François Mitterrand, une force tranquille...
" Vingt ans après sa mort, cent ans après sa naissance, François Mitterrand n'a jamais été aussi nécessaire. Le temps a fait son œuvre. L'agressivité de circonstance a reflué. Les déçus permanents ont mis de l'eau dans leur vin aigre. Surtout, les historiens ont fait la part des choses. Ils ont redonné du crédit à une œuvre majeure, à un double septennat progressiste et libérateur, où la justice et l'égalité ont gagné beaucoup de terrain. J'ai accepté avec ferveur de faire revivre la mémoire d'un président de gauche qui a fait de moi son ministre de la Culture et de l'Education. Je me suis confronté à l'ensemble de l'action du politique et de la vie de l'homme, avec ses méandres, ses silences, ses échecs. Mais aussi et surtout, avec sa constance dans les convictions, son acharnement dans la bataille, son brio dans l'accomplissement de sa tâche. J'ai été le partenaire de François Mitterrand dans cette entreprise de transformation des mentalités et des attitudes d'un pays qui avait besoin de s'émanciper, de se moderniser. Nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout, mais jamais cela n'a jamais altéré notre proximité confiante, notre enthousiasme fidèle. J'ai été un ami admiratif, un compagnon chaleureux, un soutien offensif et créatif.
Je suis heureux de faire revivre cet acteur majeur du changement et de conjuguer son souvenir au présent de l'incitatif. "
Je m’en veux de ne pas avoir assez interrogé François Mitterrand sur la guerre d’Algérie. Je ne suis ni historien, ni journaliste, et encore moins procureur. Pendant les vingt ans passés aux côtés d’abord du premier secrétaire du PS puis du président de gauche, je ne vis que pour l’action. Je me projette dans le futur, je ne me retourne pas sur les ombres du passé. Je veux faire advenir un monde nouveau.
Et c’est cela que François Mitterrand et moi partageons. Nous voulons changer la France, lui apporter plus de justice sociale, plus d’égalité citoyenne. Nous tenons à la libérer de ses pesanteurs et de ses carcans.
On décrit souvent Mitterrand en séducteur compulsif, en don Juan cynique, en cavaleur à bride abattue. Le découvrir dévasté par la perte de l’être aimé me le rend éminemment émouvant.
Est-ce ce désarroi de jeunesse qui explique son besoin futur de revanche amoureuse ? Un premier échec conditionne-t-il un comportement futur ? Ce causalisme psychologique est sans doute simpliste. Rien ne dit que Mitterrand n’ait pas masqué ses attachements d’homme derrière le masque trompeur d’un Casanova sans états d’âme.
François Mitterrand est d’une espèce en voie de disparition, celle qui tire « fierté d’appeler les arbres par leur nom ». Il est d’avant l’urbanisation du goût et la numérisation des mémoires.
Quand on se promène à ses côtés en forêt, il faut s’attendre à subir une inspection en règle des frondaisons et une leçon de botanique appliquée.
Avec l’âge mûr, Mitterrand fait retour à ses racines agraires, à un enthousiasme bucolique jamais démenti. L’homme connaît et aime la nature.
« François était d’une grande gentillesse avec moi, toujours très attentionné. Il ne voulait jamais me quitter. On allait dans les surprises-parties ensemble. C’était un sportif et il adorait danser le swing. C’était un bon cavalier qui n’était pas du tout jaloux. Je pouvais très bien danser avec d’autres garçons et lui avec d’autres filles. »
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