🦋 “Quand j'étais dans le trou ils me disaient ne te laisse pas aller voyons sors la tête de l'eau reste avec nous il faut vivre la vie est belle mais vous croyez que c'est facile vous et bien sûr que je voulais la sortir de l'eau ma tête bien sûr que je voulais vivre mais allez donc vivre quand vous êtes dans un trou quand vous y êtes quand vous n'arrivez pas à revenir parce que dans le trou personne ne sait ça n'existe pas la vie dans le trou c'est nulle part et pourtant on est là dites-moi comment faire aidez-moi peut-être en m'appelant je pourrais m'orienter avec votre voix et avancer vers vous” (p.25)
🦋 Au début, c'est l'histoire d'une femme qui rentre chez elle après s'être fait renverser par une voiture. Au téléphone avec sa mère, elle rassure, elle est vivante, vi-vante. Seule dans sa chambre, elle raconte son accident,la sensation de la mort, les couleurs, le choc, les cendres, c'est étrange, et le vide. le vide. le vide en dedans et en dehors, le vide autour, le vide partout. Il y a la parole, le discours, les mots ; tout se réduit, tout meurt et renaît, tout lui échappe. L'instant. Elle n'est plus vraiment une femme, ni un homme, c'est une voix qui parle et qui veut saisir l'instant, qui frôle les lisières intérieures, l'essence, l'essentiel.
🦋 Papillon noir. le paradoxe de toucher du doigt l'instant qui déjà n'est plus. Il faut le nommer, la parole sert à cela, à identifier les choses et les rendre tangibles, concrètes, et pourtant, tout s'échappe, tout s'efface. Les mots ne suffisent plus alors, leur cadence ralentit, il faut prendre le temps peut-être, mais qu'est-ce que le temps ? Tout s'échappe.
🦋 Dans Papillon Noir,
Yannick Haenel propose un texte d'une rare justesse, dont la dramaturgie va crescendo. Construit en trois parties très distinctes mais dont la fluidité est évidente, il désintègre tout ce que l'on sait : il n'y a plus de sexe, plus de temps, plus d'espace, il n'y a qu'une voix qui vit et meurt à chaque instant.