Ce que je suis aujourd’hui quand je marche sous le soleil me semble si fluctuant qu’il me tarde d’en savoir davantage au sujet de ce qui m’a influencé à l’état fœtal. Si j’accédais à une conscience de cette pré-vie, je sais que mon assise ici-bas serait plus solide.
Le silence peut tuer. J’en reste convaincu. Heureusement, nous entendons. C’est un principe de réalité qui s’impose et qui nous sauve. Nous entendons les voix des autres et, même s’il est à sens unique, même s’il est tragiquement intransitif, le dialogue a lieu. Nous survivons au silence par la recherche éperdue des voix, par le lien ténu, indigent, que le hasard ou l’entêtement ont tendu entre nous.
Quand je vois Roshan, elle refuse de me parler. Je suis juif. La situation n’aide pas, évidemment. Or la politique ne suffit pas à expliquer son silence. Je suis un homme et Roshan est seule face aux hommes. Deux hommes déjà ont décidé de sa vie à sa place : l’amant d’un soir (certainement) et le père qui l’a amenée ici. Elle ne me le dit pas, mais je sais qu’elle me hait parce que je suis un homme.
Il m’a assuré que ses crises ne s’étaient pas manifestées depuis des semaines, qu’il ne souffrait plus d’insomnies et que la réduction des doses de neuroleptiques lui permettait enfin de voir le monde comme si un ongle en avait ôté la crasse qui le recouvrait.