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Disparus en montagne

Agnès Laurent raconte comment en famille vole en éclats. Après la disparition de leurs parents qui ne sont jamais revenus d'une course en montagne, Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean vont devoir vivre avec cette absence. Ils ne s'en remettront jamais.

Quand commence cette histoire, à la mi-août 1970, toute la famille Cotraz était réunie. Autour de Claude et Marie, leur quatre enfants Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean profitent de leurs derniers jours de vacances dans leur chalet. Les plus âgés sortent de l'enfance et font des rêves d'avenir. Peut-être que Luc marchera dans les pas de son père, guide de montagne. À moins que Jean ne décide d'endosser de reprendre le flambeau? Quant aux plus jeunes, ils découvrent le monde avec gourmandise.
Et n'ont aucune raison de s'inquiéter quand leurs parents décident de partir en montagne jusque vers le glacier qui domine le village. C'est leur oncle qui va montrer les premiers signes d'inquiétude en apprenant qu'un orage se prépare. Un peu plus tard, il proposera aux enfants de les accueillir chez lui en attendant le retour de leurs parents. Qui ne reviennent pas.
Alors que les recherches pour les retrouver sont lancées, l'attente devient de plus en plus éprouvante. Les jours passent sans aucune nouvelle du couple. Les mois passent et de difficiles décisions sont prises. Marie-Pierre et Luc vont en pension à la ville dans deux établissements séparés, Paule et Jean restent chez leur oncle et tante. La belle fratrie vole en éclats, laissant le benjamin inconsolé. "Il n'y a plus de maman, plus de père, ni même de Luc et de Marie-Pierre. On les a envoyés loin. Quand ils reviennent de leur école, ils ne ressemblent plus à son frère et à sa soeur. (...) Lorsqu'elle est là, Paule le prend dans ses bras, le cajole le temps qu'il se calme, il sent bien que les bras ne sont pas aussi grands que ceux dans lesquels il a passé ses premières années".
Pendant des années Luc courra la montagne à la recherche du moindre indice, sans renoncer mais sans rien trouver. À Christine, sa nouvelle compagne, il promet même de renoncer à ses escapades sans pourtant s'y résigner vraiment.
C'est en 1986, quand le couple donne naissance à leur fils Philippe, que les choses vont commencer à se dégrader. Une spirale infernale s'enclenche alors. Et ce n'est pas la naissance de leur fille Catherine qui parviendra à l'enrayer.
En choisissant de retracer les suites de ce drame sur olusieurs décennies et sur trois générations, Agnès Laurent parvient à parfaitement rendre compte du traumatisme subi. Elle montre combien, même derrière les silences, le poids de cette absence est lourd à porter. Ce deuil impossible allant même jusqu'à provoquer de nouveaux drames.
Comme dans Rendors-toi, tout va bien, son premier roman paru en 2021, c'est en multipliant les points de vue qu'elle enrichit sa trame romanesque. Car s'il reste entendu que chacun ne réagit pas de la même manière face à l'adversité, personne ne peut affirmer qu'il sort indemne d'une telle catastrophe.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


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1970, dans un village des Alpes. Claude et Marie y vivent paisiblement avec leurs quatre enfants Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. Claude est un grand guide montagnard réputé. Lorsqu'il décide de faire une randonnée avec sa femme, les enfants vont alors passer la journée seuls à la charge de l'aînée Marie-Pierre. La journée se passe bien, et ils attendent le retour des parents. Un orage va éclater en soirée et les parents ne réapparaissent pas. Personne ne semble s'inquiéter, et pour cause, Claude est un guide aguerri. Les enfants décident d'attendre le lendemain, mais toujours rien. Les parents ne reviennent plus.

J'ai eu un coup de coeur absolu pour ce roman qui m'a totalement bouleversée, et abordant une thématique très difficile, à savoir comment faire face à la disparition d'un proche lorsqu'on ignore totalement ce qui lui est arrivé. C'est ce que va vivre cette fratrie, et l'auteure réussit à rendre son roman des plus réalistes et avec une charge émotionnelle présente à chaque moment.

D'emblée, je me suis attachée à ces quatre frères et soeurs qui feront face à une terrible épreuve, et qui, bien que la douleur soit la même pour chacun d'entre eux, ils l'aborderont pourtant d'une manière très différente. C'est donc le parcours de ces quatre enfants vers l'âge adulte et qui doivent se construire avec cette absence que nous suivons. Ils ne cesseront de se demander ce qui est arrivé à leurs parents, et sans réponse, ils n'arriveront pas à faire leur deuil.

Le roman s'étale sur beaucoup d'années, et les personnages ont donc une réelle évolution, n'étant jamais statiques. Les sentiments de tout un chacun sont décrits par l'auteure avec une précision et un réalisme rares. Je ressors tout simplement bouleversée par ce récit fort.

La plume de l'auteure m'a conquise. Avec un style vif mais tout à la fois avec un sens du détail certain, l'auteure réussit à dérouler un roman dans lequel je ne me suis jamais ennuyée. J'ai beaucoup aimé son style, notamment caractérisé par l'insertion des dialogues dans la narration. Les passages alternent entre chacun des personnages, et à chaque fois, il y a une indication temporelle afin de pas se perdre.

Un roman bouleversant, dans lequel l'auteure excelle à décortiquer les sentiments de ses personnages face à la terrible épreuve à laquelle ils doivent faire face. À découvrir sans hésiter.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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1970. le temps d'une journée d'excursion en haute montagne, les Cotraz laissent leurs quatre jeunes enfants s'occuper de leur petite ferme. Malheureusement, surpris par un orage, les randonneurs disparaissent, confrontant les petits à une nuit d'angoisse. Pris en charge par l'oncle et la tante voisins de leur ferme, ils sont rapidement séparés. Les deux aînés, Marie-Pierre et Luc sont envoyés en pension tandis que Paule et Jean restent au village. Leurs angoisses et leur peine profonde restent le ciment de la famille, mais chacun des enfants connaîtra un destin propre que l'auteur nous dévoile par bribes, par petits sauts temporels, avec en toile de fond, la lancinante question des corps jamais retrouvés.
Agnès Laurent nous offre un roman émouvant doublé d'une passionnante saga qui, sur cinquante ans, dévoile la complexité des relations familiales rythmées par les joies et les peines, par les trahisons et les fautes, par les renoncements et les exclusions, par les secrets et les non-dits.
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C'est un jour d'été comme un autre pour la famille Cotraz. Enfin, presque, car aujourd'hui les parents partent seuls renouer avec la randonnée en haute montagne et laissent leurs quatre enfants au chalet. Ils sauront bien se débrouiller, après tout, les deux grands s'occuperont des plus petits, feront les tâches journalières dont ils ont l'habitude et la journée passera au mieux.
Enfin, ça c'est dans l'absolu. Car dans la réalité, les heures s'égrennent, la journée se passe, en chamailleries et disputes, jeux et réconciliations, jusqu'à l'arrivée de l'orage tant redouté par tous.
Jusqu'au moment où il est évident que personne ne viendra les retrouver.

Luc, Marie-Pierre, Paule et Jean se retrouvent seuls. Un oncle et une tante qui vivent à côté vont s'occuper des enfants, mais quatre bouches à nourrir c'est énorme pour le couple sans enfants.
Les heures d'attente se sont transformées en jours, semaines, années.
La montagne donne et la montagne prend sans restituer, impossible de savoir ce qui est arrivé.
Les enfants grandissent et le lecteur va les suivre pendant cinquante ans.

Blessés, meurtris par l'absence des parents, fratrie séparée qui se disloque, avec toujours une obsession, tenter de les retrouver. Cette obsession qui détruit peu à peu les vies de ceux qui jamais ne pourront accepter l'inacceptable, le deuil à faire sans morts, évidence et poids de la disparition, du vide, de l'absence.
Chacun trouvera son salut dans sa façon de vivre après le drame, loin, près, dans l'oubli que procure l'alcool, dans l'obsession de la montagne à arpenter jour après jour, dans le silence et l'éloignement.

Un roman à l'écriture ciselée, travaillée et pourtant qui coule tout le long comme une évidence de simplicité. Où les sentiments de chacun se dévoilent et prennent toute leur place sans pour autant peser ou effacer l'autre. le ton est posé, mesuré, les sentiments forts, dévastateurs parfois, mais d'une grande justesse.
Le poids de l'enfance et de ces douleurs qui impactent toute une vie est bien décrit.
Un beau roman à découvrir.

https://domiclire.wordpress.com/2024/03/11/un-beau-jour-agnes-laurent/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Mi-août 1970. Cela fait au moins dix ans que Marie Cotraz n'est pas allée en montagne. Marie-Pierre, son aînée, était encore un bébé. Aujourd'hui est un grand jour, car elle accompagne son mari, en excursion. Ce dernier est reconnu comme l'un des meilleurs guides. Pour leurs quatre enfants, une belle journée s'annonce : ils vont rester seuls et profiter de cette liberté (manger leur plat préféré, s'amuser…). le temps s'assombrit et le tonnerre gronde. Un violent orage s'abat, alors que le couple n'est pas rentré. Marie-Pierre est inquiète, mais elle rassure les plus petits.

La fratrie se souviendra toute sa vie, de ce funeste soir. Il a marqué le basculement dans le questionnement. Chaque enfant a grandi avec l'absence. Leurs parents reviendront-ils ? Sont-ils vivants ? Que s'est-il passé ? Chacun tente de combler le manque de réponses de manière différente. Tous sont amputés de vérité et de fondations pour se construire. Leurs parents ont disparu : ils ne sont pas orphelins. L'espoir de retrouver Marie et Claude accompagne chaque moment de leur existence. Chacun entreprend une quête à sa manière. Quand l'un mène des recherches actives, le second se réfugie dans la destruction de lui-même. Quand l'une guette tous les signes, l'autre essaie de balayer ses propres espérances. Tous souffrent, mais l'expriment différemment. Même s'ils tentent de se comprendre, leur souffrance est trop grande pour y parvenir.

Avec sensibilité, Agnès Laurent dépeint leur chagrin, leurs malentendus, leur solidarité maladroite et l'amour fraternel indestructible, malgré la douleur et leurs difficultés à se parler. Leurs sentiments se ressentent dans les actes, dans des mots échappés, mais aussi dans ce qui n'est pas dit. J'ai été touchée par cette pudeur. J'ai, aussi, été émue par cette épreuve partagée, mais ressentie individuellement. Un beau jour décrit cinquante ans d'un deuil impossible et les répercussions invisibles. J'ai été captivée par ce roman doux et beau, malgré les évènements dramatiques. J'ai adoré.

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Ce livre nous parle d'une famille, on fait leurs connaissances au fil des pages
Jusqu'au jour où les parents décident de partir faire une balade
Ils laissent les 4 enfants avec leurs oncle qui lui angoisse déjà à l'annonce d'un très gros orage

Et ensuite leurs vies à tous s'enchaîne .. la disparition d'être précieux est tellement difficile
Il faut réussir à s'en sortir et gravir les étapes bonnes ou mauvaises sans le soutient de ces personnes

La vie des enfants sera semé d'embûche, comme ci la poisse les suivaient alors qu'ils n'ont rien demandé

C'est un très bon roman :)
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Une belle journée ensoleillée s'annonce. Les parents décident de partir randonner en montagne. le père a l'habitude, il connaît le massif sur le bout des doigts. Marie-Pierre est grande et raisonnable. du haut de ses onze ans, elle saura s'occuper de sa soeur et de ses deux frères. On peut avoir confiance en elle, elle a l'habitude de donner le biberon au petit dernier et d'aider aux tâches ménagères. Les quatre enfants sont ravis : ils vont pouvoir faire des glissades dans les champs, se déguiser avec les vêtements de maman, se goinfrer de fromage et de jambon. Ils feront ce qu'ils veulent, toute une journée sans les parents. Mais au cours de l'après-midi, le temps tourne brusquement à l'orage. Les parents ne reviennent pas. Ni le soir, ni le lendemain matin, ni le surlendemain. Les recherches ne donnent rien.

Comment se remettre d'un pareil traumatisme ? Surtout qu'on envoie bientôt les deux aînés étudier dans la vallée, dans des écoles séparées. Ils ne reviendront au village que pour les vacances. Quatre enfants, ça fait trop de bouches à nourrir pour Tante Andrée et Oncle Antoine. Nouvelle déchirure pour la fratrie, aussi violente que la disparition des parents. Il faut dire qu'on les élève durement, les petits montagnards, dans les années 1970. On ne s'encombre pas vraiment de psychologie humaine quand on a déjà bien du mal à joindre les deux bouts en travaillant dur.

De ruptures en difficultés, Agnès Laurent nous invite à suivre l'évolution de cette famille durant une cinquantaine d'années, à travers le prisme des enfants, des adultes qu'ils deviennent bientôt, puis des petits-enfants, qui grandissent à leur tour avec une absence omniprésente à surmonter. Tous doivent vivre avec cette histoire, elle laisse des séquelles en chacun d'eux : colère, rancoeurs, jalousies et non-dits s'accumulent, engendrant repli sur soi et solitude.

Comment vivre sans savoir, avec ces questions lancinantes laissées sans réponses : les parents ont-ils fait une chute mortelle ? Et si ce n'était pas un accident ?

L'aînée, que l'on a arrachée à sa fratrie après le drame, ne parvient pas à stabiliser son existence et enchaîne les ruptures à l'âge adulte. le cadet noie l'absence de réponses et l'oubli impossible dans l'alcool. le benjamin parcourt la montagne en tous sens, à la recherche d'une trace. On ne sait jamais, avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers, peut-être que la montagne finira par révéler des secrets enfouis ? Seule à être restée vivre au village, Paule s'efforce de maintenir le lien entre les uns et les autres. Toujours à essayer de recoller les morceaux : "Luc, c'est votre père, il faut l'aimer quand même". Devenue mère de six enfants, elle a reconstitué une famille nombreuse à l'image de celle qu'elle a perdue petite.

La liste des symptômes du deuil impossible s'allonge, méticuleuse, clinique, et s'inscrit dans la durée. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, Agnès Laurent décortique l'âme humaine au scalpel, avec une précision chirurgicale. Impossible de renoncer à l'espoir, qu'un détail suffit à raviver. Impossible non plus de passer à autre chose. La montagne est toujours là, à la fois familière et menaçante. La contempler, c'est se demander où ils sont. Même cinquante ans après.

On s'attache à ces quatre personnages en souffrance. A chacun d'eux. A leurs conjoints, à leurs enfants. Une fois le livre achevé, naît l'envie de relire les cinquante premières pages, pour profiter encore un peu de la compagnie de Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. de leur insouciance et de leur dernière journée d'enfance.
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Un beau jour d'été, dans les Alpes, quatre enfants sont seuls dans le chalet familial un peu à l'écart du village.  L'aînée a une dizaine d'année et le plus jeune est encore bébé.  Les parents sont partis en randonnée en haute montagne. le père est guide, le meilleur du village. Les enfants sont excités et contents de se retrouver seuls jusqu'à ce qu'éclate un très violent orage. Commence alors une attente angoissée, et le lendemain matin, au réveil  les parents ne sont toujours pas là. Ils ne rentreront jamais...

On va suivre cette fratrie pendant une cinquantaine d'année et voir comment chacun, selon  son caractère et son âge lorsque les parents ont disparu, va vivre et évoluer avec cette question sans réponse: qu'est-il arrivé aux parents ? Ils ne se résoudront jamais à dire que leurs parents sont morts. Si  illusoire que soit l'idée qu' ils soient en vie, y renoncer est au dessus de leurs forces. Avec le réchauffement climatique, les glaciers qui fondent laissent échapper des objets enfouis depuis des décennies parfois. Chaque fois, l'espoir  de trouver un indice se ravive...

C'est l'histoire de Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean, de leur colère, de leur souffrance et d'un deuil impossible. Cette histoire va oblitérer de façon indélébile leur parcours de vie, leur rapport aux autres et même leurs relations fraternelles en dépit des liens très forts dans leur enfance. Cette histoire, ils la revivront inlassablement  jusqu'à l'obsession faisant peser sur la génération suivante le poids terrible du vide creusé par l'absence et de leur douleur inapaisable.

J'ai été happée dès le début du roman par l'écriture de l'autrice précise, détaillée, minutieuse et fluide.. Les personnages sont terriblement bien incarnés et suscitent une empathie immédiate, la montagne est quasi un personnage tant elle cristallise passions et rancoeurs. La psychologie des personnages m'a parue très crédible et juste, les portraits sont très fouillés, très vivants. Et du début à la fin, la tension ne faiblit pas, j'avais vraiment envie de savoir jusqu'où l'autrice allait me mener...

Une réussite,  une très belle lecture !
Merci à Babelio et aux éditions Récamier .
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Claude Cotraz est guide en montagne et il la connaît comme sa poche, sait reconnaître les éléments avec le ciel, le vent, la météo et juger s'il est dangereux ou non de partir en montagne. Ce jour-là, il est parti avec sa femme Marie, faire une randonnée, sac dans le dos. Leurs 4 enfants, dont le dernier est vraiment tout petit, sont restés à la maison. le temps passe, la nuit arrive et ils ne rentrent pas. L'inquiétude est à son paroxysme. Et puis les jours passent, les semaines, les mois, les années et même des décennies. L'un des enfants a toujours voulu croire que non, ils n'étaient pas morts mais disparus. Alors il s'est mis à les chercher, en dépensant de grosses sommes d'argent pour des appareils de recherche hauts de gamme.. Et un demi-siècle plus tard...

Je vous laisse découvrir cette histoire quelque peu angoissante !

LIVRE SORTI LE 1ER FÉVRIER 2024
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« Un beau jour », c'est la montagne comme décor. La montagne comme un appel, la découvrir toujours plus en profondeur, dévoiler ses recoins cachés, divulguer ses secrets, la défier sans arrêt, été comme hiver. Au village vit la famille Cotraz. Claude le père, un peu taiseux, mais fort bon guide, la mère Marie qui s'occupe de ses quatre enfants : Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. Au quotidien bien huilé se dessine parfois une trêve. Ce sera le cas en cette journée du 13 d'août 1970 où Claude emmène sa femme grimper en duo. La maisonnée est laissée à Marie-Pierre avec ses corvées et trois enfants à gérer. C'est une belle journée pour une ascension, le ciel est bleu, des conditions idéales. le départ se fait dans une certaine précipitation, un enfant pleure, Marie change de foulard rajoute quelques victuailles dans son sac à dos. Ils partent. Pour les enfants, c'est une journée particulière, ils sont rarement seuls.

Houspillés par Marie-Pierre, ils passent quand même un moment doux. Jusqu'à l'arrivée de l'orage. Inattendu. Imprévisible. Violent. Les heures passent, les parents ne rentrent pas. Les jours passent, les parents ne rentrent pas. Tous le savent : la montagne est sans pitié pour les imprudents. Mais le père, lui, ne serait jamais parti s'il avait eu le moindre doute. Attente, espoir, désespoir, renoncement, confiance. Dans l'expectative permanente, la vie des enfants change. Ils attendent. Ils continueront d'attendre… pendant 50 ans. Une vie.

« Un beau jour » surprend par son titre, la couverture par cette neige qui mène dans le brouillard. C'est bien un roman noir rural qu'Agnès Laurent écrit ici. À travers cette fratrie, elle dessine les contours de ceux qui restent, esquisse les tempéraments qui se forgent. Les ressentiments aussi. Elles croquent les chemins de vie de chacun et parallèlement, les liens qui les lient ou les désunissent. Quel poids a l'absence sur la construction de soi ? Quelles relations quatre enfants peuvent-ils construire ensemble face à ces disparitions ? Car, les parents ne sont pas morts et enterrés, une nuance qui a toute son importance.

En commençant « Un beau jour », je me souvenais simplement de mes émotions de lecture de « Rendors-toi, tout va bien » et de la plume d'Agnès Laurent. Dès les premières pages, je me suis attachée à cette famille, à cette fratrie, aux petits riens de leur quotidien. Jamais je n'aurais imaginé ce qui allait suivre, même si la montagne laissait planer une ombre épaisse et sibylline. Je voudrais expliquer en détail ce qui arrive à chacun de ces enfants, mais je ne le ferai pas. Vous devrez le découvrir par vous-même. Néanmoins, ce que je peux vous dire, c'est que ce livre a été une déflagration. On porte tous des blessures qui n'ont pas forcément quelque chose à voir avec une disparition, mais qui engendrent les mêmes conséquences. Un petit quelque chose qui vous tiraille au fond du coeur et que vous ne savez pas expliquer. Des moments de la vie où personne ne peut vous venir en aide et où vous ne pouvez venir en aide à personne. Vous avez beau chercher les raisons profondes de ces empêchements, vous ne les trouvez pas. Vous savez simplement que pour des raisons obscures, vous devez vous éloigner de ce qui a été un jour, votre famille.

« Un beau jour », vous quittez tout. « Un beau jour », vous renoncez à ceux qui vous renvoient à votre passé. « Un beau jour », vous tirez un trait parce que c'est une question de survie. « Un beau jour », vous avez besoin de vous construire seule, ou au moins de tenter. Mais la petite bête qui nourrit vos souvenirs ne se laisse pas tuer aussi facilement. Elle continue de vous ronger. Et vous ne comprenez pas pourquoi.

En observant Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean, les petites lumières de la conscience s'allument. Au fil des pages, les idées, les émotions, les mots d'Agnès Laurent font leur travail. Lentement, la petite bête se réveille et reprend toute la place. Sauf que, votre cerveau d'adulte, lui, absorbe les nouvelles clés qui sont données en réouvrant les plaies. Vous êtes désormais en mesure de comprendre ce qui vous a si longtemps échappé. Il n'y a que la littérature qui puisse faire cela, que les mots d'un autre pour éclairer vos propres douleurs, que les destins de personnages de fiction pour apprivoiser l'impossibilité de se construire lorsque l'on porte un tel fardeau émotionnel.

Dans « Un beau jour », il y a deux garçons et deux filles, quatre humanités qui ne savent pas vivre ensemble. Comme pour leur père, la montagne attire Luc et Jean comme des aimants. Une façon de se rapprocher du disparu, de susciter une reconnaissance, de batailler contre un élément aussi fascinant que dangereux. Ils n'avaient pas le même âge au moment de la disparition. Pour Luc, le plus âgé, les parents sont presque mystifiés, comme seuls des morts peuvent l'être. Pour Jean, le plus jeune au moment de la disparition, il ne connaît ses parents qu'à travers ce qui a été et ce qui continue à être dit d'eux. Ils ont gagné une sorte de place inamovible au Panthéon des êtres chéris. Car les disparus, autant que les morts permettent l'accès à ce trône d'une réalité vécue idéalisée.

Ce sont les relations entre Marie Pierre et Paule qui m'ont le plus touchée. Deux soeurs qui ne se fréquenteraient pas dans une vie ordinaire tant elles sont différentes. L'une est un socle pour qui le mot famille est une religion, l'autre n'aspire qu'à la solitude, loin de l'enfer blanc et du village où tous connaissent leur histoire. de petites filles à femme, de femmes à mères, leurs chemins de vie sont totalement opposés. Pourtant, l'amour fraternel est bien présent, même s'il est caché sous des tonnes d'exaspération, de ressentiment et d'incompréhensions. Elles s'aiment sans pouvoir se le dire. Elles voudraient se soutenir sans savoir comment faire. Leur amour réciproque ne suffit pas, l'ombre des parents plane toujours au-dessus d'elles….« Leur relation s'est dégradée depuis qu'elles sont devenues adultes, elles n'arrivent plus à se parler normalement. »

« Un beau jour », c'est aussi une plume, un souci de la langue où chaque mot est à sa place. Roman choral, succession de voix telles des échos qui se perdent sur les crêtes escarpées des Alpes, Agnès Laurent place les dialogues dans la narration. J'affectionne particulièrement ce procédé qui permet de rester au plus près des émotions ressenties par les personnages, et de faire avec eux du « peau à peau ». Au gré des années qui passent, des vies qui se construisent et se déconstruisent, elle a eu l'excellente idée d'insérer des « voix » supplémentaires : celle du réchauffement climatique et celle de la génération suivante.

La fonte des glaciers offre de nouveaux espoirs pour réparer les vivants. Sera-t-il possible de retrouver une trace des disparus ? D'écrire le mot fin sur l'existence d'êtres fantomatiques ? « Elle sait que la nature peut garder ses secrets pendant des années, et les recracher presque intacts des décennies plus tard. »

Les petits-enfants des disparus vivent dans le « culte » d'inconnus. Leurs vies ont été façonnées autour de Claude et de Marie sans même les connaître. Ils ont subi les douleurs, souvenirs, actions et réactions de leurs parents comme si le malheur n'avait pas sauté une génération. Impactés autant que leurs parents par cette douleur intergénérationnelle transmise dès leurs naissances, leurs voix méritent, elles aussi, d'être entendues… « Trente ans, ça fait trente ans qu'on entend parler que de votre histoire, de celle de vos parents. Chaque fois qu'on se voit, on ne cause que de ça, tout tourne autour d'eux, comme si on n'existait pas à côté de ce drame que vous avez vécu. On ne sera jamais à la hauteur. »

Famille, montagne et mystère constituent « Un beau jour ». Saura-t-on ce qui s'est réellement passé ce jour d'août 1970 ? La montagne crachera-t-elle ses secrets ? Avec une grande finesse, Agnès Laurent explore les conséquences d'une disparition sur des vies, à travers deux générations, et démontre que l'amour que l'on se porte n'est pas toujours suffisant, que la puissance du souvenir déferle comme une avalanche, sans les ensevelir tout à fait, réels ou fantasmés. Les disparus ont souvent plus d'importance que les vivants, bien malgré soi, contre toute raison. Ce roman a été déflagration pour comprendre à quel point il est difficile de s'entraider, de se comprendre, de se parler lorsque l'on partage un douloureux passé commun.
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