Les Enfants des Palanges-
Louis Mercadié
Avec son nouveau roman
Les Enfants des PalangesLouis Mercadié est dans la continuité de ses précédents ouvrages. Dans
L'Ange blanc les personnages étaient pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale.
Pour ma soeur avait pour toile de fond la guerre civile espagnole. Yvonne, le personnage principal des Enfants des Palanges est plongée dans les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale.
Autre constante des romans de
Louis Mercadié, les protagonistes sont des gens ordinaires, ce que nous pouvons lire dès l' incipit. « Alphonse Delarbre était un maçon de la Creuse qui vivait de petits travaux » C'est ainsi que débute le roman
Pour ma soeur. « Au service de la famille Doulouriès depuis une quinzaine d'années, la jeune veuve, Irène Vayssac, avait été embauchée avec sa fille, Yvonne, qui à présent atteignait ses dix-sept ans » C'est ainsi que débute le roman
Les Enfants des Palanges.
Yvonne, devenue serveuse dans un bar de Rodez, rencontre Samuel Goldberg et décide de le suivre à Paris. Après la victoire de l'Allemagne nazie sur la France en 1940, Paris est occupé par les forces allemandes qui mettent en place l'arrestation et la déportation des juifs. « Etre juif était un crime » nous rappelle l'auteur, Samuel est juif et n'échappe pas à la rafle du Vél d'Hiv.
Arrêtons-nous quelques instants sur la rafle du Vél d'Hiv et voyons comment l'auteur aborde ce sujet si douloureux de l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Après un accord entre les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy, le chef de la police René Bousquet accepte de livrer des milliers de juifs à l'occupant en sachant que l'ultime destination des prisonniers sera le camp d'extermination d'Auschwitz. Donc le 16 juillet 1942, 13000 juifs sont arrêtés, dont 4000 enfants. L'auteur, bien sûr au fait de la polémique déclenchée par la responsabilité de la France dans la rafle du Vél d'Hiv n'a pas peur de l'horrible vérité. Samuel témoigne que « certains gendarmes, pourtant des Français, de bons Français normalement, nous considéraient avec un dégoût visible, pire que des chiens. »
L'ouvrage se termine par le rappel du discours de
Jacques Chirac du 16 juillet 1995 qui reconnaît la responsabilité de la France dans la rafle du Vél d'Hiv.
Mais l'intrigue se poursuit. Déçu par le comportement de sa bien-aimée, qui a passé une nuit avec un officier de police en échange de sa libération, Samuel quitte Yvonne. Celle-ci est enceinte et , après un moment d'hésitation, décide de garder le bébé.
L'humanité comme fin en soi… « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien en toi qu'en autrui, toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »
Fondements de la métaphysique des moeurs -
Emmanuel Kant
Plongées au coeur de ces évènements dramatiques dans Paris quadrillé par la Gestapo, Yvonne et sa cousine Delphine portent secours à des enfants juifs. La petite Renée est confiée par son père à Yvonne, ensuite Delphine recueille Robert dont les parents ont été arrêtés, coupables du seul crime de leur existence. La décision de recueillir ces enfants juifs s'impose à Yvonne et Delphine avec force et simplicité. Comme
Emmanuel Kant le formule pour la première fois dans l'histoire de la philosophie, chaque homme doit être respecté dans son humanité sans qu'il soit nécessaire de faire appel à des principes imposés par la tradition, la religion ou une autorité politique.
Après la naissance de Jacqueline et le décès de Delphine Yvonne quitte Paris. En route vers Rodez Yvonne fait étape à Apremont - sur - Allier, sur l'ancienne ligne de démarcation. Son hôte lui raconte comment il a aidé et hébergé un résistant communiste. Peu à peu l'auteur nous introduit dans le monde de la Résistance…
Arrivée à Rodez Yvonne reprend son ancien emploi et doit assurer le quotidien de ses trois enfants. Elle les accompagne fréquemment au jardin du Foirail. Là un vieux monsieur converse avec les enfants, leur distribue des bonbons, leur demande où ils habitent, d'où ils viennent… En rentrant du Foirail les enfants évoquent « la rencontre sympathique avec le vieil homme ». Yvonne commence à entrevoir que sous la bonhommie du vieux monsieur se cache un délateur. Mais pourquoi ? Pourquoi le mal s'impose à cet homme avec la même évidence que le bien s'était imposé à Yvonne ? Il sait que les êtres humains qu'il dénonce seront envoyés en camp d'extermination.
Pour Yvonne et surtout pour Renée et Robert la situation devient de plus en plus périlleuse. Yvonne prend la décision d'envoyer Renée et Robert dans une ferme en forêt des Palanges, chez un couple de paysans, Justine et Firmin. Dans la journée ils vivent dans une cabane en pleine forêt, le soir ils rentrent dormir à la ferme. Firmin aide les résistants et les conduit jusqu'au château de Neyrolles, sur la commune de Lassouts.
Aveyron terre de maquis… l'auteur nous rappelle les évènements de la Quille sur la commune de Sainte-Eulalie d'Olt. le 19 juillet 1944 deux membres du maquis
Jean-Pierre,
Jean Pélissier et Francis Reyjal tentent courageusement d'échapper à la vigilance des allemands.
Jean Pélissier est abattu. Il n'avait que dix-sept ans. Son camarade Francis Reyjal parvient à prendre la fuite. Paul Wormser, réfugié juif du château de Neyrolles se rend sur les lieux et est fait prisonnier par les allemands. le 17 août 1944 il fait partie des trente fusillés de Sainte-Radegonde. La tragédie de Sainte-Radegonde marque l'épilogue sanglant de l'occupation allemande de Rodez.
Nous portons à la connaissance de tous les passionnés de l'histoire de la Résistance que chaque année, le troisième dimanche de juillet, autour de la stèle
Jean Pélissier à La Quille, un hommage est rendu à
Jean Pélissier, Francis Reyjal et Paul Wormser.
le jeune Robert n'hésite pas à porter secours aux résistants qui errent dans la forêt des Palanges à la recherche d'un toit, d'un peu de nourriture et de soins. Georges, un maquisard, est sauvé par Robert. Ensemble ils retrouvent Nicolas, compagnon de Résistance de Georges et membre lui aussi du maquis Paul- Clé.
Mais qu'advient-il de Samuel ? Nous l'avons laissé « dépité, anéanti, bouleversé » par l'aveu d'Yvonne. Entré dans la Résistance, Samuel est à nouveau arrêté puis transféré au camp de Drancy. En septembre 1943 Samuel est détenu avec André Ullmo qui propose de creuser un tunnel pour s'évader du camp de Drancy. Samuel participe à cette entreprise téméraire et devient un des « tunneliers » de Drancy. Sur le point de réussir et de recouvrer la liberté les « tunneliers » sont découverts par les SS. En novembre ils sont en route pour Auschwitz et promis à une mort certaine. Conscients du sort qui les attend ils sautent du train en marche et parviennent à s'enfuir. Samuel est secouru par un paysan qui est en contact avec des réseaux de résistants et organise sa fuite vers le Midi de la France. de passage à Lyon Samuel participe à la vie clandestine de la Résistance et échappe de peu au tristement célèbre Paul Touvier. Arrivé en Aveyron Samuel rejoint le maquis Paul-Clé et fait partie des résistants qui organisent le blocage du Pas de l'Escalette.
Samuel veut retrouver Yvonne et se présente au café où elle est employée comme serveuse. Mais Yvonne est à l'hôpital , elle a été renversée par une voiture en tentant de sauver un enfant et a perdu connaissance. Samuel est bouleversé. Une suite de malentendus laisse croire à Samuel que Yvonne est mariée et a trois enfants, Robert, Renée et Jacqueline. Samuel est submergé par la souffrance et quitte l'hôpital « malheureux, anéanti, l'âme détruite… »
Nous allons maintenant laisser au lecteur le plaisir de découvrir le dénouement du roman . le malentendu sera-t-il levé ? Yvonne sortira-t-elle du coma ? Pour le savoir lisez ce roman qui sait avec talent entraîner le lecteur dans les tourments de la guerre et de l'occupation aux côtés d'hommes et de femmes que rien ne destinait à affronter des situations extrêmes.