En 2004, le premier numéro d'une revue littéraire devenue largement mythique.
Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/01/17/note-de-lecture-inculte-1-revue/
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D’emblée, le projet vollmannien pose divers jalons capitaux. Le premier, et le plus important, le plus audacieux aussi, est fixé par la question liminaire située au seuil de cette œuvre monumentale : Quand la violence est-elle justifiée ? La question de la justification est l’horizon de la somme qu’a rédigée Vollmann. Il est fort possible, effectivement, que l’esprit humain ait jusqu’ici fait l’économie d’une critique encyclopédique de la justification. Or, historiquement, la justification est souvent une parole qui vient recouvrir un acte, un récit servant à laver un crime, une écriture visant à structurer une série d’actions. Justifier n’est bien souvent qu’excuser, et ce en recourant à l’extrapolation. « Si nous n’avions pas tué notre ennemi, c’est lui qui nous aurait tués. » Certes, la justification peut intervenir avant l’acte, sous forme légale ou déclamatoire – on est alors dans le registre du diktat ou de la menace. « Nous allons tuer demain nos ennemis avant qu’ils ne nous tuent après-demain. » Etc. On le voit bien, il s’agit dans les deux cas de justification de fortune, destinées à se préserver des foudres du jugement historique et/ou politique.
Il existerait, selon Vollmann, un autre plan de justification, non pas imminent, mais fruit d’une réflexion historique. Voilà pourquoi, au terme de ses très nombreuses études de cas, l’auteur tente de dégager ce qu’il appelle des « calculs moraux ». Ces règles, Vollmann les voudrait utiles. Non qu’il ait la naïveté de penser qu’un individu puisse infléchir la courbe de son mouvement insurrectionnel en fonction de ces abscisses et ordonnées, mais il lui semble dangereux de faire l’économie d’une « leçon ». Justifier ses actes, philosophiquement, signifie moins les expliquer à autrui que les fonder en soi. Si recourir à la violence est inévitable dans certaines conditions, alors je dois m’assurer du bien-fondé du but que je me fixe en recourant à ladite violence. Ce « bien-fondé », comment le déterminer, même dans l’urgence, si je pratique l’amnésie et/ou l’hypocrisie historique. D’où l’importance cruciale d’examiner en profondeur toutes les justifications données par les innombrables acteurs de la violence humaine. (Claro)
Mais tout d’abord, pour ne pas perdre inutilement le lecteur dans le labyrinthe d’un essai qui chercherait à se faire passer pour une Shaggå, laissons Erdogan Mayayo développer un foyer imprécatoire sur le pouvoir des novelles : « Lire un recueil d’entrevoûtes renforce la certitude post-exotique qu’on est « entre soi », loin des dogues loquaces, des propagandistes et des amuseurs millionnaires. Le champ littéraire de l’entrevoûte ouvre sur l’infini : il devient une destination de voyage, un havre pour le narrateur, une terre d’exil pour le lecteur, l’exil tranquille, hors d’atteinte de l’ennemi, comme à jamais hors d’atteinte de l’ennemi. » (Jacques Barbéri)
Vous changez également un autre paramètre omniprésent dans votre œuvre : le futur fait place au présent.
J’ai effectivement voulu bouleverser un tant soit peu ma façon d’écrire en affichant clairement la contemporanéité des faits qui ont lieu. Cela fait plusieurs livres que je me rapproche imperceptiblement du temps présent et je suis quasiment certain qu’après Identification des schémas, je ne pourrai pas revenir à une fiction futuriste. Car, soyons bien clair, tout ce qui se déroule dans ce texte est absolument contemporain. Le problème est que la plupart des lecteurs ne se sont pas encore rendu compte des évolutions technologiques véritablement effectives. Comme s’il fallait près de dix ans aux gens pour intégrer l’existence d’une nouveauté dans leur vie quotidienne. Je pense même être en deçà de la réalité contemporaine, et dans les faits, et dans les concepts et les nouveautés que je présente. (William Gibson)
Cette conscience aiguë des carnages de l’Histoire, et surtout de la responsabilité du peuple allemand dans le plus démentiel d’entre eux, place la totalité des œuvres de Sebald du côté de ceux qui en sont les martyrs. Il se tisse d’ailleurs entre tous ses personnages un lien de solidarité inhérent à leur condition, condition face à laquelle le narrateur s’incline toujours, se confinant au simple rôle de porte-voix, de rapporteur de discours. (Oliver Rohe)