Mes collègues débattent du prix du Starbucks d'un pays à l'autre, comparent les vols vers la Rép Do, la cellulite sur leurs cuisses, disent / "Heureusement que c'est un mois de trente jours!" passent leur temps à écrire des listes de choses à acheter, consulter ces blogs où des housewises sous amphet détaillent de long en large comment doper une vinaigrette ou booster ses abdos au boulot. Toutes ces choses faites pour accaparer l'es prot des femmes, les épuiser et les maintenir dans la vulgarité. p. 54
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Moi qui m'étais réjouie de ne plus avoir de patron, je suis terrifiée à l'idée de devoir prendre à nouveau l'un de ces boulots où je ne tiens jamais plus de six mois, victime d'une overdose de normalité. Ces routines dans lesquelles je m'embusque telle une espionne, incapable de faire bonne figure, refusant de retenir les détails du job par peur que ces derniers n'accaparent mon esprit, peur d'en rêver la nuit, viellant à commettre de multiples petites erreurs et paresses, terrorisée à l'idée d'avoir le profil de l'emploi, sans jamais pourtant déroger à la première règle de survie en milieu salarié: affirmé un maximum de conneries avec une assurance inébranlable, au point de ne plus parvenir à distinguer le vrai du faux. Je refuse d'être de ces virtuoses du pipeau qui s'adonnent pleinement à lécher les culs, se tirent dans les pattes pour être dans les petits papiers du chef et atteindre les objectifs, boostent le chiffre d'affaire comme s'il en allait de leur poche, leur identité entièrement confondue avec celle de l'entreprise qui les exploite, et misent tout sur la grande roue hiérarchique qui leur permettra à leur tour de maltraiter leurs subordonnés.
Je n'apporterai pas ma pierre à l'édifice du grand bourbier mégalopoliste. Quand je vois la palette de dépendances physiques et affectives communément approuvées et encouragées par notre société, tous ces cons qui ne peuvent rien faire l'un sans l'autre, sans leurs doses de sucre, de médocs, de catastrophes, de streaming, sans la perspective combien réconfortante de s'acheter davantage de meubles en contreplaqué et de vêtement en acrylique, leur vie programmée comme une éternelle mise à jour de logiciel, je choisis de me ranger du côté de ceux qui visitent leurs mondes intérieurs, aussi déglingués soient-ils, plutôt que de se payer des cours de plongée en Argentine. p 170-171.
Nous avons besoin de nous écorcher le cul aux ressorts déglingués des canapés du Klo Bar et de jouer à la roulette russe chimique en mélangeant toutes les drogues possibles et imaginables. Chaque ligne pour creuser l'écart avec nos parents. Dire merde à l'efficacité. Nous n'avons pas d'une carrière, de nous sentier utiles. Refus d'être une force de travail et de consommation. Joindre les deux bouts plutôt que gagner sa vie. p 17
Danser, c'est aimer au hasard, sans cible précise. Pelotée par les ondes musicales, les bras tendus au dessus de la tête, mes mains battent l'air, mes poignets pivotent pour attraper et redistribuer les notes, retombent devant ma poitrine pour tirer les cartes d'un tarot invisible. p. 14
Ce matin, des mômes de tous âges surgissent par delà les grilles de leurs jardinets respectifs. En route pour l'école, ils triturent déjà tablettes et smartphones afin de développer l'intelligence-sodoku qui prévaut aujourd'hui, encouragés par des parents qui pondant à tout va sans s'être eux-mêmes donné naissance, avec pour seule échappatoire le report de leurs frustrations sur leurs progéniture. p. 24
Maud ne comprend pas que sa manière de se montrer forte et insatiable la rend impardonnable aux yeux des autres, qu'ils attendent d'elle bien plus de force que ce dont elle est réellement capable.