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EAN : 9782207134863
128 pages
Denoël (02/02/2017)
2.75/5   12 notes
Résumé :
Quand José perd son travail, le fragile équilibre de son existence se brise en mille morceaux. Guillermo, son voisin, homme charismatique à qui tout réussit, lui propose un jour de passer chez lui afin de faire plus ample connaissance. Les deux hommes sympathisent et boivent du bon vin en écoutant du jazz. Mais ce qui avait commencé comme une soirée tout à fait amicale tourne au bain de sang : lorsque José entend Petite Fleur, standard de Sidney Bechet, il est pris ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Bonjour, je me présente, José. Votre nouveau voisin.
Viens l'ami, moi c'est Guillermo. Rentre, n'hésite pas, j'allais déboucher un bon vin. A deux, c'est bien meilleur. Sens-moi ce bouquet. Que d'arômes dans un verre !
Assieds-toi, fais pas ton timide. Tu aimes le jazz ?

Je bredouille un truc, je ne sais plus quoi. D'ailleurs je ne sais même plus pourquoi je suis venu. Certainement pas pour boire un verre, bien que les circonstances en cette fin d'après-midi, chaude et poussiéreuse, s'y prêtent bien. La petite dort, je peux m'octroyer quelques minutes, entre vin et jazz, et oublier que je suis un pauvre type qui a perdu son emploi après la fermeture de l'usine et s'est reconverti par nécessité en père au foyer.

Avec cet air jovial, le sourire constant, je le hais déjà, ce voisin aussi charmant qu'un danseur de tango argentin. Il me sort toute sa collection de disques, de femmes, de vins. Son truc à lui, ce sont les petits vins de la pampa ou de Loire, les plus beaux sourires, brunes de la pampa aux jambes couleur caramel - ou café, les disques de jazz. Et notamment, toutes les reprises du célèbre morceau de Sidney Bechet, Petite Fleur.

Hey ! Je me souviens, j'étais venu lui emprunter une pelle, ma nouvelle passion, le jardinage. Et je ne sais pas pourquoi, au moment où Petite Fleur roucoule sa mélancolie sur le tourne-disque, je suis pris d'un accès de folie meurtrière. Bam ! Coup de pelle dans la gueule du Guillermo. Ouch ! En voilà un qui ne s'en remettra pas. Tout est bien qui finit bien. Je finis mon verre et retourne me coucher auprès de Laura, ma femme. Nuit de sueurs entre les draps qui s'évaporent de désir.

Voilà, mon histoire pourrait se terminer là, sur ce trou que je creuse dans mon jardin pour y mettre le corps. J'aurais pu sortir une Quilmes du frigo, écouter le bandonéon de Dino Saluzzi, sortir un roman de Borges, Kafka ou Dostoïevski. Oui, je vais faire ça, en m'installant dans le hamac du jardin... Et c'est là que je remarque qu'il y a de la lumière chez le voisin et que du balcon, Guillermo me propose de boire un verre, comme si de rien n'était. Je devrais lui ramener sa pelle ? de par la fenêtre, j'entends même cette petite voix venue me susurrer ces mots...

J'ai caché
Mieux que partout ailleurs
Au jardin de mon coeur
Une petite fleur
Cette fleur
Plus jolie qu'un bouquet
Elle garde en secret
Tous mes rêves ...

Une petite fleur
Jamais ne meurt
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Le plus dur, c'est d'entrer dans ce roman, les dix quinze premières pages peuvent rebuter. Ensuite, il faut se faire au rythme sans trêve possible. le texte est dense, sans pause facile, ce qui peut faire reculer un lecteur avec mes habitudes de souvent poser et souvent reprendre un livre. C'est un peu comme quand j'allais courir -ça m'a passé depuis, je rassure mes fidèles lecteurs, j'ai abandonné le sport, ou peut-être bien que c'est lui qui m'a lâché- avec un copain qui ne s'arrêtait jamais alors que moi je voulais m'arrêter souvent... Pour faire le fiérot, je le suivais, mais j'arrivais essoufflé et crevé. Heureusement, le livre est court, à peine 120 pages, ça ressemble plus à un 100 mètres qu'à un marathon.

Une fois que ces deux petits écueils sont notés et passés, on peut se laisser porter par cette histoire étrange et originale, assez loin de ce qu'on lit habituellement. Iosi Havilio est fort, maître de son roman de bout en bout, abordant beaucoup de thèmes en peu de pages. En le lisant, il faut accepter d'entrer dans son monde magique, réaliste, cruel et humaniste, ironique (selon tous les adjectifs que je pique à la quatrième de couverture, mais elle est tellement dans le vrai que je ne peux que m'en servir). Les digressions de José sont assez nombreuses sur la littérature et la langue russes, sur le jazz, sur son entrée dans l'âge adulte et sa découverte de l'amour et de la sexualité, sur les sectes et les divers gourous qui prennent le pouvoir sur les esprits et les actes de personnes en difficultés dans leurs vies, sur la vie en général, la mort, la paternité, la maternité, la vie de couple... Tout cela est bien vu, pas toujours très fouillé, mais en 120 pages, difficile de faire une enquête sociologique sur chaque sujet. Non, ce qui est intéressant, c'est que José se pose les questions que l'on se pose tous à un moment de sa vie et pour lesquelles il n'y a pas de réponses toutes faites, chacun devant trouver les siennes.

Petite fleur est un roman très bien fait qui m'a agréablement surpris -et j'adore être surpris par un livre- après un démarrage en demi-teinte. En plus, il incite à réécouter la Petite fleur de Sidney Bechet, et tout le reste du jazzman. Il débute ainsi :

"Cette histoire a commencé quand j'étais quelqu'un d'autre, un lundi. Comme chaque matin depuis notre emménagement ici, j'ai enfourché mon vélo et je me suis mis à pédaler. A la sortie du tunnel, le visage battu par le vent puissant du viaduc, j'ai imaginé qu'Antonia ne grandirait jamais."
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Une étape argentine de mon « tour du monde », avec la découverte de cet auteur.
« Petite fleur (jamais ne meurt) », celle-là même de Sydney Bechet, évoquée sur la quatrième de couverture, laissait penser que ce roman traiterait plus de musique. Et bien non.
C'est un court roman, sans chapitre pour le découper ; la période racontée par le narrateur s'étale sur plusieurs mois, mais semble vécue d'un trait, avec pourtant des rendez-vous réguliers qui rythment sa vie.
Une part de fantastique fait rapidement son entrée, donnant son relief à cet ouvrage. Quelques références littéraires et musicales bienvenues, qui donnent une jolie coloration.
L'absence de chapitre (un peu de confusion parfois), le rythme de la narration (un récit quasiment sans dialogue), contribuent à faire monter la tension. La fin se précipite, après une partie qui se traîne… Elle est attendue, presque sans surprise, et n'est pas non plus totalement une fin.
Une découverte intéressante.
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A la suite de l'incendie de l'entreprise où travaille José, celui-ci perd son travail. du coup, pour faire face aux dépenses du foyer, sa femme, Laura reprend son travail. José devient donc du jour au lendemain "père au foyer". A lui les corvées et la garde de leur petite fille Antonia. Un soir, il va chercher une pelle chez son voisin Guillermo. Celui-ci l'invite à entrer. Ils écoutent de la musique une bonne partie de la soirée jusqu'à ce que "Petite fleur" passe et là c'est le drame ! José est pris d'une envie irrésistible de tuer son voisin... le lendemain, il croit rêver lorsque sa femme lui dit qu'elle vient de croiser leur voisin et qu'il lui passe le bonjour...
Après cela, chaque jeudi, José se rend chez Guillermo et répète inlassablement le même scénario...

Cette lecture est mystique, une première fois pour moi de lire un tel livre. Un livre qui reste très atypique par rapport à plusieurs aspects. En effet, la construction du livre est épatante, il n'y a aucun chapitre (oui, oui, vous avez bien entendu !). Tout se lit d'une traite sans que l'on s'en rende compte. Je pense que le format y est aussi pour quelque chose (119 pages, un livre très court). D'autre part, il y a également les dialogues qui sont apparents uniquement par le style de l'écriture qui est mis en Italique. Ici, point de dialogue avec des tirets pour les introduire. le style de l'auteur qui tend vers le dramatique choquant est vraiment fluide et agréable à lire.

Cet ouvrage et la manière dont il est écrit est un vrai OLNI (Objet Littéraire Non Identifié). Un livre qu'on ne lit pas tous les jours mais dont on prend plaisir à lire. Une littérature noire pure ! Ce fut pour moi une réelle belle découverte qui a su me surprendre. Je pense que l'atypique vient aussi de la nationalité de notre auteur qui est autre qu'argentin.
Lien : http://livresaddictblog.blog..
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Petit roman qui se lit très vite et qui est surprenant: sur la chanson de Sidney Bechet, Petite Fleur, se déroule une histoire qui surfe sur le reel et l'irreel: José assassine plusieurs fois son voisin qui renaît de ses cendres à chaque fois jusqu'au jour où......J'ai bien aimé!
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
On buvait du vin, un apéritif, du whisky, on grignotait, avec du jazz en fond sonore. La conversation était sans importance. Je restais assis dans le fauteuil et Guillermo déambulait dans la maison, infatigable. II répétait que j'avais besoin d'une éducation musicale : Tu as des lacunes énormes. Alors il commençait, sans véritable méthode, à mettre des disques et à passer les styles en revue. Jusqu'au moment où, quand nous étions assez saouls, parfois moi plus que lui, parfois l'inverse, je disais : Il est tard ! Guillermo me demandait de rester encore un peu, il mettait une nouvelle version de son morceau préféré. Ces notes devenues familières annonçaient l'acmé, le moment précis de passer à l'action. Un soir, j'ai anticipé le déroulement de la scène et je lui ai demandé comment s'appelait ce morceau qu'il finissait toujours par mettre. Il m'a expliqué qu'il s'agissait de Petite Fleur, un classique des années cinquante composé par Sidney Bechet, le plus illustre vibrato de l'histoire du jazz. Un type du niveau de Louis Armstrong mais qui n'avait pas eu sa chance. Trop noir pour les Blancs, trop blanc pour les Noirs, tel était son karma.
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Ce soir-là, j'ai relu les dix premiers chapitres d'une traite, rendu au délire de la fièvre russe de mon adolescence. Outre Tolstoï, auquel je vouais une dévotion obsessionnelle (au-dessus de mon lit, j'avais punaisé une photo de sa tombe dans la forêt, un talisman pour la nuit), je dévorais aussi Dostoïevski (je comptais quatre traductions de Crime et Chatiment dans ma bibliothèque), Tchekhov (Trigorine le poète était mon alter ego), La Mère de Gorki, les contes étranges de Tourgueniev et le grand Maïakovski. Mon héros, ma faiblesse. J'idolâtrais ce personnage robuste, austère et romantique, et souvent je récitais par cœur ses vers : Écoutez! / Si les étoiles s'allument, / c'est que quelqu'un en a besoin ? / Ya-t-il quelqu'un pour vouloir / que la nuit au-dessus des toits s'allume / ne serait-ce qu'une étoile ?
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Laura était de très bonne humeur, elle se faisait les ongles de pieds, assise au bord du lit. Elle a voulu me raconter son film, l'histoire de deux Coréennes qui tombent amoureuses du même homme et décident de le partager sans qu'il s'aperçoive de rien. Elle m'a décrit une scène de sexe en plein air dans une espèce de jardin botanique avec des étangs, des ponts et des cerisiers en fleur qui m'a instantanément excité. Je ne l'ai pas laissée terminer, je l'ai embrassée, on s'est déshabillés et on a fait l'amour, tantôt avec tendresse, tantôt avec furie.
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Cette histoire a commencé quand j'étais quelqu'un d'autre, un lundi. Comme chaque matin depuis notre emménagement ici, j'ai enfourché mon vélo et je me suis mis à pédaler. A la sortie du tunnel, le visage battu par le vent puissant du viaduc, j'ai imaginé qu'Antonia ne grandirait jamais.
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Quand la vie / Par moments me trahit / Tu restes mon bonheur / Petite fleur… Toujours, quand cette chanson passait, Guillermo baissait la lumière et se mettait à danser, m’invitant à l’imiter : Allez, fais pas ton timide ! À partir de cet instant, la suite était entre mes mains, je devais agir avant que le morceau se termine ; c’était la consigne tacite, la seule règle du jeu. Un jeu à demi conscient qui provoquait un double duel en moi : mes pensées et mes actes, mes actes et les circonstances. Je m’étais promis de ne rien planifier, de ne jamais utiliser deux fois le même mode opératoire, l’essentiel étant que le coup soit précis et mortel.
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