On nous avait largués entre deux nuages. Ces gens-là sautaient par tous les temps !
En regardant vers le bas, je me suis rendu compte que le sol était bigrement près. Sous la pluie et en dessous de 400 mètres, sans oublier le vent !
Un saut pas comme les autres !
Pas le temps de rêver, le sol est arrivé très rapidement et, les jambes serrées, j’ai fini par rejoindre l’herbe mouillée. Le terrain, grand comme un mouchoir de poche, était en limite d’une forêt, nous avions eu de la chance de ne pas atterrir dans les arbres… Ces Noratlas mine de rien avaient un sacré coup d’œil.
Seuls, mais ensemble…
Ensemble parce que quelque chose nous reliait. L’envie de se dépasser, de croire qu’on est capable…
Capable de faire mieux ou aussi bien que le copain ?
Non !
Non, ce n’est pas ça !
Non, c’est parce qu’on veut faire mieux que le gars qui est là, juste à côté.
Ce gars ?
Mais oui, vous le connaissez bien ce gars.
C’est celui qui est au fond de nous et qui se cherche une bonne raison…
Le pauvre type qui est notre copain intime. Vous le connaissez si bien…
C’est le défaitiste-pacifiste-guerrier du coin du bar qui gagne les matchs quand ils sont terminés…
Oui, on va sauter.
Il va sauter !
Je l’ai fait sauter mon copain intime !
Oui, la manœuvre Colibri.
Ce devait être en 1967 ou 1968 et je crois que c’était la première fois que cet exercice était organisé (*).
Il s’agissait d’une opération visant à faire cohabiter des unités françaises et allemandes.
Habituer les troupes et les cadres à travailler ensemble à tous les niveaux.
Le terrain de manœuvre situé en RFA était qualifié de petite Sibérie par tous ceux qui y étaient passés : Münsingen.
Par chance nous étions en été.
Heureusement, il y avait l’avion et sa musique, son cirque, son odeur…
Et ce retour à la maison après une perm bien méritée…
La fierté de montrer cette plaque aux amis, aux parents…
Le regard du père malicieux et celui de la mère… Et la copine…
Ce voisin qui vous traitait de bon à rien qui vous tape sur l’épaule…
Tu es un homme…
Le temps a passé mais ce morceau de métal tient toujours un peu chaud…
…Ce n'était rien qu'un feu de bois,
Mais il m'avait chauffé le corps,
Et dans mon âme il brûle encor’
A la manièr' d'un feu de joi’… (G. Brassens)
Oui, une façon d’en parler…
Le temps passe……
Je vais refermer la malle.
Il me reste ces photos en noir et blanc de mon passage par la Grande Muette. Vieilles photos qui me paraissent bien jaunies mais entre mes doigts elles me parlent.
La chambrée, le casoar, les bottes, le parachute…
On ne va pas se quitter comme ça !
Alors, avant de les ranger, je laisse quelques mots de ma pensée venir à la surface.
Quelques mots inspirés par MA Grande Muette…