Citations sur La nuit est mon jour préféré (34)
Il y a beaucoup de points communs entre l'eau et l'espace. L'infini. L'absence de pesanteur. Le noir. La musique du silence. La peur. La désorientation. L'abolition du temps. L'étrange. Le vertige. L'oubli de la faim. Le mépris du monde. La présence pénétrante de l'être aimé, auquel on ne peut que penser quand on se retrouve seul. La certitude qu'il est là, en train de flotter à nos côtés. L'impression que cette absence de couleur devient la teinte de son corps et de son esprit qui se répandent dans la conscience alors béante comme un puits.
L'angoisse me définit (terreurs nocturnes, hébéphrénie, agoraphobie). J'ai passé mon enfance en analyse et étant, comme il se doit, tombé amoureux de ma psy, j'ai décrété à l'acmé du transfert que j'exercerai un jour sa profession.
Il y a plein de raisons à cela. La première est que chacun est centré sur son nombril, sur ses petites préoccupations intimes, au point qu’il ne reste plus de place pour personne. Et il y a d’autres raisons : la fatigue que génère l’empathie, la peur de rencontrer son voisin, le dégoût de la différence, le renoncement au voyage.
Car on sait sans savoir. Il est parfois inutile de parler. L'accès à la conscience d'une vérité, quand elle se fait par la parole, peut avoir ce goût amer que le silence contribuait à adoucir. A quoi bon dire l'amer? P.102
Quand je vois Roshan, elle refuse de me parler. Je suis juif. La situation n'aide pas. Or la politique ne suffit pas é expliquer son silence. Je suis un homme et Roshan est seule face aux hommes. Deux hommes déjà ont décidé de sa vie à sa place: l'amant d'un soir (certainement) et le père qui l'a amenée ici. Elle ne me le dit pas, mais je sais qu'elle me hait parce que je suis un homme.
On est sculpté par les autres, par leurs mots, et eux le sont par ceux qu'on leur donne. Sans le langage ou la musique, on est glacé. On a froid. On est froid. Il faut écrire des soleils. Jouer des soleils.
Je suis comme ces adolescents sur la plage, le vendredi soir, alors que le soleil décline. Leurs jambes ressemblent à des bâtonnets de glace qui sortent de leurs shorts en jean, faute de maillots de bain. Sur la plage, ils prennent des selfies, s’allongent sur des transats, la clope au bec, mais l’œil toujours aux aguets. Ils absorbent tout : l’horizon bleu, les touristes rougeauds, les locaux aux abdos luisants, les filles en maillot, les gratte-ciels qui rappellent l’Amérique.
Il y a beaucoup de points communs entre l’eau et l’espace. L’infini. L’absence de pesanteur. Le noir. La musique du silence. La peur. La désorientation. L’abolition du temps. L’étrange. Le vertige. L’oubli de la faim. Le mépris du monde. La présence pénétrante de l’être aimé, auquel on ne peut que penser quand on se retrouve seul. La certitude qu’il est là, en train de flotter à nos côtés.
La charmante Siri m’a donc annoncé qu’elle mettait un terme à notre relation le soir où elle a reçu le premier prix d’architecture pour le projet d’une nouvelle médiathèque à construire dans le quartier de Neve Tzedek à Tel-Aviv – Je ne vais pas pouvoir continuer avec toi, Tom. Ne m’en veux pas. Il me faut du calme, de la concentration. Et ton métier me retire la possibilité de cette sérénité. Avec tes malades, les histoires qu’ils trimbalent, tout est toujours tendu.
Qu’est-ce que le fœtus perçoit du monde extérieur ? Que ressent-il quand, dès six mois, il entend toutes les voix du dehors ? Du monde aquatique où il évolue, reconnaît-il les rumeurs de la ville, les rires dans la maison, les bruits du bus où sa mère est montée ? Entend-il distinctement toutes les notes de la Petite musique de nuit de Mozart, les beats lancinants du dernier single techno que son grand frère passe en boucle ? L’abondante littérature publiée sur le sujet répond oui à toutes ces questions.