Rien n’est plus contraire à la vérité que l’opposition de la matière et de l’esprit. Mais la matière qui est le produit de l’intelligence, une sorte d’intelligence inerte, doit encore subir ses lois et les figurer, dès que la volonté de l’individu a à agir sur elle. Celui-ci trouve en elle à la fois un obstacle et un moyen ; et l’obstacle atteste seulement que l’individu est fini et qu’il n’est pas créateur.
Le corps porte en lui toutes les traces du passé, il les matérialise et les rend présentes. L’âme a toutes les servitudes du corps et elle est gouvernée par l’habitude.
Mais l’esprit est toujours jeune ; il ne dépend pas du passé ; nulle expérience ne le modifie ; et il revoit les mêmes choses dans une lumière toujours nouvelle.
La matière, c’est le passé, le déjà fait, l’obstacle, — le présent, c’est le moi, — et l’avenir, c’est l’infini encore indéterminé pour l’individu et où il s’épanche. Ainsi l’individu est borné par le déjà fait et attiré par le champ d’infini où son activité peut rejoindre l’être universel.
Tant s’en faut qu’il faille se plaindre de la sujétion où nous tient une grande misère comme la guerre et prétendre qu’elle empêche que nous nous livrions à la vie de l’esprit ; au contraire c’est en elle que la vie de l’esprit prend toute sa force et toute son ardeur.
Il n’y a pas de milieu entre l’indifférence et l’intérêt le plus exigeant.