À Carthage qui vit désormais en paix avec Rome, un mage disparaît alors que la ville connaît d'étranges événements. Envoyé par César pour comprendre et régler cette agitation, Alix bientôt rejoint par Enak, met à jour une organisation secrète que rallie son plus fidèle ennemi, Arbacès. Il trouve aussi un plan laissé par le savant disciple d'Archimède...
3ème histoire des Aventures d'Alix, parue en épisodes dans Tintin puis une 1ère fois en album au Lombard dans les années 1950, cet opus semble le mal-aimé de la série. Disons-le tout de suite : pas pour moi, et cela pour 3 raisons.
Raison n°1 : c'est une madeleine. J'ai lu L'Île Maudite pour la 1ère fois j'avais 9 ans. C'était à sa sortie chez Casterman, où il venait en tome 6 avant les rééditions des deux premières histoires, Alix l'Intrépide et le Sphinx d'Or. Sans idée à l'époque de la vraie chronologie de la série, voir Enak que je fréquentais depuis 5 albums sur le point de disparaître dans la bouche enflammée du Dieu Moloch avait été un choc dont je fus long à me remettre. À la relecture, je me demande d'ailleurs si je m'en suis jamais remis !
Raison n°2 : c'est un récit incroyable et insensé. du point de départ historico-politique - entre - 51 et - 48 avant J.C. semble-t-il - naît une première énigme qui met Alix en mode détective. Sur la piste du méchant - un Arbacès vil, fourbe et intrigant à souhait - nos deux héros et leur ami Vitella embarquent pour une courte traversée, intense et mouvementée : l'enquête policière se fait odyssée maritime, Alix passe en mode Ulysse. Un naufrage - allez, je spoile - au-delà des colonnes d'Hercule nous fait aborder un archipel aussi mystérieux que l'île du même nom chez
Jules Verne : on y nage en pleine anticipation - plus ou moins pour l'époque -, avec un mix de science-fiction et d'antique-fantasy ! Et je ne parle pas de la fin... Alors oui, on surfe d'un genre à l'autre. Mais avec un guide comme Alix et une action qui avance et rebondit en permanence, qu'est-ce-que ça fait du bien !
Raison n°3 : c'est un Alix qui se cherche et qui va se trouver. Écrit et paru en épisodes - d'où l'action qu'on vient d'évoquer - ce récit emprunte aussi des styles, des traits et des tons différents.
Jacques Martin s'y cherche : il aurait souhaité plus tard refaire cet album dira-t-il. La ligne claire est là, les philactères caractéristiques sur la paternité desquels il se battra avec Jacobs aussi. Mais le style gaulois d'Alix l'Intrépide évolue, du réalisme historique à une sorte de space-opéra antique où on retrouve la marque de Jacobs encore - les méchants, les scènes de fin du monde - mais aussi le trait et le ton que Martin va développer sur La Grande Menace pour son autre héros, Lefranc - la traversée du viaduc sous l'eau, l'île aussi... -. le charme de cette genèse est irrésistible pour l'amateur de bd et de ligne claire que je suis.
J'avais dit 3 raisons ? Eh bien il y en a une autre, une quatrième. La voici. On dit de cet album qu'il est le plus bavard des Alix. Je n'ai pas compté les signes, juste les gaufriers, à 4 voire 5 lignes et entre 16 et 20 cases par planche ! Mais pour les textes, dont la quantité et la taille ont c'est vrai de quoi frapper l'oeil - voire même le fatiguer ! -, je les trouve pour ma part d'une incroyable beauté, le fond comme la forme, pleins de sens et (de verbes) d'action, même quand il s'agit de descriptions.
Un de mes Alix fétiches.