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EAN : 9782845979000
160 pages
Textuel (04/05/2022)
3.79/5   36 notes
Résumé :
La mécanique d’une chasse aux sorcières
Encore inconnu il y a peu en France, le terme de « woke » a récemment envahi les réseaux sociaux et les journaux. Né des luttes antiracistes des Afro-Américains dans les années 1950, il revêt alors un sens positif : celui d’être « éveillé », conscient politiquement. Mais il est aujourd’hui utilisé péjorativement pour attaquer toute forme d’engagement contre les discriminations. Pour ses dé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Alex Mahoudeau est surtout connu par son activité militante dans les réseaux sociaux, où il se présente avec le pseudonyme Pandov Strocknis.

Il utilise, dans ce livre, la même méthode des théories complotistes. Il est assez facile de le démontrer.

Je cite un des paragraphes de l'introduction :

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Dans ce discours, le "woke" apparaît comme un agglomérat de tout ce qui n'irait pas, non seulement à gauche mais aussi dans de grandes entreprises ou des institutions publiques, sur les réseaux sociaux, etc. Une série d'anecdotes plus ou moins exagérées ou inventées vient nourrir le sentiment d'une menace tangible et importante : des enseignants chahutés sur des campus universitaires ou des contrats d'édition rompus, à cause des opinions ou abus commis ou soupçonnés d'avoir été commis par leurs auteurs, la multiplication en entreprise de règlements ou séminaires de formation touchant à des questions comme le sexisme ou le racisme, le changement d'une mascotte de marque connue ou l'intégration, dans un plan d'investissement infrastructurel, de considérations touchant à la justice sociale, sont autant de faites traités comme les symboles d'un développement de cette menace.
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Ce qu'il y a à retenir ici est surtout la phrase : "Une série d'anecdotes plus ou moins exagérées ou inventées...", qu'il convient d'analyser.

On utilise le mot "anecdotes" pour se référer à des faits mineurs, sans importance. Or ce n'est pas le cas. D'une part on peut mentionner des faits graves tels l'annulation d'une conférence de Mme Agacinski ouce qui s'est passe, en mars 2021, à Sciences Po Grenoble où le Procureur de la République a dû intervenir pour assurer la sécurité de deux enseignants. L'utilisation du mot "anecdote" relève juste de l'opinion de Mahoudeau et pas de la vérité. En tout cas, à partir du moment où des tels faits deviennent répétitifs et toujours avec des incivilités, ils deviennent un sujet de société. L'expression "plus ou moins exagérées", c'est, là encore, juste son opinion personnelle. Et le mot "inventées"... il n'y a rien d'inventé.

Donc, son hypothèse de départ est fausse.

Puis, à la page 21, on trouve la définition de "panique morale", sur quoi il s'appuie pour construire sa théorie de "panique "woke".

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« Théorisé par plusieurs sociologues, le terme de « panique moral », désigne la façon dont émergent notamment via les médias de masse, des épisodes d'inquiétude collective détachée de la réalité de la menace en question, accompagnés de la diabolisation d'un groupe identifié comme hostile. »
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Retenons cette phrase : "épisodes d'inquiétude collective détachée de la réalité de la menace en question". Comme on a déjà montré, cette condition n'est pas satisfaite puisque ce n'est pas du tout "détachée de la réalité". Donc, on ne peut pas parler de "panique morale".

C'est à partir de ces deux points qu'il échafaude une théorie en essayant de la rendre crédible. C'est exactement comme ça que sont créées toutes les théories complotistes que l'on voit fleurir : on part de faits réels et on le donne des interprétations personnelles et on rajoute des hypothèses permettant de créer une théorie crédible en apparence.

Une erreur grotesque de méthodologie scientifique pour quelqu'un qui arbore un doctorat.

Bien plus intéressante est la position de Michel Wieviorka, exprimée dans son rapport contredisant la Ministre de la Recherche (mentionné par Mahoudeau), que je résume ici :

* Il indique que la recherche sur ces thèmes est pertinente, elle existe et doit continuer et même augmenter.

* même dans la recherche, domaine où doit régner l'objectivité et la liberté d'expression, même les chercheurs peuvent être très polarisés avec des interlocuteurs « de plus en plus difficile de communiquer, tant il faut ou bien se plier ici à des catégories faisant système et dessinant un espace plutôt refermé lui-même, ou bien renoncer à échanger ». Il critique certaines positions universalistes excessivement abstraites ignorant les réalités sociales et culturelles.

* il défend le domaine de la recherche comme un domaine de liberté de réflexion et d'expression qui n'a pas à être réglementé par l'État.

* il alerte sur la confusion qui peut exister, et qui existe, entre "débat public" et "débat scientifique" sous peine de perdre l'objectivité de la recherche. Même s'il considère qu'il s'agit d'une minorité, ce sont souvent des militants qui ont une plus grande visibilité dans l'espace public et ce sont, donc, des influenceurs.

Alex Mahoudeau fait partie des interlocuteurs dont le dialogue est difficile, puisqu'il fait du militantisme dans les réseaux sociaux avec un pseudonyme, s'attaquant et ridiculisant la personne de certains interlocuteurs "réactionnaires". Gerald Bronner et Pierre-André Taguieff font partie de ses cibles privilégiés. Or, il est facile de critiquer les gens dans leur dos. Il serait plus intéressant de voir un débat face à face. le bagage scientifique de ces deux chercheurs est largement supérieure à la maigre production scientifique de Mahoudeau et je ne doute pas qu'il se ferait écrabouiller dans un tel débat.

La raison de "la diabolisation d'un groupe identifié comme hostile" (ce sont ses termes) n'est pas l'intérêt du sujet mais le comportement de plusieurs des membres du groupe : une arrogance non justifiée, des actes d'incivilité ou agressifs ou des inepties. Bref, comme le dit bien Michel Wieviorka, la difficulté d'avoir un dialogue citoyen avec le groupe. Par sa démarche dans les réseaux sociaux, Alex Mahoudeau fait partie des interlocuteurs difficiles. Et ça ne rend pas service à leur cause.
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Déjà le titre. Panique woke. Déjà des insultes, et on pourrait s'arrêter là. Ce terme rappelle un autre, également stigmatisant, celui de fragilité blanche.
Mais passons outre aux insultes, et allons un peu plus loin
Si la critique du wokisme est une panique, c'est que ce phénomène n'existe pas ; c'est un pur fantasme, sorti de l'esprit des « nouveaux réactionnaires », ces « chiens de garde », qui « rappellent à l'ordre » (petit florilège composé grâce aux titres amènes de quelques livres récents), destiné à servir leurs menées inavouables, et pourtant trop évidentes.
On disait autrefois que celui qui niait la distinction entre la droite et la gauche était à coup sûr de droite. On pourrait dire de même qu'est wokiste celui qui nie l'existence du phénomène.
Même s'il est mal aisé de donner une définition générale du phénomène, il se définit pourtant par ses manifestations, et comme le dit le proverbe anglais, the proof of the pudding is the eating..
Ces manifestations, d'autres les ont listés mieux que je ne pourrais le faire dans le cadre restreint de cette critique, et un certain nombre de leurs ouvrages sont d'ailleurs cités par Madame Mahoudeau, qui ne les a probablement pas lus.
Elle ne donne d'ailleurs pas beaucoup d'exemples de ces événements "montés en épingle ' par les réactionnaires ; peut-être ai-je été distrait, mais je n'en ai trouvé que deux, dont l'interdiction de parole faite à Mme Agacinski pour crime de lèse-GPA (pratique à laquelle pourtant certains réactionnaires pourraient trouver un parfum d'exploitation des femmes à raison de leur sexe, euh pardon, de leur genre, puisque le sexe n'existe plus, mais bon..ne digressons pas)
Et sur ces deux exemples elle n'en dit pas grand-chose, sinon justement qu'ils ont été montes en épingle, sortisde leur contexte, dont la connaissance justifierait tout
Mais quel est ce contexte? Ah, on ne nous le dit pas, nous sommes priés de croire l' auteur sur parole : il est dans le camp du Bien, et c'est lui le dit. Et sa parole est d'autant plus forte qu'il est trans,.donc oracle irréfutable
D'ailleurs tout cela est beaucoup moins grave que le backlash qui commence à poindre. (comme le disait ma grand-mère, cet animal est très méchant, quand on l'attaque il se défend) et dont un témoignage est le non-renouvellement du contrat de Madame Coffin à l'Institut Catholique de Paris ; un réactionnaire un peu naïf pourrait au contraire s'étonner de la bienveillance incroyable, confinant d'ailleurs à la stupidité, de cet établissement qui a commencé par recruter une personne qui est la négation même des valeurs portées par le catholicisme, doué il est vrai, pour donner à ses ennemis des verges pour se faire battre. Mais si c'est vraiment le backlash qui pointe, alors qu'il se dépêche un peu !
Pour terminer sur une note pittoresque,j'ai noté que, selon Madame Mahoudeau, l'une des caractéristiques du discours réactionnaire est la recherche du beau style et du bon mot.
Si ce n'est que cela, l'auteur peut être tranquille : nul ne lui reprochera l'élégance de son style ou son sens de l'humour.
D'ailleurs quand j'y pense, l'absence totale de sens de l'humour, et j'ajouterais du ridicule, des wokistes est l'un des caractères qui permet de les identifier.
Mais elle le dit bien, l'esprit est de droite
Eh bien tant mieux pour nous
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Si j'avais continué la linguistique, j'aurais pu analyser la récupération politique et la trajectoire de termes comme "woke" (ou queer, qui a le cheminement inverse, car c'est une insulte réappropriée). Ce n'est pas l'objet du livre mais c'est là où je suis la plus armée vu mon (petit) bagage universitaire.

Ma théorie, c'est que "woke" a grand-remplacé SJW. C'est vrai que des paniques morales de ce type, si le terme woke est récent, sont plus anciennes que le seul mot woke. Alors, que dire, face au débat sur le wokisme, et que faire ? (oui oui comme l'écrit de Lénine).

Mahoudeau est formé en sciences politiques. Car la question woke est une question politique avant d'être philosophique, anthropologique ou morale. C'est pourquoi pour Alex Mahoudeau l'attitude à adopter face à ces discours est de demander ce que la personne compte faire contre le wokisme. Par exemple, si ce qui est dénoncé est le renvoi d'un salarié pas assez woke, est il question de dénoncer les licenciements arbitraires ? Voire d'agir contre les coupes budgétaires ? Souvent ce n'est pas le cas. le mot woke, immense fourre tout, relève davantage d'une moquerie envers un sujet sérieux (la domination) que d'une indignation pour des débats ridicules ou de diversion (comme dirait Bourdieu au sujet des faits divers). (écueil contre lequel Mahoudeau nous met en garde). Il s'agit ici de décortiquer les discours sur le wokisme, les procédés. Procédés que Mahoudeau reconnaît employer parfois dans son livre, le but n'est pas de "débunker" point par point mais de reconnaître les mécaniques d'un discours. Ainsi, le rapport à la notion de victimisation, le caractère éphémère des paniques, l'aspect "fourre tout", le rapport à l'autorité, au fameux "on veut nous faire taire", le milieu universitaire et son rôle dans le débat sur le wokisme... sont analysés dans le livre. Beaucoup de faits et une biblio fournie sur laquelle je ne me suis pas encore penchée en détail. Il est aussi question de la façon dont on analyse des politiques publiques par le biais du wokisme.

Comment le wokisme nous parle t il de politique ? En somme, l'essai est assez clair sur les questions posées, et didactique. Je serais à la rigueur plus mitigée sur la pointe de sel de l'ouvrage : quand on pense comme Mahoudeau, c'est salutaire et prête à sourire, cette légère ironie revenant de façon récurrente. Mais ce qui est un atout "entre nous" devient handicapant auprès d'un plus grand public. Je n'affirme pas que ce petit ton espiègle nuit à la démonstration, le style est scolaire par ailleurs et je pense qu'il serait justement "trop scolaire" sans cela, ce qui serait ennuyeux à lire.

Un peu mitigée sur la forme, donc. Malgré tout, j'ai réussi à le lire facilement, c'est bien que la forme fonctionne.

En somme, il est parfois bon de prendre de la distance quant au débat public et aux représentations des uns et des autres, par exemple, rationnel vs émotionnel, de s'arrêter et de réfléchir (c'est la devise du Monde diplo ;) ) et de réfléchir aux conditions matérielles des gens, sans déformer les discours des uns et des autres. Pas facile quand on sait que la quête de l'honnêteté intellectuelle en politique, (dans le sens des débats dans les médias et des élections), cela peut être suicidaire. Malaisé quand le cynisme apparaît plus "marrant". Mais je pense que l'on peut se distancer de ces débats sans tomber dans l'écueil du cynisme ou dans le fourre tout "woke".

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Face à un camp réactionnaire qui semble peu à peu gagner la bataille culturelle, fut-ce paradoxalement à grands coups de victimisations, ce livre fait partie des pièces essentielles s'adressant aux personnes de bonne volonté. En moins de 100 pages, les mécanismes de la panique morale que constitue la grande peur du « wokisme » sont mis au jour, les contre-vérités et larges exagérations énoncées et les habituels imposteurs (Caroline Fourest, Rachel Kahn et autres politiques) débunkés. Essentiel pour ne pas relayer malgré soit les campagnes très calculées - et jusqu'ici gagnantes - des forces conservatrices !
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Alex Mahoudeau propose une vraie prise de recul sur la polémique du "wokisme" qu'il décortique comme une mécanique politique. Une analyse très intéressante basée sur des recherches historiques, politiques et sociologiques poussées. L'auteur passe un peu vite sur certaines notions mais sa bibliographie étoffée permet d'aller faire nos propres recherches si besoin.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Les discours constitutifs de la panique wok s'appuient en fin de compte sur l'idée qu'il n'y a en effet « qu'une seule politique possible », mélange de libéralisme économique (notamment orienté sur la défense d'un ensemble de « valeurs » dont la définition varie au gré des besoins), de suffisamment de filets de sécurité sociale pour justifier de son existence, tout en ayant définitivement intégré le modèle de la pénalisation des « assistés », de solutions policières aux problèmes sociaux et du fait que c'est aux individus d'assumer la charge de la mobilité sociale en s'élevant individuellement par leur travail, plutôt que collectivement par leurs luttes. Au-delà du maintien de l'existant, le camp politique conservateur n'a, fondamentalement, rien à proposer, à part des ricanements cyniques et davantage de réformes précarisant le travail et rognant sur les filets de sécurité sociale.
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Les termes employés pour le décrire sont d'ailleurs à l'avenant : il "contamine", "infiltre", "pervertit" ou "verrouille", plus qu'il ne convainc ou décrit. C'est "une religion", "un millénarisme", "une dérive", "une pulsion de mort", "un cancer", pas une idée ou un système de réflexion. Les "wokes" sont très parlés, mais parlent peu : les livres les décortiquant citent peu, et leurs auteurs ne mènent généralement pas d'entretiens avec ceux et celles censés y adhérer. Il s'agit de tableaux à charge plus que d'analyses.
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Il y a une histoire à écrire de la façon dont des termes issus de l'expression de groupes minoritaires font l'objet d'une forme de cooptation et de retournement, et dont le terme woke est un très bon exemple, son sens original étant progressivement remplacé par une métaphore religieuse à mesure qu'il est approprié par des acteurs conservateurs pour combattre le genre de politiques défendues par ceux-là même qui l'ont conçu. Ce n'est pas l'objet du présent ouvrage, mais je lirais un tel travail avec grand intérêt. (11)
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Merci à toutes les personnes qui, des mois après, continuent à faire des plaisanteries sur les poeles à frire chaque fois que je leur parle de ce livre.
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Même s’il est porté par les acteurs directement responsables d’une grande partie des griefs qu’il représente (la néolibéralisation de l’université, l’amoindrissement des budgets de recherche, la précarisation de l’emploi, un rapport de clientèle à l’enseignement supérieur, qui sont tous des effets des politiques néolibérales et conservatrices), le scandale du politiquement correct connaît un franc succès tout en permettant de diaboliser la gauche. [années 1990, Usa]
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Video de Alex Mahoudeau (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alex Mahoudeau
[Les grands entretiens] Entretien avec Alex Mahoudeau, auteur de « La Panique woke ». Il montre comment des militants pour davantage de justice font l'objet de polémiques apparemment absurdes, dont la nature et les conséquences sont extrêmement politiques. Les manières de les affronter sont multiples, assure-t-il.
Voir l'émission en intégralité sur Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/170622/les-paniques-morales-ne-sont-pas-une-diversion-mais-une-attaque-contre-la-gauche
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