C'est une expérience de l'extrême que d'attendre et d'espérer un improbable retour.
Qui n'a pas guetté de la sorte derrière une fenêtre, au point d'être changé en statue, ne sait rien de l'absence. Ni de l'attente. Ni de ce temps affreux où l'on finit par retourner à la raison, c'est-à-dire à la réalité.
Personne ne viendra p 128
Le miracle a lieu. Je trouve une réponse à mon chagrin. Mais surtout je trouve un écho. Voilà ce qu'est un livre. Quelqu'un vous parle qui ne saura jamais à quel point on est soi-même conforté par l'élan qui lui a inspiré la splendeur de cette phrase. (p. 119)
L'aube appartient aux amants.
À l'enfant consolé, soupirant de bien-être dans des
bras retrouvés.
L'aube appartient à l'émerveillement de vivre.
Au tremblement du bonheur.
Au premier cri d'oiseau.
Aux chants de la terre
À la joie retrouvée.
Aube que je préfère à l'aurore qui vient juste après.
Aube qu'on appelle aussi "crépuscule du matin". p 15
"On veut nous faire croire que les rayonnantes créatures photographiées en couverture et à l'intérieur du journal ont les préoccupations des gens de cinquante ans et plus. Elles ont l'air d'en avoir trente-cinq. Je tourne les pages. Ce n'est que publicités pour l'incontinence, l'impuissance sexuelle, les petits sièges ascenseurs fixés aux rampes qui vous permettent de monter jusqu'au premier étage, les baignoires qu'on n'a plus à enjamber. Les assurances. Les obsèques. Pour illustrer ce catalogue de ventes, des femmes jeunes sont photographiées dans lesdites baignoires, sur le siège de ces petits ascenseurs. Elles ont l'air en parfaite santé. Pourquoi ne nous montre-t'on pas le vrai visage de la vieillessse ?".
Et moi, ce nom de Senior, je le hais. Il me rappelle ces compétitions sportives entre vieux. Boules. Pétanque. Course à vélo, etc. Chez les animaux, vieux chiens dans la catégorie Senior. Tout ce que je fuis. Tout ce que je hais. Les seniors en marcel, bombant le torse pour exhiber leurs misérables pectoraux débordants, pendouillants. Les seniors que leur bronzage triste rend si sûrs d'eux. Les seniors et leurs "poignées d'amour", soi-disant d'amour auxquelles mieux vaut ne pas s'accrocher. Les seniors et leur pastis bien mérité. Les seniors et leur sueur fétide, leur haleine de chacal qu'ils essaient de masquer en ruminant leur chewing-gum. Les seniors et leurs commentaires sur les femmes de quarante ans qui ont "dû être baisables autrefois". Ne sentent-ils pas, les malheureux, que leur prostate commence à leur jouer des tours ? Leurs érections, déjà laborieuses, deviendront out-à-fait défaillantes. Ils feraient bien de quitter leur arrogance, ces vieux boucs hypocondriaques. Cependant, l'heure venue, il se trouvera toujours une femme dévouée et même aimante, plus jeune qu'eux, "baisable autrefois", pour les accueillir au sommet de leur impuissance.