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Voilà un roman que j'ai abordé voici quelques jours et dans lequel je n'ai pu tout de suite " me sentir à l'aise " . N'étant pas trop du genre " patient " , j'ai décidé de l'abandonner aprés quelques pages et de me diriger vers autre chose plus en rapport avec mon humeur du moment . Et puis , le revoilà , me revoilà et nous deux , ça c'est mis " à coller " et parfaitement , du reste ,comme vous le constatez à travers ma note .
Désormais, c'est ma règle, pas d'acharnement , je " remets à plus tard " et j'avoue que cette façon de faire me convient plutôt bien . Inutile de se perdre en " mais pourquoi ? " , inutile de culpabiliser alors que la PAL regorge de trésors qui ne demandent qu'à sortir de l'anonymat .
Donc , j'ai lu " Bluebird , bluebird " et , pour ne pas me " perdre " une nouvelle fois , j'ai scrupuleusement noté les noms des différents personnages afin de bien me situer . A partir de là , tout est devenu limpide et j'ai pu rejoindre le Texas et plus précisément le bourg de Lark où vient d'arriver le Ranger Warren Matthews : deux cadavres viennent d'y être retrouvés, celui d'un homme noir et celui d'une femme blanche .Le shérif local semble " sûr de lui " en bouclant rapidement l' enquête : motif , le vol. Pourtant , Darren, lui , semble plus circonspect , s'attirant les foudres d'une population qui aimerait bien le voir rejoindre ses " pénates "...C'est que dans ces fins- fonds du Texas , Noirs et Blancs cohabitent difficilement , les tensions raciales sont vives et le passé continue à raviver en permanence des plaies déjà béantes. Pour sortir de tout ça , l'omerta est de mise mais Darren, lui même toujours en quête de vérité et en proie à certains démons personnels , fera preuve d'une opiniâtreté bien malvenue et irritante . Au Texas , on a l'habitude de bafouer certaines règles et de " laver son linge en famille ".
L'ambiance est pesante du début à la fin et les éléments s'emboîtent les uns, les autres , avec force , mais lenteur , pour notre plus grand plaisir. C'est que les hypothèses sont plurielles dans cet État cher au Ranger obstiné.
Les personnages , assez nombreux , cachent habilement leur véritable personnalité au point que si aucun n'apparaît vraiment sympathique ( à mon point de vue ) , certains se " dissimulent " pour maintenir en place un système bien en place , un système dont l'agencement est seul garant de la paix .
J'ai beaucoup aimé " avancer " avec Darren dans les eaux troubles des bayous , accompagnés des rythmes du blues , et m'enfoncer dans les racines profondes des protagonistes .
Et puis , quelle fin , mes amis et amies , pas " violente " , non , mais " subtile , très subtile " . Allez , je ne résiste pas , je vous la raconte ...Alors Darren...Comment ça, ça ne se fait pas ? Bon , et bien ce sera pour une autre fois , tant pis - ou tant mieux - pour vous . Restons- en là.
Je quitte le Texas , je me dirige maintenant vers l'Islande . Je vous enverrai bientôt des nouvelles . En attendant , allez - donc boire une bière au café de Geneva Sweet à Lark , au bord du bayou Attayoc . Ce serait bien étonnant que vous vous y ennuyiiez ....
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Dans les bayous du Texas de l'est, il y les blancs, les afro-américains, la musique, la haine et l'amour. Des petits villages frappés d'omerta parce que les convenances, l'histoire, les traditions, la peur dictent les façons de vivre, de survivre, d'aimer et d'haïr.
Dans un de ces petits villages, non disons plutôt un hameau, Lark, se rend un Ranger Texas -la force policière la plus respectée au pays- Darren Matthews, afin d'enquêter sur la mort d'un noir de Chicago retrouvé dans le bayou. Et dans la même semaine, on retrouve également le corps d'une fille blanche de Lark. Notre Ranger, Darren, spécialiste des crimes de haine et qui tente de pourchasser les Fraternités Aryennes, se fait presque imposer cette enquête par un de ses amis du FBI. Lui qui a déjà des soucis administratifs, lui qui a déjà des soucis matrimoniaux, lui qui a déjà des soucis d'alcool, devra tenter de résoudre ces meurtres . Une enquête qui ébranlera ses convictions. En se disant que la réalité n'est pas toujours celle que l'on croit , bien sûr. En faisant admettre que ces meurtres sont des crimes raciaux, ce que personne ne veut avouer mais qu'aussi , au Texas, le rôle déterminant de la race créait des liens familiaux imprévus. Que l'amour et la haine sont liés, toujours.
L'écriture d'Attica Locke nous fait sentir tout le long de cette lecture l'infinie violence de la question raciale. Bluebird, bluebird, c'est plusieurs histoires d'amour, certaines belles et lumineuses d'autres poisseuses, puantes vécues dans une ambiance lourde , étouffante, d'autant plus effroyable que contemporaine. Les Texans d'Attica Locke sont indéniablement, tristement empoisonnés par leur passé et cela nous donne un récit triste, mais brillant, élevé et prenant comme un air de blues...comme John Lee Hooker et son Bluebird.
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Dans l'échelle du respect voire de la vénération des Texans, le Ranger est au plus haut. Il s'impose aux équipes des shérifs locaux. Il est mieux accueilli que n'importe quel Fed exogène, dans un État où l'identité n'est pas un concept d'intello mais une mémoire transmise de génération en génération.

Mais au Texas, et encore plus à Lark, 178 habitants dans le comté de Shelby, cette identité texane s'arrête à la couleur de la peau, et les suprémacistes blancs qui composent les troupes de la Fraternité Aryenne du Texas n'ont pas l'intention de partager la leur avec leurs voisins noirs.

Alors dans ce bourg à deux vitesses, quand un noir et une blanche sont retrouvés morts dans le bayou et que Darren, Ranger noir débarque pour enquêter, la tension monte immédiatement d'un cran : les portes se ferment, les bouches se taisent, les couteaux et les battes sortent de leurs étuis… Et le passé refait peu à peu surface.

Bluebird, bluebird, de Attica Locke – traduit par Anne Rabinovitch – est un polar efficace et sans temps mort, construit sur une intrigue classique mais solide, qui prend toute sa force dans le travail des personnages, particulièrement réussis. de Darren le Ranger à Geneva la patronne de bar, de Wally le potentat blanc local à Randie la jolie veuve éplorée, sans oublier le shérif van Horn ou Faith la jeune serveuse, c'est toute la richesse et la complexité de la culture texane que Locke parvient à transmettre dans ces portraits creusés.

Et dans un ensemble dont j'ai parfois trouvé le style un peu lourd, ce fut bien vite oublié à chaque fois que la plume de Locke s'attardait à décrire l'atmosphère et les fabuleux paysages de cet état décidément à part. On ferme les yeux, et on y est : un bar en bord de route, un bourbon devant soi, et une Gibson Les Paul qui accompagne le blues de John Lee Hooker. Bluebird, bluebird, please, do this for me…
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Bluebird est un roman poisseux, de ceux qui collent aux doigts. Pas poisseux de sucre, mais poisseux de sang, de haine, de racisme.

Au Texas, dans la petite ville de Lark, il y a une frontière entre les Blancs et les Noirs, une ligne de démarcation qu'il vaut mieux éviter de franchir, surtout si vous êtes Noir et que vous décidez d'aller dans le bar des Blancs à tendances nazies.

Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes…

Dans le bayou, on vient de retrouver successivement deux cadavres : celui d'un homme Noir en premier et ensuite celui d'une femme Blanche. le Ranger Darren Mathews trouve cela bizarre aussi, d'habitude, c'est le contraire.

Voilà un roman fort sombre qu'il vaut mieux commencer en ayant du temps devant soi, car il ne se lit pas d'une seule traite. L'ambiance est pesante, lourde, sombre et donne l'impression que l'on suffoque.

Nageant en eaux plus que troubles, Darren Mathews va avoir bien du mal à rassembler les indices (déjà qu'il ne sait pas vraiment s'il est viré dans Rangers ou pas) car les habitants ne se bousculeront pas au portillon pour l'aider dans son enquête et que personne ne semble sympathique, tout le monde dissimulant quelque chose.

Darren Mathews est un Ranger tenace, sorte de pitt-bull qui ne lâche pas sa piste, même s'il a trouvé un os qui semble prometteur. Englués dans les ennuis administratifs avec son boulot, pataugeant dans les soucis matrimoniaux, tenté de téter à la bouteille afin d'oublier ses emmerdes, il devra faire face avec de l'animosité des deux côtés et le fait que personne ne veuille entendre prononcer le fait que ce sont des crimes raciaux.

Il devra aussi se débrouiller pour ne pas se faire péter la gueule (ou pire) par les nazis nostalgiques de la Fraternité Aryenne du Texas, faire face à un shérif qui semble vouloir ménager plus la chèvre nazie plus que les choux afro-américains et faire péter les secrets que tout le monde tait.

Roman noir poisseux, il se lit lentement afin de bien s'imprégner des lieux, des histoires de chacun, de la peur qui règne à Lark, des secrets enfouis, de la ségrégation qui a toujours cours et des non-dits qui va falloir déterrer.

Une intrigue qui semble classique, mais qui ne l'est pas, un scénario qui semble banal au départ qui va se révéler bien plus riche qu'on ne le pense, des personnages bien campés, réalistes, profonds, qui se dévoileront au fur et à mesure de la lecture.

Des atmosphères pesantes, qui ne donnent pas envie de s'arrêter boire un verre de bourbon dans la ville de Lark, 178 habitants (comté de Shelby) tant la tension est à couper au couteau.

Le final est d'une grande subtilité, même s'il est vache, il est à applaudir tant il est retors et machiavélique.

Il ne m'aura manqué que l'attachement aux personnages et les émotions fortes que j'aurais aimé ressentir. Ce sera mon seul bémol.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Bayou Attoyac, comté de Shelby, racisme ordinaire et quotidien le long de la rivière. le ranger noir Darren Mathews, qui à enlevé son insigne pour enquêter discrètement sur un double meurtre, se rend très bien compte qu' il n' est pas le bienvenu dans ce coin du Texas.
Dans ce repère de suprémacistes, une enquête pour crime de haine est très mal vue.
Michael Wright, un avocat noir de Chicago et une serveuse blanche d'un bar très très blanc ont été retrouvés noyés dans le bayou.
L'accident est peu probable car la FAT, la Fraternité Aryenne du Texas, est très active dans ce village reculé.
Non , Michael Wright, il ne fallait pas rentrer dans le Jeff's Juice House au bord de la route 59 et Missy Dale la serveuse n' aurait jamais dû t' adresser la parole.
Les meilleurs bayous de la Louisiane | Vacances Fabuleuses
Il y a des choses à ne pas oublier lorsque l' on franchit la ligne Mason-Dixon cette démarcation formelle entre le Nord et le Sud du pays.
Oui, Michael Wright, en rapportant la guitare mythique "Gibson Les Paul" 1955 dans le petit village de Lark, tu as réveillé bien des souvenirs.
"Bluebird, " la complainte triste de John Lee Hooker sera ton requiem.Pour ce tout premier polar sorti en 2021, on a affaire à un vrai polar d' atmosphère qui nous plonge dans l'Amérique d' aujourd'hui.

Attica Locke écrit moite et passionné. La romancière décrit très précisemment un pays partagé en deux, une Amérique d' un apartheid qui ne dit pas son nom dans des États difficiles à gérer.
Son roman est un brûlot coup de poing qui parle d' amour et de haine dans l' Amérique qui a élu Donald Trump il y a quatre ans.
Une Amérique dangereuse si l' on ne s' en occupe pas.
Un constat implacable, assurément un grand polar !!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le titre "Bluebird, Bluebird" donne sa tonalité musicale à ce polar de Attica Locke : il se réfère au morceau "Bluebird" de John Lee Hooker, guitariste et chanteur de blues américain, dans son album de 1952.

C'est tout le talent d'Attica Locke (accessoirement scénariste, notamment sur un projet de la chaîne HBO, sur le mouvement des droits civiques) de nous entraîner dans un Texas que l'on croirait encore engoncé dans les années 1950-60. Et pourtant, l'action se joue bien de nos jours, à l'est du Texas, dans le comté de Shelby.
Darren Mathews, Texas Ranger autant dans l'uniforme que dans l'âme, traverse une période difficile, professionnellement mais aussi dans sa vie privée. Car Darren est un homme de couleur. Et au Texas, malgré la très respectée étoile de sheriff épinglée à son uniforme, la couleur peut très vite s'avérer être un problème.
Par loyauté, Darren est intervenu, en dehors de son cadre professionnel, dans un conflit opposant un vieil ami, lui aussi de couleur, et un homme blanc ne faisant pas mystère de sa haine des Noirs. Ce dernier étant ultérieurement retrouvé mort, le doute plane sur le témoignage de Darren, dont la probité sera examinée par ses supérieurs et qui joue donc son avenir au sein des Texas Ranger. Son épouse, qui réprouve le choix de cette profession bien trop dangereuse, voit là l'occasion de ramener Darren à une vie de famille plus sereine.
C'est sans compter sur sa fibre de justicier texan quand se présente l'occasion d'élucider officieusement un double meurtre dans la petite ville de Lark. À quelques jours d'intervalle seront découverts les corps d'une femme blanche et d'un homme noir. Si les autorités locales sont pressées d'enterrer autant les corps que l'affaire, quitte à évoquer un motif fallacieux, Darren voit immédiatement un lien entre ces deux homicides.
Ce faisant, il va "souffler le feu" sur des braises qui couvent toujours dans le Texas profond. Personne ne veut entendre parler de crime de race, au risque d'exciter une haine ancestrale, dans une région où le Klux Klux Klan a cédé sa place à la non moins raciste FAT: Fraternité Aryenne du Texas. D'autant plus par un homme détenteur de l'autorité qui n'est pas un local, et de surcroît noir !
Attica Locke nous fait plonger en apnée dans le bayou Attoyac, dans ses eaux putrides, qui rendront le corps d'une des victimes, Mickaël. Elle pousse pour nous la porte du café "Geneva Sweet", où la patronne noire, femme courage et taiseuse, fait office de pilier pour sa communauté en offrant un lieu où se restaurer dans une société où il ne fait pas bon se mélanger.
Tout y est, la canette de Dr Pepper, le poisson chat frit, les tubes de blues. On se croirait dans Twin Peaks, version Etats du Sud.
L'auteur nous pousse aussi à l'arrière des cafés prisés des suprématistes, leurs tatouages, l'arme à la ceinture et le trafic de Cristal méth...
A travers ces deux établissements, elle souligne d'autant plus deux mondes qui semblent n'avoir plus rien en commun, tellement irréconciliables que même la loi est impuissante. Attica Locke pointe la haine aveuglée, l'endoctrinement, la violence, un environnement où vous n'êtes jamais en sécurité, où la couleur de votre peau peut vous coûter la vie.
Si Bluebird Bluebird est un polar poisseux, à mon sens très réussi, par l'atmosphère qu'il instille, j'ai tout de même eu quelques difficultés à rentrer dans l'histoire, à m'approprier les personnages, trop seulement ébauchés pour certains. Quand il y a trop de monde sur scène, on ne sait plus où porter le regard. Et si la description de ce Texas moite, étouffant, avec ses nuits d'encre et ses titres de blues m'ont séduite, j'ai buté sur un style parfois lourd, manquant de fluidité (la traduction peut-être ?) qui ont rendu ma lecture pénible. le rythme se "décoince" un peu et s'accélère dans le dernier tiers du récit, compensant ce commencement difficile. J'aurai aimé m'attacher plus au Ranger Mathews, mais il manque à tous les personnages ce "petit supplément d'âme" qui, lorsque vous fermez votre roman, vous donne l'impression de quitter un ami. C'est donc pour moi un roman noir à l'atmosphère moite et sombre mais pas assez abouti. Il a tout de même le mérite d'exhumer cette ligne Mason- Dixon, ligne historique de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et les États esclavagistes du Sud, que l'on aurait pu croire passée d'actualité...
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Un coup de coeur pour ce roman qui nous entraîne dans la chaleur du Texas, avec ses rednecks à l'esprit limité, ses odeurs nauséabondes de racisme, le bayou comme symbole, vivant mais putride.
Deux corps y ont été retrouvés à quelques jours d'intervalles, un homme noir puis une femme blanche.
C'est un ranger noir, Darren Matthews, qui va mener l'enquête, déterminé à établir la justice dans cet état qu'il n'a jamais voulu quitter, cet état qui est aussi le sien.
J'ai adoré le style de l'autrice, qui nous donne le sentiment que chaque mot a été pesé et réfléchi, qui clairement ne donne pas dans le remplissage des pages. C'est dense, puissant, prenant, étouffant aussi parfois mais une excellente lecture.
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Lorsque le ranger noir Darren Mathews est dépêché de Chicago dans une petite localité du Texas pour enquêter sur deux morts suspectes - un avocat noir de passage , une jeune serveuse blanche du coin - , il n'est pas accueilli à bras ouvert par les autorités locales promptes à tenter d'étouffer ce dossier brûlant. Nous sommes en 2016 , et pourtant, à Lark , semble perdurer un apartheid qui ne dit pas son nom , un espace-temps figé dans les années soixante. Ainsi , considérant les deux bars locaux : l'un est tenu par Geneva ,noire, veuve d'un guitariste de blues et fréquenté par une clientèle afro-américaine ; l'autre, géré par un membre de la FAT ( Fraternité Aryenne du Texas ) , est le QG de la population blanche locale. On écoute du blues dans le premier et de la country dans le second. Beaucoup de suspense et de tension dans ce récit addictif avec une bande son blues , à l'instar de son titre qui est aussi celui d'une chanson du légendaire John Lee Hooker .
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Avec des mouvements sociaux tels que Black Lives Matter, jamais la question sur le sujet des discriminations raciales n'avait pris autant d'ampleur depuis bien des années aux Etats-unis, où l'actualité des violences policières ne fait que raviver les tensions d'un pays qui n'a jamais réglé les problèmes de racisme systémique envers la communauté afro-américaine et qui semble désormais en payer l'addition. Il va de soi que le sujet de cette discrimination latente a été abondamment traité dans le domaine de la littérature noire où les crimes de haine, comme on les définit aujourd'hui dans le pays, deviennent un thème important que de nombreux auteurs ont abordé à l'instar de Kris Nelscott évoquant l'histoire du mouvement afro-américain des droits civiques des années 60, de Colson Whitehead, récipiendaire de deux prix Pulitzer en 2017 et 2020, de Chester Himes et de son emblématique roman, La Reine Des Pommes ou de Joe R. Lansdale qui traitait le sujet de la ségrégation au Texas avec des romans comme Les Marécages ou Sur La Ligne Noire. du Texas il est encore question avec Attica Locke qui nous présente avec Bluebird, Bluebird, un portrait inquiétant du "Lone Star" où elle vit, avec des relents de ségrégations qui semblent toujours présents dans certaines régions reculées de cet état du sud.

Le Texas Ranger noir Darren Mathews est en sale posture depuis qu'il est sous le coup d'une enquête du grand jury pour une affaire de meurtre commis par un des employés de sa famille. Accusé d'avoir couvert les agissements de l'accusé agissant en état de légitime défense, le policier risque d'être renvoyé de l'institution policière pour parjure. Mais une autre affaire le préoccupe avec la découverte du corps d'un homme noir au bord du bayou Attoyac. La victime a été molestée avant d'être noyée et pour la police locale il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un vol en dépit du fait que l'on a retrouvé son portefeuille sur lui. Pour le Ranger Darren Mathews il s'agit plutôt d'un crime de haine, ceci d'autant plus que sévit un groupuscule de suprémacistes blancs dans la région. L'affaire se corse lorsque l'on retrouve également le cadavre d'une jeune femme blanche ravivant les tensions sous-jacentes qui règnent dans une bourgade où blancs et noirs ne fréquentent pas les mêmes bars. En lutte avec les autorités locales, Darren Mathews va enquêter envers et contre tous pour déterrer les secrets que bon nombre d'habitants ne souhaitent pas voir resurgir.

Avec trois romans policiers à son actif, tous publié dans la collection Série Noire, Attica Locke n'a rien d'un romancière débutante lorsqu'elle intègre les éditions Liana Levi, avec Bluebird, Bluebird qui a été couronné du prix Edgard-Allan-Poe lors de sa parution originale en 2018. On comprendra dès lors l'aisance de cette romancière nous proposant, avec ce roman complexe, de découvrir les enchevêtrements d'intrigues multiples mettant en scène le Texas Ranger noir Darren Mathews qui doit faire face à une enquête du grand jury tout en menant des investigations sur des meurtres à caractères raciaux dans un comté reculé de l'est du Texas, à la frontière avec la Louisiane. On découvre un personnage nuancé, se révélant bien plus ambivalent qu'il n'y paraît, notamment dans ses rapports avec une mère alcoolique qu'il supporte difficilement préférant se tourner vers ses oncles qui ont pris en charge son éducation. L'autre aspect de Darren Mathews réside dans le fait qu'il a longtemps enquêter dans le cadre des agissements de la Fraternité Aryenne du Texas qui vont influencer son comportement et ses réflexions dans le contexte de meurtres sur lesquels il doit désormais mener ses investigations. C'est l'occasion pour Attica Locke de dépeindre l'atmosphère poisseuse de cette bourgade nichée au bord du bayou Attoyac avec une galerie de portraits où s'opposent membres de la communauté afro-américaine et membre de la communauté blanche qui cohabitent dans un climat de tension flirtant avec le contexte d'une ségrégation qui semble toujours d'actualité à l'instar du Geneva Sweet's Sweets, café réservé aux noirs tandis que les blancs fréquentent le Jeff's Juice House. Représentatifs de ces tensions raciales, les deux établissements publics nous permettent d'appréhender la complexité des rapports entre les deux communautés qui recèlent quelques secrets qu'Attica Locke prend soin de révéler avec une belle virtuosité en nous éclairant sur l'ensemble d'une bourgade qui rechigne à dévoiler les rapports qui peuvent s'instaurer entre les différents membres de la localité. Outre Darren Mathews, on appréciera les portraits de femmes de caractère telles que Geneva, la tenancière du café portant son nom ou de Randie Winston, une jeune veuve, citadine, bien décidée à faire la lumière sur les circonstances du meurtre de son mari et sur les raisons qui l'on conduit à se rendre dans le comté de Shelby.

Ainsi, au gré d'un bande sonore agrémentée des grands standards du blues, Attica Locke distille avec Bluebird, Bluebird un récit policier âpre et passionnant, sur fond de tensions raciales qui vont révéler les accointances entre les différents membres d'une communauté d'un Texas méconnu que l'on découvre avec une grande délectation.



Attica Locke : Bluebird, Bluebird (Bluebird, Bluebird). Editions Liana Levi 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Rabinovitch.

A lire en écoutant : Bluebird de John Lee Hokker. Album : The best of John Lee Hooker. 1994 Geffen Records.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Le Sud et son racisme systémique ou le meurtre de plusieurs noirs peut rester un léger souci tandis qu'une seule blanche déclenche une enquête.
Loin d'une histoire extraordinaire, c'est bien le quotidien d'une petite ville Texane qui est au coeur de cette affaire.
Un assassinat en entraînant un autre dans un silence opaque du côté de la famille de la victime et de l'intimidation du côté des blancs.
Mais, c'est plus que ça qui se joue, entre ces familles mêlées depuis la fin de l'esclavage, il y a des enfants illégitimes, des métis dont on tait l'origine et des ressentiments qui sont des histoires d'amour qui se nourrissent de la haine ancestrale.
C'est dans ces zones grises que l'autrice puise sa substance narrative.
Ce Sud qu'il ou il faut avoir poussé ses premiers cris pour le comprendre et vouloir y retourner ... pour parfois y mourir.
Une autrice que je vais suivre de très près.
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