêlées à celles des poules et des cochons, le cri des perroquets et des chiens, deux ou trois tirs d'AK-47, une radio oubliée par quelqu'un à l'heure des infos en langues nationales, le bruit des gens qui couraient pour arriver à la maison ou au moins quelque part où s'abriter de la pluie et même, si l'heure était avancée, les rumeurs de la boulangerie de la rue derrière où on commençait à travailler très tôt et pendant toute la nuit, pour être sûr que le pain du lendemain arriverait chaud chez ceux qui avait dormi toute la nuit. Ce qui veut dire que l'odeur de la pluie est quelque chose de difficile à faire comprendre à ceux qui ne connaissent pas la salle de bain de la maison de GrandMèreAgnette.
- Tu dors ou quoi ? ils m'ont demandé.
- Ferme-la. Je suis en train de mettre la pluie dans mes pensées.
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L'explosion réveilla même les oiseaux endormis dans les arbres et les lents poissons de la mer - et fit apparaître des couleurs d'un carnaval jamais vu, jaune mêlé de rouge faisant semblant d'être orange dans un vert bleuté, des brillances imitant l'éclat des étoiles couchées dans le ciel et un bruit de guerre du genre de celui que font les avions MiG. Finalement c'était une explosion jolie parce qu'elle se prolongeait dans les bruits des belles couleurs que nos yeux voyaient pour ne plus jamais les oublier.
(incipit)
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Le CamaradeBotardov est arrivé après déjeuner, tout transpirant et puant. Il ne le savais pas, mais GrandMèreDixNeuf préférait qu'il vienne lui rendre visite le soir après 18 heures, une fois douché et les aisselles lavées, parce que s'il y a une façon de savoir si le CamaradeBotardov n'est pas loin, cette façon s'appelle puanteur soviétique. Ou simplement "puanteurov" comme disait le camarade TroisQuatorze.
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C’était la façon du CamaradeBotardov, trois coups, un peu allongés.

-GrandMèreGnette, pouvoir ouvrir, c’est moi, Bilhardov. Pleuvoir beaucoup dehors.

-Dix ans qu’il est là et il n’a toujours pas appris le portugais d’Angola. Ces Soviétiques sont la honte du socialisme linguistique, a dit GrandMèreCatarina.

Tandis qu’il entrait ruisselant de pluie et serrait la main de GrandMèreAgnette, nous nous sommes assis sur les marches de l’escalier comme pour assister à une séance de cinéma.

-Botard, minine.

-Botard, comrad, l’avons-nous imité, sous le regard courroucé de GrandMère.

Là-bas, dans le pays du CamaradeBotardov, il doit vraiment faire très froid parce qu’il avait la mauvaise habitude de ne jamais quitter une grosse veste épaisse qui accentuait son odeur de sueur aigre, au point que si le vent soufflait dans notre direction, on savait que Botardov allait arriver.

-Enlevez-moi cette veste, on dirait un ours. Il ne vous manque plus que des griffes et un poisson cru entre les dents, rigolait GrandMèreCatarina.

Le CamaradeBotardov riait bêtement. Et regardait GrandMèreAgnette qui ne savait pas bien ou regarder. Nous ne partions pas de là, nous aimions assister à ces scènes comme si c’était un feuilleton en vrai.

-Pas boisson chaude?

-Un thé? a demandé GrandMèreAgnette.

-Ce qu’il veut, c’est un alcool. Dis-lui qu’ici ce n’est pas le bard de SenhorTuarles.

-Descolpe?

-Le portugais angolais de CamaradeBotardov était vraiment très drôle, mais nous avions réussi à le décoder. Il disait « descolpe » pour dire « desculpa » (pardon) quand il n’avait pas compris quelque chose, « minine » c’était « meninos » (enfants), et il aimait dire « botard », ce qui faisait partie des choses qu’il faisait ou utilisait.
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– GrandMère, ils vont dexploser toutes les maisons, n’est-ce pas ?
– On dit exploser, mon petit, ne parle pas comme ça, les gens vont penser que tu ne sais pas parler portugais.
– Mais j’aime dire « dexploser », on dirait un mot qui éclate, exploser, c’est comme une flamme trop faible.
– D’accord, mais dis-les seulement à la maison, ces mots inventés. (p. 117)
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Vidéo de  Ondjaki
Entrevue en portugais à la bibliothèque d'Algès en décembre 2008.
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