La situation du père Voltaire n'était pas originale comme celle de tous les paumés de la vie: un peu trop de déceptions, un peut trop de trahisons, trop d'abandons, un peu trop de tristesse et soudain le loyer de l'existence n'est plus payé; c'est aussi facile de faire un paumé qu'un mort, il suffit de s'endormir au volant de la vie et on sort de la route.
Rien de plus triste qu'un homme seul vieillissant qui fait ses courses, en hésitant sur les courgettes et les concombres, les oignons et les échalotes ça se ressemble tellement! Pourquoi ne pas donner des croquettes aux vieux célibataires avec tout ce qu'il faut dedans comme pour un vieux chien, ça serait plus pratique.
« - Pourquoi les femmes sont-elles si essentielles et si mystérieuses, dit Alain avec son petit air candide…
- Parce qu’on sort de leurs jambes et qu’on a toujours envie d’y retourner, répondit Maurice. On leur a tiré les cheveux pendant la préhistoire pour les traîner dans nos grottes, on les a brûlées au Moyen Age en les traitants de sorcières, violées, battues, humiliées, bousculées et lapidées tout au long des siècles ; couvertes d’opprobre, de burkas, pour se les garder dans nos bras et nos harems, à les étouffer : on les a tondues à la Libération, on les a massacrées en Afrique à la machette, et maintenant quand elles vous trompent parce qu’on a perdu son charme, on les traite de garces, on est vraiment des sales cons ! » [p. 50]
« Même si tu ne vas jamais au cinéma, tu connais l’acteur Fred Morange, lui dit Blondeau.
- Non, répondit Maurice.
- Hé bien tu vas le connaître… dans son dernier rôle… Un rôle de mort car on l’a envoyé dans l’au-delà, assez sauvagement je dois dire. Fais-moi plaisir et rend-toi sur le décor avant que ça coagule. C’est à Neuilly, au 101 boulevard du Château, je te préviens, c’est assez barbare … » [p.17]