Livre lu dans le cadre du Défi Lectures 2022 des Editions du Seuil, item : "Lire un beau livre".
J'avais acheté ce livre, il y a quelques années, lors d'un salon littéraire se tenant près de chez moi et j'avais eu l'immense privilège d'en discuter avec l'auteur Gérard Lomenec'h pour lui dire combien je trouvais son livre beau et je me souviens que nous avions échangé sur l'existence réelle ou pas du Roi Arthur.
Pourquoi l'avais-je acheté à l'époque ?
Tout d'abord, car c'est vraiment un très beau livre, conçu avec une mise en pages de qualité, un papier de qualité et de magnifiques illustrations provenant de manuscrits médiévaux. Un livre plaisant à avoir dans sa bibliothèque et à feuilleter au gré de ses inspirations du moment.
L'ouvrage précise que : "L'édition choisie par l'auteur pour la transcription est celle de H. Oskar Sommer, The Vulgate Version of the Arthurian Romances ou Cycle Lancelot-Graal (Carnegie Institution Washington, 1909-196) de 7 volumes comprenant environ 2800 pages. Les contes présentés dans ce cycle proviennent essentiellement de manuscrits français de la BnF et de la bibliothèque de l'Arsenal, ainsi que de manuscrits anglais du British Museum et de la Philips Collection de Cheltenham."
Deuxièmement, parce qu'il a l'ambition de vulgariser la connaissance du roman-fleuve médiéval appelé CYCLE VULGATE rédigé a priori entre 1230 et 1240 (dont l'auteur n'est pas à ce jour clairement défini : Gauthier Map ?
Robert de Boron ?) et parvenu jusqu'à nous en France grâce aux
romans de Chrétien de Troyes.
En effet, il y reprend les thèmes de la vie du Roi Arthur, placé sur le trône grâce à l'entremise du magicien Merlin, et de ses chevaliers réunis autour de la Table Ronde. Il reprend en synthèse les principales aventures des chevaliers les plus connus : Lancelot du Lac, Gauvain, Perceval, Bohort, Galaad, etc. Et évoque également la relation particulière entretenue par Lancelot et la Reine Guenièvre.
Le fond, bien que fictif (il faut rappeler qu'il s'agit d'une légende), est intéressant même s'il apparaîtra au lecteur du XXIe siècle plus que désuet (rapports humains hommes/femmes, amour courtois, code de la chevalerie), mais aussi complètement décalé par rapport à ce que nous avons eu l'habitude de voir dans les différentes adaptations cinématographiques qui ont pu être faites de ces histoires. On y voit aussi les rapports conflictuels qu'entretiennent les différents rois et seigneurs locaux d'Angleterre (dite Bretagne = Grande-Bretagne), de Petite-Bretagne (en France) ou autres monarques (ex. Empereur de Rome). Pour le coup, les choses restent toujours un peu les mêmes dans le domaine (jeux de pouvoir, volonté d'acquérir la propriété des autres) même si parfois certains motifs pour se faire la guerre peuvent paraître futiles.
Le lecteur du XXIe siècle pourra être aussi surpris par la part très importante que tient l'imaginaire, la magie et la superstition (beaucoup de magiciens, magiciennes, scènes d'illusions, apparitions et pouvoirs magiques, lieux porteurs de mystères) dans cet ouvrage. C'est très lié au fait qu'à cette époque, très peu de seigneurs et de personnes du peuple savaient lire et donc restaient très dépendants des croyances véhiculées soit par les seuls religieux (beaucoup de références à l'histoire de la Bible, à Satan, à Dieu, au Christ et à ses apôtres) ou par la culture celtique, druidique (considérée plus tard comme païenne) dont tous restaient très imprégnés. A mon sens, il faut lire cet ouvrage en acceptant d'emblée de jouer le jeu et d'y croire (sinon, il faut s'en passer). Pour ma part, j'ai ressenti ce livre comme un roman précurseur du genre Fantasy que nous connaissons aujourd'hui, genre dont les élucubrations et concepts imaginaires qui y sont évoqués ne semblent pas poser de problèmes aux jeunes lecteurs d'aujourd'hui.
La forme est intéressante, la langue y est soutenue mais restant accessible (il s'agit d'une transposition en français moderne d'une oeuvre écrite en français dans le premier tiers du XIIIe siècle), le vocabulaire riche même si peu paraître déroutant aux néophytes (un glossaire est présent en annexe). Les différents chapitres sont courts, car il faut savoir que cette oeuvre était principalement destinée soit à être lue de façon solitaire ou en public, soit à être racontée par le biais de conteurs et autres trouvères.
La lecture est agréable et en 271 pages, il me semble que nous y apprenons l'essentiel (il est toujours possible, par la suite d'avoir recours à des
romans plus développés notamment de Chrétien de Troyes sur telle ou telle figure chevaleresque, ou sur la Quête du Saint-Graal pour en savoir plus).
J'ai néanmoins, parfois, été gênée par le sentiment de passer "du coq-à-l'âne", d'un personnage à l'autre sans véritable transition ; par le sentiment de manquer d'informations entre les différents chapitres ; par le nombre très important de personnages dont la généalogie n'est pas toujours claire (certes, elle est évoquée au début mais elle se dilue au fil du récit et par moment on ne sait plus très bien qui est qui) même si, je l'ai découvert à la fin, qu'une annexe en reprend le détail. Gênée aussi par l'évocation un peu trop rapide de certaines batailles ou combats (mais je crois qu'il faut garder à l'esprit que ces textes étaient écrits pour être dits, et donc, l'accent était mis sur l'essentiel).
Donc, en conclusion, un beau livre que je suis heureuse d'avoir découvert et d'avoir pris le temps de lire. Et qui me donne aujourd'hui de retourner à la source des différents livres écrits sur ces thématiques par
Chrétien de Troyes (j'en ai plusieurs dans ma bibliothèque).