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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un manga autobiographique formidable ! Drôle, émouvant, instructif en un mot passionnant. Il vous permet de vous familiariser le plus simplement du monde avec la mythologie japonaise et de visiter un petit village nippon au tout début des années 30.
C'est là que vit Shigeru, alias Gégé, huit ans et déjà passionné de dessin. Pendant que ses copains passent leur temps à jouer à la guerre, le rondouillard Shigeru part dans l'un ou l'autre de ses mondes imaginaires. Eh oui car derrière le monde que nous connaissons tous, il y a encore dix mille milliards de mondes, tous plus merveilleux les uns que les autres... nonnonbâ, cela veut dire Mémé. Elle a de grands yeux de chouette et une bouche en cul de poule ; elle est très pauvre et très pieuse. On la paye pour faire des dévotions à la nature et à tous les temples qu'elle rencontre. Au début de l'histoire, elle prie avec ferveur pour la petite Matsu-Chan, la copine de Gégé qui a attrapé la rougeole et pour son pépé qui est très malade. Mais il n'y a personne dans ces temples fait remarquer Gégé. Oh malheur que n'a-t-il pas dit ! là derrière son dos ! Un énorme otoroshi ! Brrrt ! Ce n'est pas parce qu'on ne les perçoit pas, que les choses invisibles n'existent pas …Donc voilà vous ferez connaissance avec Enma le roi des ogres qui indique la direction à prendre et avec beaucoup d'autres yokaï hirsutes, rigolards, sardoniques ou fantomatiques, plus ou moins coriaces. Et puis vous saurez comment le mort arrive dans l'autre monde, comment son âme se transforme et nourrit le coeur de ceux qui l'ont aimé, vous aurez un aperçu du paradis psychédélique qui vous attend ( la bd date des Seventies)…Ah il me reste à vous parler de la famille de Gégé qui accueille NonNonBa ; Celle-ci fera un peu de ménage et puis chut elle racontera plein d'histoires de fantômes aux trois garçons. Shigeru c'est le cadet. La maman est une femme dodue à chignon plutôt terre à terre ; sa famille avait un nom et le droit de porter le sabre, des armoiries et tout le tralala , elle a été mariée à un fantaisiste, dilettante. Il a fait plein d'études, travaille comme banquier mais a décidé d'ouvrir un cinéma, il suffit de louer la grange à fumier. La maman est contre mais cède, elle est très brave la maman. Et le papa, lunaire, épicurien, marrant…
Le manga fait plus de 400 pages mais on ne s'ennuie pas une seconde ! Il a obtenu le faune d'or du meilleur album de l'année au festival d'Angoulême en 2007. Quant à son auteur : un type extraordinaire (voir biographie) qui aura bien retenu les leçons de sagesse de son papa et de nonnonbâ.
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Un vrai régal, une pépite.
nonnonbâ est un récit autobiographique de Shigeru Mizuki (1922-2015). On suit Shigeru, dit Gégé, âgé de 8 ans, dans son quotidien. nonnonbâ, la grand-mère, y prend une place importante. C'est elle qui l'initie aux croyances populaires animistes du Japon rural de l'époque (le début des années 1930). C'est tendre, touchant, nostalgique et drôle.
Shigeru Mizuki est un conteur de talent. Il aborde les superstitions et les légendes mystiques avec la même simplicité qu'il décrit les préoccupations quotidiennes du jeune garçon qu'il était à huit ans.
En toile de fond, se dessine la chronique familiale des Mizuki. le personnage du père, en particulier, est savoureux et sa philosophie de vie peu commune.
nonnonbâ est le premier manga à avoir obtenu le prix Fauve au festival d'Angoulême.
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C'est magnifique de voir que ce livre pour grands enfants à ranger à côté des souvenirs d'enfance de Ion Creangă inspire tous ces commentaires. J'insiste pour ma part sur le fait que le rôle de la mère qui accomplissait des miracles pour l'enfant innocent (au sens premier) est tenu ici par les yokaï, et la vieillarde initiatrice, qui raconte ces esprits. L'image du père aussi est des plus attachantes : "ta douleur et ton dépit d'aujourd'hui se changeront petit à petit en force, tu verras. Bon, j'étais surtout venu te dire de prendre ton bain." (page 392)
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"Magnifique" ! Une belle découverte. Je lit tardivement ce manga autobiographique de 434 pages publié à l'origine en 1992 au Japon puis traduit en 2006 en France. Il avait d'ailleurs tout de suite été remarqué au Festival d'Angoulême. Les éditions Cornelius l'ont conçu avec un beau papier, il a donc tout à fait sa place dans ma bibliothèque.
Sur l'histoire elle même, "NonNonBa" : la grand mère de Shigeru Mizuki est le personnage pivot de l'oeuvre. C'est une femme émouvante, humble, pauvre et très sage. Elle incarne l'être qui vit dans l'ombre pour ne pas déranger, l'amie des petits enfants. Par ce personnage l'auteur fait passer un message très fort sur la condition féminine au japon que l'on peut qualifier de déplorable à cette époque (1930). le second aspect du manga concerne le monde des esprits et des fantômes, très riche, car la religion Shinto attribue quasiment à chaque objet un esprit correspondant.
Je conseille vivement NonNonBa à tous les amateurs de mangas, aux amoureux du japon et à tous les autres....
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Cette BD japonaise s'avère plus adulte, plus réfléchie que bien d'autres. Shigeru Mizuki est un grand raconteur. Qu'il aborde le merveilleux par l'intervention récurrente de yôkaï, ou évoque le des leçons de vie, il sait faire usage de charme et de simplicité. Cette histoire est forte par la richesse des enchaînements, son graphisme jubilatoire et les enseignements objectifs fournis par les protagonistes. Un album d'une haute tenue, d'une écriture légère où se font entendre mille messages "qui font grandir". C'est par là que les personnages s'affirment, prennent vie, extraient leurs peurs et amusent le lecteur.
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Quelle jolie bande dessinée que ce nonnonbâ, qui est en fait une vieille dame attachante, pieuse et superstitieuse, qui aime raconter les yôkaï, créatures fantomatiques issues du folklore japonais.
L'histoire se déroule au début des années 1930 dans une petite ville de la côte ouest du Japon. L'auteur, Shigeru Mizuki, étant lui-même issu de cette région qu'il connaît très bien et dont il s'inspire dans ses mangas. Il est un fin raconteur de la culture populaire et des yôkaï et ses dessins reflète sa jeunesse et sa vie trépidante ainsi que ses débuts comme dessinateur.
nonnonbâ est une oeuvre très instructive sur la variété et l'importance des différentes formes de hiérarchie dans la société japonaise. le personnage de nonnonbâ sert de lien aux histoires car elle est une femme de peu de choses qui vivote grâce à ses activités de prieuse. Elle se lie à la famille de Shigéru Murata (Gégé) et fera son introduction au yôkaï, petits êtres surnaturels et fantomatiques.
Il y a plusieurs personnages intéressants, parfois difficiles à différencier, mais chacun a sa raison d'exister dans l'histoire. La tradition est bien mise en évidence et les planches sont très jolies et bien représentatives de l'époque.
J'ai adoré cette lecture car remplie d'une forme de sagesse liée aux générations et au surnaturel japonais.
« C'est étrange la vie…Sans y penser, je me suis passionné pour le dessin et les yôkaï…Je n'aurais jamais pensé qu'ils me seraient d'un si grand secours tout au long de ma vie.
Dieux qui n'existez pas…Merci! »
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Nous allons suivre Shigeru, cet enfant à l'imagination débordante. Il aime dessiner, il crée ses propres Bandes dessinées. Il vit avec ses parents et ses deux frères. Il n'aime pas vraiment l'école car il n'est pas doué en calcul, il préfère jouer avec ses amis à la guerre entre clans. Ainsi nous allons le suivre dans ses différentes aventures : celles du jeu entre amis, celles qu'il parcourt auprès de Non-Non Bâ (qui pourrait être traduit comme 'mémé'), sa grand-mère, celles qu'il vit durant ses dessins. Nous découvrirons de nombreux personnages tous aussi amusants que Shigeru. Non-Non Bâ racontera tout au long de ce récit des histoires de Yôkaï, ces êtres restés sur Terre après leur mort et qui peuvent hanter les humains. Nous serons comme fascinés par ces 'contes' comme le seront les personnages qui les découvrent, nous avanceront par histoires de quelques pages chacune mais qui restent liées chronologiquement entre elles. Nous passerons par des contes, de l'amour, des peurs, des tristesses, des découvertes, des jeux, des rêves. C'est un ouvrage que je recommande à tous, peu importe l'âge, car c'est aussi une manière de comprendre différents moments réels et sérieux de la vie comme la mort, la maladie, les sentiments, le travail, le rejet, le manque d'argent... le dessin n'est pas très compliqué comme certains manga mais tout de même très attachants et les paysages sont vraiment magnifiques. Nous avons l'impression d'entrer dans un conte plein de poésie et de finesse. Ce fût une très belle découverte qui malheureusement ne dure que 420 pages ! Car oui, j'aurais voulu rester encore auprès de Shigeru, de Non-Non Bâ et de tous les autres.

Le petit plus c'est qu'au début, nous avons deux pages d'Introduction nous expliquant les choix des noms car ils ont une signification qui caractérise les personnages, les choix mis en place par le mangaka puis à la fin, il y a cinq pages de Notes afin que nous comprenions mieux tous les termes spécifiques, les sous-entendus ou encore les particularités des Yôkaï (comme : Umi-bôzu, Bétobéto-san, Akanamé, Jizô, Kappa, ostracisé etc..).
Lien : http://steambook.blogspot.fr..
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Adorable, fin, délicat, entre « Pico Bogue » et « la guerre des boutons », vous plongez avec Nononba dans l'univers formidable d'un imaginaire enfantin enrichi d'une culture japonaise foisonnante, une grand mère un peu sorcière riche d'un patrimoine de vieilles légendes, estompant par l'imaginaire les dures réalités de la vie, mort, maladie, pauvreté.
Génial.
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Lu grâce au CE de ma moitié, j'ai eu beaucoup de plaisir avec ce manga. Il n'a pas le format habituel de petits volumes, comportant plus d'une vingtaine de numéros, ce qui rend la lecture fastidieuse car il faut toujours attendre le prochain tome. Ici, il s'agit d'un pavé, qu'on peut approcher d'un livre classique. La seule chose dommage est d'avoir rétabli ici le sens de lecture occidental au lieu de conserver le sens de lecture japonais. Quant à l'histoire, il s'agit de plusieurs péripéties qui arrivent au jeune Shigeru. En filigrane se dessine une chronique familiale, vue par les yeux d'un enfant qui ne comprend pas tout, mais n'est pas aveugle. Il s'accroche à ce monde imaginaire, aux yôkai, comme pour refuser de grandir, refuser d'être confronté au monde des adultes. Une ambiance tendre, amusante et nostalgique.
Lien : http://nourrituresentoutgenr..
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J'ai découvert Mizuki Shigeru bien tardivement et en commençant par la fin, d'une certaine manière, via sa génialissime autobiographie Vie de Mizuki, publiée dans une édition très luxueuse par Cornélius. L'éditeur avait déjà quelques titres de l'auteur à son actif, dont sa plus célèbre et emblématique série, Kitaro le Repoussant, mais aussi d'autres oeuvres au contenu autobiographique simplement un peu moins frontalement avoué que dans Vie de Mizuki – ce qui incluait notamment Opération Mort, et, d'abord et avant tout, nonnonbâ.



En effet, quand Cornélius a publié (déjà de façon luxueuse) ce dernier titre en 2006 – une BD réalisée par Mizuki trente ans plus tôt –, l'auteur était largement méconnu en France, bien loin de son statut colossal au Japon : pas de la stature de Tezuka Osamu, parce que personne ne l'est, mais la catégorie immédiatement en dessous, ce qui est proprement énorme. le pari s'est avéré payant, la BD étant aussitôt récompensée du prix du meilleur album au festival d'Angoulême, ce qui a permis d'en traduire d'autres titres.



Il faut dire que cette BD précisément avait été très bien choisie, qui permettait de faire la bascule entre l'oeuvre autobiographique de Mizuki, et sa passion bien connue des yôkai, un folklore nippon qui n'avait pas forcément jusqu'alors suscité beaucoup d'échos en Occident, mais qu'un Miyazaki contribuait éventuellement à faire connaître – là où Mizuki lui-même, quelques décennies plus tôt donc, avait pour ainsi dire ressuscité aux yeux mêmes des Japonais ce passé mythique qu'ils avaient tendance, et depuis longtemps, à négliger.



Pour traiter de ce thème, Mizuki a donc choisi de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, sans vraiment se cacher – le petit garçon au coeur de l'intrigue s'appelle bien Shigeru, et ceux qui ont lu la bien plus tardive Vie de Mizuki reconnaissent sans peine l'auteur, ses frères, ses parents, et la petite vieille nonnonbâ (d'autant que certaines planches de nonnonbâ ont finalement intégré le premier volume de Vie de Mizuki !).



Qui est nonnonbâ ? La veuve d'un bonze, qui vivait de mendicité. Elle a toujours une activité de « prieuse », mais vit dans une misère noire. Dans le contexte très pudique de cette petite ville de province qu'est Sakaï-minato, on ne met pas en avant la pauvreté, pas plus que la générosité de ceux qui permettent à la vieille de survivre : de manière plus digne et informelle, on lui confie du travail (pas toujours très utile, à vrai dire) – et c'est ainsi que nonnonbâ se retrouve au service des Murata, et est amenée à fréquenter le petit Shigeru.



Or nonnonbâ exercera une influence (presque) sans pareille sur le garçon. Volontiers bagarreur, mais un peu froussard en même temps, le gamin est éveillé par sa nounou à la présence perpétuelle des yôkai : ce n'est pas parce qu'on ne les voit pas qu'ils ne sont pas là ! Oui, il y a des choses qui existent, et qu'on ne voit pas… Un abondant folklore que la petite vieille connaît sur le bout des doigts ! Quantité de figures grotesques, aux attributs absurdes – mais attention à ne pas le leur dire en face, ils peuvent se montrer dangereux ! Pourtant, si les histoires de yôkai que narre l'intarissable vieille procurent dans un premier temps au petit Shigeru de délicieux frissons, elles en viennent bientôt à remplir d'autres fonctions : la peur est une émotion utile, mais la perception de l'omniprésence des yôkai peut aussi se montrer rassurante, en témoignant d'une sorte d'ordre du monde finalement sécurisant.



On pourrait se contenter de voir en nonnonbâ une petite vieille superstitieuse parmi tant d'autres, a fortiori dans une province aussi nommément arriérée, bien loin des néons de Tôkyô. On aurait probablement tort. Si la foi sincère de nonnonbâ envers les yôkai ne fait absolument aucun doute, elle y trouve visiblement de l'inspiration voire de la ressource au quotidien ; la bonne femme n'est pas seulement généreuse, dévouée, le coeur sur la main, elle est en même temps astucieuse, et fondamentalement pratique – les yôkai, au travers de ses récits, lui viennent en aide, comme ils viennent en aide au petit Shigeru ; ils peuvent aussi s'en prendre à ceux qui le méritent… Mais, dans un sens comme dans l'autre, les yôkai facilitent d'une certaine manière l'harmonie, un vivre-ensemble qui peut certes avoir des connotations spirituelles ou mystiques, mais aussi très pratiques – ce qui n'est au fond pas si étonnant : dans ce registre de la sagesse paysanne, un peu naïve, ou peut-être faussement naïve, le Japon n'est en définitive pas isolé. Et les enseignements de nonnonbâ portent – en tout cas sur le petit garçon qui sera un jour Mizuki, qui avait peur à l'origine des yôkai, mais a ainsi appris à vivre avec eux, partout… peut-être même à survivre, le moment venu. Plus tard...



nonnonbâ remplit assurément un rôle de figure tutélaire pour le petit Shigeru – l'artiste Mizuki lui rend hommage de manière très touchante, vibrante d'émotion. Mais, étrangement peut-être ? elle n'est pas la seule à exercer une influence déterminante sur l'auteur dans cette BD qui porte son nom : il faut y associer aussi un personnage bien différent – le père de l'auteur. On le reconnaît sans peine, ici, quand on a lu la bien plus tardive Vie de Mizuki ; ce qui m'a vraiment surpris, c'est que ce père joue un rôle probablement bien plus déterminant dans nonnonbâ que dans l'ultime série autobiographique de l'auteur. Il est à peu près tout le contraire de nonnonbâ : nonchalant voire tout bonnement paresseux quand elle est une travailleuse acharnée, tourné vers le progrès technique quand elle ne jure que par le passé et les traditions – l'incarnation d'un tout autre Japon, post-Meiji, qui n'a rien de commun avec les yôkai, ces balivernes d'antan (et pas beaucoup plus avec les réminiscences d'un passé familial glorieux dont le serine en permanence son épouse, très fière de son ascendance porteuse de sabres et dotée d'un patronyme, ce qu'elle remet sans cesse sur le tapis). Mais la nonchalance du père le rend drôle et sympathique – le plus souvent (il ne brille pas toujours par l'empathie, contrairement à la très sensible mais aussi très pudique nonnonbâ…) ; et il y a en lui quelque chose d'un vieux désir inassouvi de devenir un artiste – quand il se procure un projecteur pour ouvrir une salle de cinéma dans sa campagne, c'est avec la prétention d'illuminer les paysans avec la technologie moderne ; mais il y a aussi ce scénario qu'il s'est promis d'écrire depuis si longtemps… Et c'est ainsi, paradoxalement, qu'il en vient à remplir un rôle équivalent, complémentaire peut-être, à celui joué par nonnonbâ, en encourageant le petit Shigeru à faire ce pourquoi il semble d'ores et déjà si doué : raconter des histoires…



nonnonbâ et le père de Shigeru sont des figures tutélaires plus qu'à propos dans ce qui ressemble fort à un récit d'apprentissage. Mais la formation du futur mangaka implique deux autres personnages bien différents – deux petites filles, dont le sort tragique contribuera à former l'auteur à la dure, mais qui, chose appréciable, ont une véritable présence, et très empathique, en dehors de cette seule « fonction » un peu navrante : ce sont des personnages à part entière, et c'est bien pourquoi leur sort touche autant.



La première se nomme Chigusa, et c'est une cousine de Shigeru – une petite fille de la ville, qui se rend à la campagne pour ménager ses poumons malades… Elle finira bien par mourir, veillée par l'attentive et dévouée nonnonbâ. Mais elle aura eu le temps d'encourager Shigeru à raconter ses histoires et à développer son imaginaire : le folklore et l'art balbutiant se conjuguent pour offrir au petit être condamné une échappatoire onirique indispensable.



Mais la seconde de ces petites filles, Miwa, témoigne quant à elle de ce que les hommes peuvent être odieux – yôkai ou pas. Ils sont en définitive bien plus à craindre que les créatures folkloriques aux attributs un peu grotesques… L'art ne la sauvera pas plus qu'il n'a pu sauver Chigusa – les yôkai finalement pas davantage, s'ils ont pu, là encore, atténuer au moins temporairement la douleur, par l'émerveillement.



Tout cela a de quoi susciter chez le petit Shigeru des crises de foi – celles, je suppose, qui doivent affecter quiconque professe honnêtement une croyance. À quoi bon les yôkai, quand il y a la mort, et le sordide ? Les paroles réconfortantes de nonnonbâ ne suffisent pas toujours.



Car, en même temps que Shigeru découvre les yôkai, et se dévoue d'une certaine manière à leur cause en racontant leurs histoires en bandes dessinées, il s'éveille aussi au quotidien d'un Japon plus prosaïque, tristement prosaïque, au travers de jeux enfantins d'abord envisagés avec un semblant de nostalgie bienveillante, mais qui témoignent pourtant bientôt d'un arrière-plan des plus sombre et menaçant… C'est que les petits Japonais des années 1920-1930 jouent à la guerre. Un lecteur français pensera sans doute aussitôt à La Guerre des boutons, ce genre de choses, mais le contexte de l'époque, ce Japon nationaliste et militariste, rend d'emblée le thème un peu plus inquiétant. La désignation d'un nouveau chef, son sadisme même plus dissimulé à ce stade, sa brutalité de sous-officier, entraînent bientôt l'armée des gosses sur une pente fatale, faite d'agression permanente, de brimades et d'humiliations érigées en mode de vie, présages du grand suicide collectif dans lequel les militaires n'allaient plus tarder à lancer leur patrie entière… Les yôkai interviennent ici aussi – et les exemples de nonnonbâ aussi bien que du père ; ils inciteront le petit Shigeru, ostracisé par la bêtise pure et simple, à se faire le partisan d'une idée bien curieuse : le pacifisme. Et qu'importe si la flemme en est une motivation essentielle… ou, plus noblement, le désir d'avoir du temps pour raconter des histoires ; Shigeru sait se battre, mais cela l'ennuie bientôt – c'est tellement puéril ! Mieux vaut créer des mangas !



On le voit, nonnonbâ, au-delà du seul personnage titre, et des yôkai qui lui sont d'emblée associés comme ils le seront à jamais à l'auteur, nonnonbâ donc est une BD d'une grande richesse thématique, variée, toujours pertinente (même pour quelqu'un qui, comme votre serviteur, est on ne peut plus hermétique aux « choses qui existent même si on ne les voit pas » et à la spiritualité qui va avec). La narration décousue mais pas improvisée produit de délicates et touchantes tranches de vie imprégnées de merveilleux, qui s'associent thématiquement pour former un récit cohérent et subtil. La BD est tour à tour drôle et tragique, édifiante et désolante, enchanteresse et terrible – un jeu des contraires sublimé par un dessin parfait et immédiatement reconnaissable, qui m'avait déjà tant séduit dans la plus tardive Vie de Mizuki : ce que j'en disais vaut également pour nonnonbâ.



C'est une très belle bande dessinée, en même temps je suppose qu'une bonne introduction à l'oeuvre de Mizuki Shigeru – elle avait semble-t-il été présentée comme telle par Cornélius en 2006, et à bon droit. On peut, une fois de plus, parler de chef-d'oeuvre.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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