«
Oradour, l'innocence assassinée » est un album bien nommé et voulu par l'un des survivants du massacre,
Robert Hébras, qui, avant sa mort survenue en février 2023, entretint inlassablement la mémoire de ce massacre du 10 juin 1944, perpétré par des membres de la division Das Reich, de très sinistre mémoire dans le Limousin et sur le front de l'Est.
Si les auteurs admettent avoir créé certains dialogues et scènes, leur travail est d'une rigoureuse fidélité aux évènements survenus dans ce paisible bourg de Haute-Vienne qui devait le propulser au rang de martyr et dont la visite s'impose d'elle-même, visite dont on ressort très ébranlé : « Cependant, si tout n'est pas authentique, tout est juste et rien ne va à l'encontre de la vérité historique. le lecteur est ainsi convié, au fil de ces planches, à découvrir ou redécouvrir l'un des drames les plus marquants qu'ait connu la France durant la Seconde Guerre mondiale », expliquent en préface Bernadette Malinvaud et
Philippe Grandcoing, de l'OHVR (Oradour, Histoire, Vigilance et Réconciliation).
Mieux – ou pire – nous sommes même immergés – si cela se peut – dans l'atmosphère d'incompréhension vécue par les habitants d'Oradour, par une méthode tout d'abord déroutante mais qui prend tout son sens : les dialogues en allemand ne sont pas directement traduits en bas de vignette comme cela se fait habituellement, faisant ainsi retomber sur nous, lecteurs, l'incompréhension ressentie par les habitants-martyrs dans l'attente de leur sort.
Le dessin ne se perd pas non plus dans des effets de style et, par sa sobriété– et sa pudeur en nous évitant par exemple un excès de voyeurisme, notamment dans l'église où il suffit juste d'entrer pour être tétanisé, comme cela m'est arrivé –, se met tout entier au service de son sujet, avec des couleurs un peu passées qui donnent une impression de feuilleter un album-souvenir, mais des souvenirs abominables…
À la fin du récit, un dossier très documenté et illustré explicite Oradour-sur-Glane, dont il semble, hélas, qu'on en oublie le souvenir. Ce qu'on oublie peut toutefois resurgir, particulièrement à l'heure où la France est menacée par d'autres tyrannies, favorisées comme autrefois par une nouvelle milice de traîtres. Passons.
Quoi qu'il en soit, cet album est à mettre entre toutes les mains, pour mémoire, ce qui était son but, en plus d'être réussi sur le plan strictement artistique.