Un beru livre simple du prophète du dialogue inter religieux, du pionnier de l'inculturation, le Saux est un mystique de haute volée.
Il paraît à cet égard un précurseur dans son contact avec le monde de l'Inde, comme Teilhard de Chardin l'a été dans son contact avec le monde de la science.
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Les études des Occidentaux sur l'expérience de sagesse par exemple sont souvent décevantes. Si savantes et théoriquement si parfaites qu'elles se présentent, elles demeurent presque inéluctablement sur le plan académique et spéculatif. Il leur manque toujours quelque chose - un RIEN souvent, et c'est indéfinissable. Mais justement c'est ce RIEN seul qui donne l'accès à la source, en son jaillissement même.
L'ascèse du sannyâsi ne consistera donc pas à chercher à couper l'un après l'autre chacun des désirs multiples qui en chaque instant surgissent dans le cœur de l'homme. Son non-désir de ce qui passe vient bien plus de sa possession indéfectible de ce qui ne passe pas. La joie qu'a ressentie son cœur dans le contact avec le Réel - même et surtout quand ce contact est pur de toute impression mentale - est telle que rien nulle part ne l'attire plus. Ce n'est pas qu'il méprise pour autant les choses de ce monde, le mariage, la famille, la compagnie des hommes. Tout cela a sa valeur; et cette valeur, le sannyâsî l'apprécie peut-être mieux que les autres, en cela même qu'il a pénétré jusqu'au fond des choses et du Mystère dont elles sont signes. Seulement il sait que tout cela n'est plus pour lui.
Libre de tous soucis et de tous désirs, le sâdhu s'en va à travers le monde comme quelqu'un qui n'a rien à faire avec le monde. (...) Rien n'est capable de l'affecter; il est comme un aveugle, un sourd et muet disent les vieux textes de l'Inde. Compliments et injures sont la même chose pour lui; il a dépassé la zone des dvandvas, ces couples de contraires tels que peine et joie, faveur et mépris, chaleur et froid. Il ne voit plus de dvandva nulle part, il ne juge personne et ne se compare à personne, il ne se considère ni "au-dessus", ni "au-dessous" de qui que ce soit. Dans sa vision de l'âtman, du Soi, il a transcendé tout sens de différence: à qui désormais se sentirait-il "autre"?
Il y a le mystère en haut, en bas, derrière, en face, partout: 'Brahman' ; il y a moi partout inséparable de ce mystère. Impossible de le mettre à part, de me mettre à part. Car en le mettant quelque part, moi aussi je m'y mets. C'est ce mystère qui illumine tout le monde du phénomène, des noms et des formes ('nâmarûpa'). Le monde du phénomène porte en soi une luminosité, quelque chose qui le dépasse, et qui pourtant lui est d'une telle intimité qu'il lui est impossible de s'en séparer, pas plus qu'il ne m'est possible de me séparer de cette lumière qui est moi en moi, au-delà de moi.
Il y eut des sages, il y eut des voyants, il y eut des prophètes, chacun saisit quelque chose du mystère intérieur, du mystère intérieur à tout être. Et leurs intuitions sont des étoiles, des phares pour leurs frères. Du rivage ils font signe, et sur le roc ils ont allumé une flamme. Et cette flamme appelle.
L'homme a besoin de zazen, de méditation, de silence, comme il a besoin de sommeil.
Vers l'expérience intérieure : lettres (1952-1973) : à s?ur Thérèse le Saux, par Henri le Saux, responsable : Armelle Dutruc
Lethielleux, chez Artège.
La correspondance du moine et mystique français, figure du dialogue entre christianisme et hindouisme, avec sa s?ur religieuse. S'y découvrent son itinéraire spirituel, ses errances et les éléments forts de sa mystique : l'expérience de l'éternité, la présence dans l'absence ou encore l'exil et l'itinérance. © Electre 2019