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sur 2614 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Philippe Lançon se trouve à la réunion hebdomadaire de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Il aurait pu ne pas y être. Il a hésité un instant avant de s'y rendre. Mais le destin a voulu qu'il y soit ce jour-là lorsque les frères Kouachi le blessent gravement d'une balle dans la mâchoire.
Philippe Lançon nous narre sa lente réadaptation à la vie ordinaire. Il y a d'abord la culpabilité de ne pas être mort. Puis, le sentiment d'être un mort dans la vie quotidienne. Ensuite, il pense ne plus avoir la force de vivre en dehors du monde hospitalier. Nous vivons à ses côtes la lente reconstruction de sa mâchoire, la douleur physique et psychique qu'il essaie d'accepter en se renfermant dans son cocon hospitalier ainsi que dans la culture littéraire et musicale. Ce journaliste dont le travail était de critiquer des émissions de télévision la refuse dans sa chambre, ainsi que la radio. Il emmène les oeuvres qui lui servent de béquille jusqu'aux blocs opératoires : Kafka et la madeleine de Proust notamment. L'auteur ne nous cache rien des détails de ses opérations, des pensées qui l'accompagnèrent au fil de ses opérations et soins.
Il nous raconte également sa relation particulière avec Chloé, sa chirurgienne. le fait de dépendre de ses talents et de tisser petit à petit des liens avec elle. Ces liens mêmes dont il essaie malgré tout de garder à distance dans une limite acceptable entre le soignant et le patient.
Il nous décrit également ses sentiments vis-à-vis de la protection policière mise en place pour le protéger contre un éventuel autre attentat. Cette protection policière qui l'accompagne dans chacun de ses pas jusqu'au bloc opératoire et qui veille perpétuellement devant sa porte d'hôpital ; et aussi, sa mise à nue lorsqu'elle elle lui est retirée subitement.
Ce sentiment de ne pas savoir ce qui va se passer après pour sa propre situation et de ne pas vouloir qu'il y ait un après. Il y a en outre cette description des deux hôpitaux dans lesquels il a été hospitalisé : l'hôpital de la Salpêtrière et des Invalides.
Des bouts de vie sont décrits également : ses grands-mères, son enfance, ses amis, ses femmes (son ex-femme et sa compagne actuelle). le fait qu'il ne s'informait pas, qu'il devait se reconstruire seul avec les gens qui lui rendaient visite quotidiennement. La douleur et la reconstruction qui l'empêchèrent d'avoir des sentiments tels que l'amour, mis de côté durant cette parenthèse.
C'est un livre de 510 pages mais il m'a pris deux semaines pour le lire : pour m'en imprégner et pour voyager dans la vie de l'auteur. Il répond à beaucoup de questions, intimes, sur sa situation personnelle, mais j'ai tout de même eu le sentiment qu'il nous cache une partie de l'histoire. Ce doit être son côté journaliste qui impose une rédaction des faits sans donner son avis personnel. Ainsi, nous le voyons aux côtés de François Hollande lors d'une brève visite. Il en donne un sentiment général sans pour autant rentrer dans les détails, pour ne froisser personne. Il le dit d'ailleurs à plusieurs reprises : il ne veut juger personne.
Pour conclure, c'est une oeuvre superbement contée dans laquelle la culture et la poésie ont toute leur place. Un roman majestueux, intime et émouvant sur la reconstruction des séquelles à la fois psychologiques et physiques après un attentat d'une violence extrême.
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Philippe Lançon nous écrit sa reconstruction après l'attentat de Charlie où il a survécu. C'est un chemin dit dans la simplicité sans pathos ou les opérations se succèdent avec toutes les incertitudes, où se mélange le quotidien en hôpital vue du patient tout ça avec ses références culturelles. Il apprend ce monde d'après pour accepter le 2 ème Philippe un nouvel homme. Très beau livre très touchant
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Les mots au service des maux. Une plume magistrale au carrefour du journalisme et de la littérature.

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Lorsque l'horreur et la violence de l'attentat perpétré contre Charlie Hebdo se vit de l'intérieur, son auteur n'en oublie aucun détail. La précision avec laquelle Philippe lançon va se livrer à cet exercice d'écriture sortie de son contexte professionnel de journaliste (également pour Libération) en nous plongeant au coeur de cette tornade intérieure excelle dans cette capacité de mise à distance et d'analyse de chaque étape de la descente aux enfers et de sa reconstruction ensuite. Une mise en lumière extraordinaire sur l'obscurité de cette période qui va durer des mois, des années, une vie.
Il écrira ce livre trois ans après les faits mais chacun d'eux est relaté et décortiqué avec cet art de mettre en synergie la méthode et la précision propres au journalisme avec la poésie et la force de la métaphore de celui qui vise à rendre intelligible la compréhension de l'incompréhensible par des images qui parlent à chacun.

Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon aurait pu être ailleurs mais cette scène sans cesse répétée et rejouée dans son esprit de poser son vélo à proximité de l'entrée des locaux de Charlie, de décider de passer à Libé ensuite, sera cruciale dans la distribution du temps et des évènements. Il était donc là quand elles ont débarqué, ces « jambes noires », la seule chose qu'il ait vu des terroristes depuis sa position couchée au sol. Il a en revanche bien eu le temps de voir tout le reste. Ces corps sans vie et disloqués de ses collègues, sanguinolents, disséminés, leur position, un arrêt sur image gravé. On se souvient et se souviendra à jamais des victimes, les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris, le policier Franck Brinsolaro qui assurait la protection de Charb, le correcteur Mustapha Ourrad, Michel Renaud, cofondateur du festival Rendez-vous du carnet de voyage invité pour l'occasion, et Frédéric Boisseau, un agent de la société Sodexo, chargée de la maintenance du bâtiment. Un gardien de la paix, Ahmed Merabet, sera également tué sur le boulevard Richard-Lenoir par l'un des deux criminels, au cours de leur fuite. Douze personnes assassinées et onze blessées, dont quatre grièvement : Philippe Lançon fera partie de la deuxième catégorie et devra faire, lui, avec cette balle qui l'a atteint au dernier tiers du visage, et le traumatisme qui l'entoure. Un fil rouge pour la suite qui l'attend. Enfin un fil, une corde, un rasoir, un bâton, une massue.

Arrivé en lambeaux et reconstruit petit à petit des lambeaux de lui-même. le chapitre 15 éponyme du titre de son roman est bien là pour nous le rappeler. le récit de son passage dans les différents services de l'hôpital Pitié Salpêtrière puis aux Invalides enchainera ses multiples descentes et remontées du bloc chirurgical, la vie en chambre, les bruits de couloir. Et comme un symbole, dans ces voyages entre le premier étage et le sous-sol, les alternances du moral, de la conscience, de l'envie ou de l'anesthésie qui paralyse, des émotions accompagnant les allées et venues de ses amies, amours, membres de la famille, collègues.
L'observation fine et précise de l'équipe soignante qui évoluera autour de lui, tantôt dans sa dimension purement professionnelle, tantôt dans l'humanité de ses confidences personnelles, traduit une gratitude sans limite à ceux qui étaient là et qui l'ont vu arriver, se relever, retomber parfois, s'accrocher, lâcher, reprendre corps et esprit. A ses gardes du corps aussi.
Dans ce contexte de huis clos qui évolue doucement vers un retour au « monde d'après » comme il tient à le nommer, les thèmes sont nombreux et fouillés avec une approche à la fois psychologique et pragmatique sans concession, ni avec lui-même, ni avec les autres. le rapport au temps, à l'être et au devenir, à la douleur, à la conscience de soi dans cet avant-pendant-après, à la solitude, à la mémoire, au silence et à l'utilisation des mots quand un tuyau empêche toute communication verbale, à l'écriture urgente sur une ardoise Velléda donc puis journalistique quand elle est à nouveau de circonstance. Tout est passé au crible avec une précision chronologique hors pair. Et pourtant avec une humilité à faire pâlir les plus orgueilleux, sans jamais laisser gagner la haine ni céder à la tentation de la stigmatisation, bien au contraire. L'optimisme et la relativisation s'affichent comme des alliés précieux et crèvent l'écran de cette toile pourtant bien dense en épreuves et en souffrances. Et avec eux, cet esprit Sartrien qui lui fait écrire page 319 : « C'était la modestie et la gravité de mon état, non sa grandeur, qui devaient me redresser ».

Il sera beaucoup question de références littéraires lumineuses et d'une diversité éblouissante toujours semées pour éclairer le chemin du récit, de même que la musique en passant par le jazz ou le classique, la peinture aussi. Un vrai feu d'artifice culturel qui là aussi fait briller chaque mot, chaque référence, dans cette traversée nocturne. Et qui se fait ode à l'écriture.

Je n'ai jamais autant craint de rentrer dans un livre et autant regretté d'en sortir. La curiosité fut plus forte pour atteindre la première étape, les émotions m'ont plusieurs fois assaillie puis submergée en tournant les dernières pages. J'en suis ressortie vivante avec lui, de cette écriture qui empêche de respirer quand il cherche sa propre respiration, qui transmet la douleur au moment où ses multiples greffes de visage l'atteignent et le griffent, qui font battre le coeur plus fort quand il se lève et se relève mentalement puis physiquement, tout doucement. Ce livre est une ascension de montagnes russes qui ne laisse pas indemne mais dont on ressort plus fort et grandi avec lui sans la naïveté toutefois de penser que tout est derrière, que tout est gagné.

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Loin de moi l'idée même de proposer une « critique » de ce livre. Ce serait tout à fait inapproprié et je ne m'en sens pas qualifiée. Ceux sont donc dans ce paragraphe quelques-unes des centaines d'émotions qui m'ont traversée à la lecture de ces pages. J'y suis rentrée à pas de velours : contexte émotionnel fort lié à mon indignation, ma tristesse et ma révolte lors de l'attentat de Charlie Hebdo que mes collègues et moi, enseignants avons tenté d'expliquer année après année à nos élèves de collège et qui me tord les boyaux à chaque fois que je reprends la séance en classe. C'est avec beaucoup de dignité, d'humilité et de pudeur que l'attentat est décrit. Tout est tissé autour de cette identité, Philippe Lançon qui explose au milieu de cette horreur. le fil du récit sera cette tentative de retisser à travers l'acte de l'écriture la trame de sa vie, trouée et déchiquetée par la violence. Telle Pénélope, l'auteur brode autour de ses souvenirs d'avant mais aussi de ce présent-passé hospitalier pour restaurer un semblant de visage à ce nouveau Philippe Lançon. La reconstruction faciale est l'oeuvre des chirurgiens de la Pitié Salpêtrière mais l'émergence de ce moi survivant est l'oeuvre de l'écrivain journaliste tisserand. Parler du corps détruit qui se reconstitue touche d'autant plus le lecteur qui a lui-même ressenti dans sa chair cet état de transit. L'infantilisation comme un réflexe face à la peur de la douleur ou de la mort, l'obéissance du bon élève pour obtenir les grâces du personnel infirmier, la peur du dehors quand la sortie se profile à l'horizon, tout a résonné comme un écho profond en moi et malgré la dureté du sujet, c'est un livre que je referme à regret. Il m'a accompagné sur plusieurs semaines et m'a permis de replonger au coeur de mes propres cicatrices car c'est un livre intime mais universel, tissé des fibres même de notre nature humaine. Vous resterez un compagnon précieux pour moi, Monsieur Lançon que je reviendrai chercher dans ma bibliothèque. D'autant que le récit est empreint de toute la culture littéraire et musicale de son auteur et nous fait toucher du doigt que lorsque nous sommes seul dans une chambre, l'esprit ne reste pas inoccupé. Tout s'écrit, se lit et se délit dans notre esprit abandonné à son propre rythme intérieur et n'est-ce pas aussi peut-être encore plus cette culture de l'exercice de la pensée qui cicatrise le tout ? Je reste à croire cela une fois le livre refermé : lire, penser, réfléchir, écrire ont des vertus thérapeutiques car elles sont la libre expression de cette voie intérieure qui ne s'éteint jamais et que l'on doit sans cesse aiguiser afin de faire vibrer notre humanité.
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J'ai trouvé ce livre très riche, très dense sur le plan émotionnel, peut-être, pour moi, la sensation la plus forte depuis la lecture de "Million Dollar baby", de F. X. Toole, dont j'avais vu au cinéma l'adaptation de Clint Eastwood : une plongée dans l'enfer de la souffrance.
Loin d' être banale, cette plongée est aussi celle des victimes du Bataclan, du terrorisme en général, de la Grande Guerre, de tous ceux qui ont résisté à la douleur, et parfois, ont su l'apprivoiser. Philippe Lançon est de ceux-là : pas un héros, même pas un surhomme, quelqu'un qui vit sa souffrance au quotidien, qui la raconte sans fausse pudeur, qui survit dans cet îlot protecteur des soignants, un peu en huis-clos, paradoxalement, malgré les visites quotidiennes, la famille, et la multitude d'amis. Un survivant qui a occulté l'actualité brûlante, un peu trop tourné sur lui-même, et dont le compagnonnage avec d'autres êtres de douleur, comme Kafka, comme Proust, comme l'aïeule, elle-même défigurée à la suite d'un accident de voiture, lui servent de remontant à la veille d'endurer une nouvelle séance "au bloc".
"Avec Kafka, le malheur n'est jamais déçu par l'imbécile qui est en nous. Il a sur l'épaule ce diable léger et profond, implacable et souriant, qui vous regarde errer, chuter, et ne vous laisse même pas, surtout pas, la ressource de la complaisance – ou du pathétique. À l'hôpital, Kafka l'humoriste est un compagnon de route."
En lisant ce livre, on en oublierait même l'événement "fondateur", l'attentat de Charlie. Philippe Lançon glisse très vite quand il s'agit de le rappeler ; sa vision est réductrice, mais cruelle : "une paire de jambes noires", celles du tueur, et le corps de Bernard Maris, tout près de lui, le crâne pulvérisé, de quoi hanter ses pires cauchemars.
Et puis, bizarrement, ce livre de Houellebecq, "Soumission", que Philippe Lançon défendait lors de cette dernière conférence de rédaction de Charlie, et que la plupart n'avaient pas lu ... paru le 7 janvier, jour de l'attentat, un livre au thème prémonitoire, puisqu'il évoque la place de l'islam dans nos sociétés , et l'ambiguïté qu'elle génère.
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J'ai trouvé ce livre simplement remarquable. Les mots sont justes. Ce livre fait rire, pleuré et réfléchir. >Bravo et merci Monsieur Lançon.
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Posé dans la bibliothèque depuis longtemps, ce livre patientait. J'avais peur de trouver toutes sortes d'avis sur les musulmans et des amalgames sans fin.
Mais le confinement et le temps devant soi m'ont fait ouvrir ce bouquin sans plus pouvoir le lâcher. Un récit émouvant sans pathos, des personnages bien amenés. Un homme avant, pendant et après avec son courage magnifique et ses faiblesses attachantes. Bravo Mr Lançon. (Mais nous aurions évidemment préféré que tout cela n'arrive pas)
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J'ai mis du temps à me décider de le lire en raison son sujet .
Quel livre , éprouvant , bouleversant magnifiquement écrit.
Philippe Lançon mets des mots sur ses maux , mots écrits et choisis car privé de parole; il témoigne de sa souffrance, son solitude, son chagrin, ses peurs et raconte sa lente et douloureuse reconstruction physique: greffes, opérations, cicatrices, ...sa reconstruction aidée par la Poésie et la Littérature .
Je ne suis pas sortie indemne de ce récit sensible , intime et d'une humanité incroyable.
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Un livre brillant, intelligent, terriblement lucide et humain.
Le parcours de reconstruction de Philippe Lançon, rescapé de l'attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, terriblement défiguré, qui va subir de multiples interventions chirurgicales et greffes.
Je vais être brève car de très belles chroniques ont déjà vu le jour.
Mon avis :
C'est un texte bouleversant sans être larmoyant, puissant et sensible.
Et toujours en écho, un baume, un secours : la littérature et les arts ; les livres lus, les pièces de théâtre qui l'ont marqué, les visites au musée dès qu'il peut marcher un peu et s'évader.
Bien sûr, il faut s'accrocher pour éviter de se perdre dans le labyrinthe des mots, des références qui sollicitent (ou pas) notre mémoire, c'est aussi une lecture exigeante qui requière de la concentration.
J'ai franchi cet obstacle et j'ai pris un grand plaisir de lecture et une belle leçon de vie.
Chapeau Monsieur Lançon !
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Magistral.
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