Quel bonheur, que de savoir lire !
Le travail de l'esprit, pendant l'enfance, creuse dans l'âme des plaies si profondes que, parfois, elles ne peuvent plus se fermer.
La forêt faisait naître en moi un sentiment de confort et de paix intérieure. Toutes mes amertumes s'y dissipaient. J'oubliais les choses désagréables et en même temps, une acuité de perception spéciale se développait en moi. L'ouïe et la vue s'aiguisaient, la mémoire devenait plus subtile et le réceptacle de mes impressions plus profond.
- [...] L'homme, c'est comme un rouble, bien placé il en vaut trois.
- [...] Les femmes vivent de caresses, comme les champignons d'humidité.
- L'argent, ce n'est pas comme les gens, il n'y en a jamais de trop.
- [...] Les gens s'usent et meurent, c'est naturel, mais nulle part ils ne s'épuisent avec la même rapidité terrifiante, ni aussi stupidement que chez nous, en Russie.
Qui suis-je ? Un être humain. Et l'autre, qui est-il ? Un être humain aussi. Alors quoi ? Dieu exigerait-il de lui ou de moi un impôt différent ? Non, nous sommes tous égaux devant Dieu... Il faut que nous soyons égaux dans la vie.
L'argent, ce n'est pas comme les gens, il n'y en a jamais de trop.
Je ne buvais pas d'alcool, je ne courais pas les filles ; ces deux moyens d'enivrer l'âme étaient pour moi remplacés par les livres, et plus je lisais, plus il me devenait difficile de mener une existence inutile et vide, comme celle de la plupart des gens. Je venais d'avoir quinze ans et demi, mais parfois je me sentais homme mûr. Au moral je m'étais gonflé et alourdi de tout ce que j'avais vu ou lu, et de toutes mes réflexions. En regardant en moi, je trouvais le réceptacle de mes impressions pareil à un sombre réduit où sont entassées en désordre toutes sortes de choses. Je n'avais ni la force ni la science nécessaire pour m'y reconnaître.
Et malgré leur abondance, mes bagages n'étaient pas bien assis, ils vacillaient et me faisaient chanceler, comme l'eau ébranle un bassin posé de travers sur une table.