Citations sur Qu'est-ce que l'Occident ? (30)
[…] le droit et le marché ont changé radicalement les conditions de la coopération sociale en rendant possible une coopération à distance, allant bien au-delà des petites sociétés traditionnelles où régnait une division du travail restreinte, ne permettant qu’une faible productivité. Le droit abstrait, en effet, ne présuppose pas la connaissance concrète des hommes avec qui l’on procède aux échanges, donc l’appartenance à une même ethnie ou communauté possédant les mêmes institutions, les mêmes genres de vie, les mêmes connaissances et les mêmes fins. Dès lors qu’il y a consensus sur le droit de propriété et le respect des contrats, ce mode de coopération entre les hommes peut donc s’étendre à très longue distance.
(p. 95-96)
Mais comment se fait-il que l’humanité moderne soit plus savante, puisqu’on vient de dire que le cerveau humain n’a pas changé ? Hayek fait l’hypothèse suivante : c’est parce que le savoir est désormais divisé, qu’il l’est parce que les individus ont pu se spécialiser, qu’ils l’ont pu dans la mesure où est apparue une société d’échanges.
(p. 94)
La lutte des deux « blocs », elle, aura eu le mérite de durer assez longtemps pour que soit démontrée de façon éclatante la supériorité de l’économie de marché sur le socialisme réel.
(p. 90)
Tout ce que prouve la survenue des totalitarismes en plein XXe siècle en Europe, c’est que les valeurs et institutions crées par la civilisation ne représentent encore qu’une couche relativement superficielle, et donc fragile, de notre culture. Comme le dit Hayek, cette couche ne fait que se superposer à celles antérieurement crées par les trois millions d’années de vie tribale de l’humanité […].
(p. 88-89)
Tous ces théoriciens [Boisguilbert, Vincent de Gournay, Turgot, Jean-Baptiste Say, Adam Smith, …] découvraient pas à pas que la « richesse des nations » dépend du développement du libre-échange, de la libre entreprise, du libre commerce et de la libre circulation des capitaux. La grande idée de Turgot, en particulier, est qu’à capacités de travail et à ressources naturelles inchangées la société recèle en son sein des trésors dormants de richesses virtuelles. On peut produire presque n fois plus de richesses si l’on peut immobiliser n quantités supplémentaires de capital.
(p. 83)
Pour des hommes animés de l’éthique biblique, cependant, la liberté de penser et la liberté politique ne sont que des moyens. Car améliorer le monde, cela implique en définitive de donner à ceux qui ont faim. […] Mais, pour multiplier les pains, c’est le cas de dire qu’il fallait un nouveau miracle. Ce fut l’économie de marché.
(p. 82)
La France absolutiste puis jacobine a, elle aussi, re-sacralisé l’Etat, au point qu’en France tout ce qui n’est pas étatique a la réputation d’être impur. C’est le fondement de la prétention de l’Etat jacobin-napoléonien, puis gaulliste et socialiste, à diriger l’éducation et plus généralement à être la seule institution sociale qui puisse parler au niveau de l’intérêt général.
(p. 81)
[…] les philosophes politiques qui se sont déclarés hostiles à l’héritage biblique ont tous, comme par hasard, prôné […].la re-sacralisation de l’Etat, soit sous une forme autoritaire ou absolutiste (Machiavel, Hobbes, Rousseau, Hegel, Maurras…), soit sous forme totalitaire (Marx, Lenine, les néos-païens nazis). Hegel, en érigeant à nouveau l’Etat en une figure de l’Absolu, a fait prendre à la démocratie un retard de plus d’un siècle en Allemagne.
(p. 81)
Les hommes de l’Etat n’ont et n’auront jamais aucun monopole ni privilège dans le discernement du Vrai, du Beau et du Bien. Les gouvernants, en effet, sont non seulement des hommes comme les autres, mais des hommes potentiellement pires, parce qu’ils sont exposés, du fait qu’ils présentent un plus grand pouvoir, à pêcher plus gravement.
(p. 80)
Ils [toujours les théoriciens cités ci-dessus] sont partis du constat que la raison et la connaissance humaines sont fondamentalement limitées et faillibles. Personne ne sait tout, personne ne comprend tout, pas même le regroupement des esprits réputés les meilleurs à un certain instant. Par conséquent, si l’on emploie la force coercitive de l’Etat (ou a fortiori celle de la foule mimétique et persécutrice) à soutenir une certaine version de la vérité, on interdit aux autres faces de celle-ci d’apparaître et l’on bloque le processus de progrès de connaissances. Au contraire, la liberté de penser et de critiquer permet de remédier à la limitation intrinsèque de la raison humaine.
(p. 70)