Grâce à Masse Critique qui m'a permis de lire ce bouquin, j'ai découvert plusieurs choses d'un seul coup. Tout d'abord, la littérature norvégienne. Je crois que c'était la première fois que je lisais un auteur norvégien, Are Kalvo en l'occurrence. J'ai donc également appris pas mal de détails sur la culture de ce pays. Enfin, j'ai découvert un type qui se fait ch… à peu près autant que moi en dehors des villes. Ce n'était pas le premier, mais avec un tel humour pour le dire, c'était inédit.
C'est ainsi, il y a des gens, davantage qu'on croit, qui vont se promener dans la nature, qui peuvent trouver ça beau, qui font des photos, qui ne vivraient toutefois pour rien au monde loin d'une ville. Je suis de ceux-là, l'auteur de ce livre aussi.
Dans ce bouquin, il tourne en dérision la pratique de l'outdoor, la randonnée dans la montagne avec ou sans ski, qui est apparemment une activité très ancrée dans la culture norvégienne. Lui préfère nettement passer un week-end avec des copains plutôt que le consacrer pousser sur des bâtons de ski pendant des heures. Pourtant, après que la nature lui ait pris bien des amis qui ne daignent plus venir partager avec lui de bons moments, il s'est intéressé à la question. Il a enquêté, interrogé, appris certaines choses, et il a décidé de tenter lui aussi l'aventure, pour vérifier si c'est vrai tout ce qu'on dit, que dans la nature on oublie tout le reste, qu'on est heureux et détendu, que ni le stress ni les soucis n'ont de prise sur nous. Car « elle a la peau dure, cette idée que, dans la nature, nous sommes tels qu'en nous-même et tels que nous souhaitons ».
Voici donc notre auteur qui achète le matériel nécessaire (à prix d'or), décide d'un parcours et s'élance dans la montagne…
Bien sûr, il déchante rapidement. Pour commencer, il réalise très vite que les randonneurs sont des menteurs. Quand ils vous disent que tel refuge est juste un peu plus loin, c'est qu'il reste cinq kilomètres minimum. S'ils prétendent que tout va bien, c'est qu'il fait moins vingt degrés. S'ils déconseillent un endroit parce qu'il est trop fréquenté, c'est qu'il n'y a pas un chat. Si un parcours est annoncé comme un peu vallonné, c'est que c'est une montée très raide.
Je n'entrerai pas ici dans les détails des épreuves, des relations avec les autres randonneurs, de la vie dans les refuges, etc. Tout est décrit avec un humour très corrosif, ces explications offrant quelques pages très drôles.
Et surtout, le récit est entrecoupé d'intéressantes réflexions sur la mentalité des gens qui pratiquent l'outdoor (« On idéalise plus facilement la vie de paysan quand on n'a pas besoin de l'être. »), sur notre société moderne (« Se pourrait-il donc que la nature occupe aujourd'hui la place qu'occupait autrefois la religion ? ») et diverses remarques du même genre. Car ce livre n'est pas seulement le démontage d'un engouement exagéré pour des activités que nos ancêtres considéraient comme du travail aliénant, il est aussi une critique de notre monde, qui passe à côté de ce qui est essentiel, en substituant des valeurs bidons aux réels besoins de notre époque.
« Internet est bourré de touristes qui conseillent à d'autres touristes des endroits où ils peuvent éviter les touristes. »
Même s'il est vrai les descriptions de certaines péripéties sont parfois un peu longuettes, ce bouquin est à ne pas prendre au premier degré, et à méditer.
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Are Kalvø humoriste norvégien, fait le constat que plus de 80% de ses concitoyens ont fait ou feront une randonnée en pleine nature dans l'année. Il le dit lui-même, la nature lui a pris ses amis. Non pas qu'ils aient péri en montagne, simplement ils se sont convertis à la grande religion de l'outdoor. Quel attrait tous trouvent-ils à cette pratique, qui lui paraît barbare ? Est-ce que ce ne serait pas lui qui, finalement serait dans l'erreur, est-ce qu'il passe à côté de quelque chose ? Il programme alors une randonnée en forme d'expérience sociologique, et se frotte à cette réalité parallèle bien mystérieuse. 🥾
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Si vous êtes des puristes du récit de voyage, et de la randonnée, passez votre chemin, planifiez plutôt votre prochaine excursion. Car ici, tous les marcheurs, chevronnés comme débutants, en prennent pour leur grade. Are Kalvø manie l'art de la punchline avec brio, et il y va fort sur la moquerie et l'autodérision. Il nous met en face de certaines pratiques qui sont certes ancrées dans nos habitudes, mais les démonte en montrant qu'elles ne sont basées sur rien de logique. Derrière toute cette façade d'humour, c'est tout un système de valeurs qui est interrogé, déconstruisant des préjugés, dans un sens comme dans l'autre. Chez les habitués de la randonnée, on note une recherche de la performance qui amène, souvent, à l'exclusion des débutants. Et chez ceux qui découvrent cet univers, il y a une désinvolture qui peut jouer bien des tours. Et si, finalement, chacun tentait de profiter, simplement, sans se comparer aux autres ? 🏔
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Rire autant en lisant de la littérature de voyage, je ne pensais pas que c'était possible. C'est décalé, mais c'est intelligent, c'est caustique mais bon enfant quand même... Bref, c'était un régal ! J'ai éclaté de rire un bon nombre de fois, gagnant quelques regards étonnés, mais j'ai adoré !
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Né dans une zone de montagne en Norvège, l'auteur n'a cependant jamais été très attiré ni par la randonnée ni par les sports outdoor. Au fil des ans, constatant un engouement de plus en plus fort pour ce type d'activités, et voyant surtout la plupart de ses amis céder aux sirènes de la montagne, il décide de s'attaquer frontalement au problème en partant lui-même en randonnée avec une amie. Deux fois.
Le récit de ces randonnées est ponctué d'anecdotes, parfois drôles, voire très drôles, et de multiples digressions qui sont, elles, souvent ennuyeuses.
L'ensemble est plaisant à lire quoiqu'un peu long, et peu original car il existe un certain nombre de récits de ce type. Ils sont cependant toujours rigolos à lire, et cela permet aussi de prendre de la distance lorsqu'on se prend au sérieux, notamment dans le domaine du sport.
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La réception est tenue par une jeune femme qui semble avoir pour but dans la vie de s'exprimer en phrases d'un seul mot. (...)
- "Membre ?
- Oui" ( je pars du principe qu'elle me demande si je suis membre de DNT et pas de la fédération d'ornithologie, par exemple).
- "Quatre ?
- Oui" ( Je pense que je réponds à la question de savoir combien nous sommes, mais je n'ai pas de certitude.)
(...)
- "Petits-déjeuners?
- Oui, s'il vous plaît".
- "Casse-croûte?
- Hein?" (C'est la mauvaise réponse, j'en suis conscient.)
- Casse-croûte?
- Euh ... maintenant ?
- Non, demain." ( Ici, elle fait une exception et emploie deux mots en levant les yeux au ciel par souci de clarté. J'apprécie.)
- "Euh ... oui, s'il vous plaît.
- Combien de tranches ?" ( Elle commence à être carrément bavarde.)
Mots et expressions utiles en montagne.
Bien : froid.
Chouette : froid.
Beau : froid.
Vraiment chouette : froid.
Charmant : exigu.
Sentiment de maîtrise : terminer enfin quelque chose dont on en a marre depuis longtemps.
Court : long.
Pas loin : loin.
A deux pas : à cinq kilomètres.
Descente : montée.
Pas raide : raide.
Méditatif : ennuyeux.
Aérien : montée à pic et mortellement dangereuse.
Pour que la randonnée puisse commencer, il faut donc beaucoup de déballage et de remballage. Encore. (...) Au cours de ces quarante-huit heures, j'ai dormi un total de sept heures, et c'est la sixième fois que je refais mon sac.