Il est des rencontres de hasard fulgurantes. Ce fut le cas pour ce recueil, d'une auteure que je ne connaissais absolument pas. Elle n'a écrit de la poésie qu'à quarante ans, alors qu'elle était avant tout romancière.
La préface très éclairante de
Marcel Cohen permet de mieux saisir la symbolique de ces textes. Ecrits au départ en judéo-espagnol et publiés par une petite maison d'édition, ils sont maintenant réhabilités dans cette version bilingue. Séfarade, ses parents étant originaires de Yougoslavie,
Clarisse Nicoîdsky , morte en 1998, expliquait que ces poèmes dans la langue qu'elle parlait enfant à la maison, étaient une façon de se relier aux souvenirs, un kaddish pour sa mère.
Je vais difficilement pouvoir évoquer les raisons de mon coup de foudre. C'est presque de l'ordre de l'ineffable... Ce chant, comme l'auteure le nomme, en textes courts , m'a profondément émue. Et pourtant, les associations de mots mystérieuses auraient pu me dérouter . Mais les poèmes vibrants ont résonné en moi, avec lancinance. D'autant plus que des vers se répètent souvent, comme un refrain du passé qu'on ne veut pas laisser partir au vent...
" et comment oublierai-je
vos yeux perdus
et comment oublierai-je
les nuits
quand les miens se fermaient
les vôtres demeuraient ouverts"
Il y a une magie troublante dans les mots, un appel, une musique intérieure :
" la fleur
du vent
tomba
lentement lentement
dans l'eau dormante".
Une auteure francaise polyglotte, dont il me tarde de découvrir aussi les romans.
"adientru di mî
un candil inciendi gritus qui no savis sintir":
" en moi
une lampe allume des cris que tu ne sais entendre"...