Jennifer Richard évoque "Le Diable parle toutes les langues", publié chez Albin Michel. L'histoire d'un individu détestable, le plus grand marchand de mort des temps moderne : Basil Zaharoff. Marchand d'armes, magnat de la presse, de la finance, du pétrole également ; il a pesé sur la destinée du XXème siècle dans l'ombre, en vendant des armes à tous les pays en guerre. Un personnage absolument odieux, cupide, cynique, raciste, ne recule devant rien pour accroître son immense fortune. Il n'a dit-il "jamais rien regretté", se disant près à finir chez le diable qui parle toutes les langues.
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L'indifférence est respectable, elle ne fait de mal à personne et bien sûr, pas de bien non plus.
Une odeur pestilentielle vint se mélanger à la chaleur. On aurait pu toucher cette puanteur, tant elle était concrète et réelle. Elle annonçait avec sa musique sourde et tragique que la mort allait bientôt surgir au détour du chemin ; qu'elle allait ricaner à la vue de ces centurions, de tous ces jeunes gens en tenue de camouflage, car elle était là, dans toute sa simplicité.
Un jour, papa a débarqué avec une clarinette Selmer qu'un type lui avait donné en paiement d'une réparation; moi j'aurais plutôt voulu jouer de la trompette, mais bon... Pendant de nombreuses années, j'ai essayé d'imiter Claude Luter et Sidney Bechet dans le placard à balais pour ne pas gêner les voisins. Je m'y enfermais des heures entières et je rêvais de jouer Basin Street Blues ou Royal Garden blues avec mes idoles. Trente ans plus tard, j'ai pu le faire avec Benny Vasseur - le trombone de Sidney Bechet - et mon père m'a dit que c'était "le seul truc valable de toute ma carrière".
La situation du père Voltaire n'était pas originale comme celle de tous les paumés de la vie: un peu trop de déceptions, un peut trop de trahisons, trop d'abandons, un peu trop de tristesse et soudain le loyer de l'existence n'est plus payé; c'est aussi facile de faire un paumé qu'un mort, il suffit de s'endormir au volant de la vie et on sort de la route.
J'ai longtemps cru que j'étais un obsédé sexuel. Maintenant je sais que je suis un amateur d'art.
Hemingway ? (...) Il est des gens pour croire que la guerre fait de vous un homme ou un écrivain ; Romain, lui, avait l'impression d'être un enfant qui avait été très malade.
La petite maison dans les vignes et ce merveilleux paysage lui rappelaient un peu l'Algérie, mais cela lui faisait regretter les nuits froides, les jours brûlants de son pays, où on est deux fois plus vivant qu'ailleurs, comme si la vie et la mort bavardaient de bonne compagnie au coin du feu. Et cette musique envoûtante du vent du Sud, qui sèche le sang et l'éparpille en poussières de souvenirs.
Coucher avec une femme intelligente, c’est plus enrichissant. Les histoires de QI avec celles-ci ont fait progresser le mien… La femme que j’ai épousée a deux professorats, une thèse sur la littérature française, et peut s’exprimer en chinois mieux que moi dans toutes les langues, y compris ma langue maternelle.
Émile avait soixante-quinze ans. Il en avait passé quinze à la Légion étrangère. « Quinze ans à faire ce dur métier, à moins qu’une balle vienne prendre pitié de notre misère » : on chantait ça pour apprendre le français aux Allemands, aux Russes ou aux autres. Ce genre de chanson faisait de vous un soudard ou un poète.
Émile était un enfant de la guerre. Sa maman l’avait nourri sous les bombardements avec du pain de maïs. Il avait eu une primo-infection, comme on disait. En l’occurrence, un début de tuberculose, maladie qui avait fait de lui un grand romantique, comme Chopin et quelques autres grands amoureux obsédés par le sexe. Cette petite fièvre chronique leur donnait à penser que leur vie serait courte et passionnée.
La guerre et surtout la Libération l’avaient rendu d’un scepticisme maladif sur son pays, car l’enfant qu’il était avait assisté au spectacle des femmes tondues de la place Armand-Carrel, dans le XIXe arrondissement, où des abrutis avaient brutalisé quelques femmes qui avaient préféré un bel amant d’un mètre quatre-vingt à un petit poilu d’un mètre soixante en bandes molletières. Jamais il n’avait pu oublier cette jeune mère, son enfant dans les bras, poursuivie par une foule vociférante.
Dans un village pas loin de Lacoste, un Allemand avait jeté son uniforme dans le Calavon pour rester toute sa vie avec la femme et l’enfant qu’il lui avait fait. C’était un très bon menuisier et personne n’avait jamais songé à tondre sa femme – hormis, bien sûr, quelques connards qui faisaient de temps en temps allusion à cette histoire.
Aujourd’hui, Émile se retrouvait retraité, assis devant son jardin dans une petite maison, pas loin de Saint-Rémy-de-Provence, tout étonné qu’elle se soit passée si vite, sa vie. Restait un imbroglio de souvenirs qui le laissait perplexe et méfiant vis-à-vis de la politique, des médias médiocres et de tous les « istes » en général.
Sa vie, elle était sans vue maintenant, comme sa maison. On ne voyait pas loin, il n’y avait pas d’espace. Agréable, mais sans vue, abrutie de soleil.
Il avait un gentil voisin à qui il avait fait cadeau de sa tondeuse. Comme il était plus jeune et plus courageux que lui, de temps en temps il venait lui tondre son petit terrain, et la femme de celui-ci, qui avait pitié de sa solitude, lui laissait souvent des tomates provençales, ou autre chose de sa cuisine familiale.
Bien avant, il avait divorcé d’une jolie femme qui lui avait donné deux filles, mais qui n’avait pas tardé à le trouver invivable, comme tous les chevaliers errants qui s’emmerdent quand l’aventure s’est calmée et que l’âge abîme leur romantisme imbécile.
Plus tard, il avait passé quelques années avec une femme bien plus jeune que lui dans ce paradis provençal. Mais un jour, le ciel bleu était devenu cruel et la belle était partie avec le mistral. La vie d’Émile était devenue une solitude cynique et ses seules visites, il les réservait à son voisin, le Dr Albert Villers, à quelques kilomètres de là, vers Mollégès.
Edouard abandonna la marquise à la recherche du comte dans cette cohue. Ce fut lui qui le trouva, allongé dans le grand lit de sa chambre royale, avec un cheval qui mangeait les roses de la comtesse sur une table de chevet.
Il y avait du crottin sur le grand tapis fin XVIIe et la pluie entrait par la fenêtre sans carreaux