« J'ai vu tellement de chefs-d'oeuvre que j'étais comme assommé, comme si plus rien ne me touchait tout d'un coup. Et dans la vitrine d'un bric-à-brac, j'ai vu une petite toile. J'ai pensé à mon père qui travaillait en dehors des académies, qui a eu du mal, toute sa vie, à se faire reconnaître. Ensuite, j'ai pensé à moi, à mon écriture, à mon travail, à l'art. »
C'est en sortant du musée du Louvre, que
Robert Lalonde explique qu'il a eu l'idée d'écrire son roman «
Fais ta guerre, fais ta joie ».
« Vous étiez seul, il était seul. Mais il y avait ce brasillement, ce chatoiement, ce diaprement, cette translucidité du ciel. Vous avez pensé, sans comprendre : tous les deux, on a de quoi voir et faire voir, lui avec ses couleurs, moi avec mes mots. »
Pour écrire ce récit, R. Lalonde utilise la 2e personne du pluriel, « vous ». Il s'adresse en fait à lui-même, étant enfant, mais par la même occasion à nous, lecteurs. C'est habile !
L'un écrit une route pour dessiner sa vie, quand l'autre dessine une route pour peindre sa vie…
« L'un », c'est
Robert Lalonde, « l'autre » c'est Gilles, son père.
Robert Lalonde assiste, tout petit, aux créations picturales de son père, qui est peintre…
Son père a honte de son petit boulot de barbouilleur-lettreur pour les commerçants.
Dès qu'il est libre de son temps pour lui, Papa Lalonde s'empresse de peindre des toiles, et de façon passionnelle.
Mais souvent, il est dans le doute, tourmenté, souvent il lutte de manière acharnée devant sa toile, car rien ne va ! La création est douloureuse, elle fait souffrir.
« L'art, c'est de l'alchimie », comme disait Chagall !
Le peintre est dur avec lui-même. C'est un insatisfait permanent !
Gilles appelle son atelier-capharnaüm, son « foutoir de lendemain d'ouragan ». Et dans son grenier s'entasse ce qu'il nomme son « matériel de péché ».
Avant la jubilation et l'allégresse, il y a souffrance, tâtonnements, désespoir, mais jamais abandon, car créer, c'est un besoin irrésistible, une passion et un engouement persistant.
Avant la satisfaction de la création, il y a combat devant la toile, fièvre, acharnement, sueur…
Ainsi, je trouve que le titre de ce livre de R. Lalonde, «
Fais ta guerre, fais ta joie », prend pleinement son sens !
Robert Lalonde multiplie les exemples qui montrent à la fois le découragement qui envahit les créateurs, mais aussi la flamme qui les anime et qui leur procure du plaisir au final.
Des citations et des anecdotes bien choisies viennent ponctuer ce livre, et sont des hommages à
Paul Cézanne, Claude Monet,
Vincent van Gogh, Rodolphe Duguay, Marc-Aurèle Fortin, Jean-Paul Riopelle… mais aussi à Julien Grack,
Léonard Cohen,
Emile Zola,
Jean Giono, …
Robert Lalonde tend de solides et sensibles liens entre création picturale et création littéraire.
En rapprochant la poésie de la peinture, il se questionne sur le travail de création fait par les artistes, que ce soient des grands maîtres comme
Van Gogh et Gauguin ou ses amis peintres, qui lui ouvrent leur atelier et qui le fascinent.
« Je suis un grand visiteur d'ateliers de peintres, à la suite de l'influence de mon père. J'ai été très influencé par ça et je continue de l'être. »
J'ai découvert avec ce livre la belle écriture poétique de
Robert Lalonde.
Il faudrait de nombreux adjectifs pour pouvoir bien définir sa jolie plume : lyrique, enjouée, lumineuse, rythmée, et avec une pointe d'humour, de temps à autre… Avec ses mots, il arrive à tout magnifier !
Mais l'écriture, n'est-ce pas là une des façons les plus phénoménales de peindre ?
Ce livre est un grand hymne à la Création !
« L'art, comme l'amour, prend du temps. » - « L'art est acte de foi. »