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À la faveur d'un été près de Manosque, je découvre dans la maison de vacances, ici, quelques livres de Jean Giono, la propriétaire du lieu en est une grande lectrice, l'occasion de poursuivre mon chemin dans l'univers flamboyant de cet écrivain. L'un d'eux, que je ne connais pas, me tend la main, Solitude de la pitié. C'est un recueil de vingt nouvelles de tailles inégales, certaines ne dépassant pas deux pages et la plus importante, vingt-neuf pages, Prélude de Pan, ayant la dimension d'un récit antique, gothique, m'a fait un peu penser à ce conte d'Europe du nord, le joueur de flûte de Hamelin...
Les grands amateurs de Giono distinguent clairement deux périodes dans son oeuvre, Une frontière temporelle les sépare : la seconde guerre mondiale. Les grandes chroniques qui l'ont rendues célèbres figurent dans la seconde période. Certains peuvent préférer l'une plutôt que l'autre. Mais ce n'est pas non plus la seule frontière qui sépare ces deux courants de l'auteur.... Ainsi, hier, j'ai rencontré dans un village tout près d'ici l'écrivain René Frégni dont nous sommes plusieurs ici à apprécier les livres. Il adore Giono, m'avouant préférer sa seconde période, m'encourageant à lire Les Grands chemins, et qui, ô belle surprise, figure dans la bibliothèque de la propriétaire...! Aurai-je le temps de le lire ? Dans deux jours, le séjour touchera à sa fin... René Frégni m'a aussi donné quelques clefs de lecture intéressantes pour comprendre les deux périodes de cet écrivain, leurs articulations, Giono qui renia plus tard certains de ses premiers livres, comme Que ma joie demeure, trouvant la fin trop naïve. En effet entre temps, la guerre était venue et son cortège de barbarie... Je pense qu'il faut tout lire Giono et je n'en suis qu'au commencement...
Ici, on se situe aux prémices de son oeuvre, au frémissement. Les thèmes fondateurs sont déjà là. Ce pourrait être d'ailleurs une porte d'entrée idéale pour venir à la rencontre de son univers...
Il y a dans chacune de ces nouvelles une chronique familière, scène de la vie quotidienne, même dans ce conte étrange qui effleure les vertiges fantastiques.
Les vendanges.
Cueillir des olives.
Tuer le cochon noir.
Un mariage de campagne.
Une bergère solitaire qu'un garçon empli de désir observe.
L'ingratitude d'un curé à l'égard de deux vagabonds solidaires qui l'aident à rétablir le cours de l'eau d'un puits.
La pitié incomprise d'une hase qui va mourir...
Il y a quasiment toujours un narrateur qui se souvient, qui vient rapporter une histoire comme on ramène une grappe de raisins cueillie à l'arrachée.
Il y a cette terre de Provence, le soleil et le vent se mêlent dans le même cri de la terre. Ce sont des femmes et des hommes faits pour cette terre gorgée de soleil, de pierres et d'enchantement.
Les bêtes dans les pâtures sont pareilles à eux. Les arbres aussi. J'ai aimé entendre ici la musique des cyprès.
L'amour est souvent là, une tendresse infinie aussi, parfois la douleur sourd comme une source prête à jaillir.
Ici, les chemins des collines parviennent souvent à se rejoindre au même point, passant du versant du jour à celui de la nuit. C'est beau.
Et brusquement la terre s'ouvre en deux comme une coque de noix qu'on casse, elle laisse s'envoler tous ses sortilèges...
Ici de temps en temps un berger qui sait parler le langage des mésanges vient, traverse les pages comme sortis des genévriers, avec encore en lui une odeur mêlée de pluie, de vent et de ciel... Un autre, ce sera le langage d'une colombe des bois à l'aile blessée par la main épaisse d'un bûcheron plus idiot que méchant...
J'ai beaucoup aimé la nouvelle qui s'intitule La main, cette histoire touchante d'un aveugle qui sait reconnaître l'heure en se penchant pour guetter le comportement d'un ver de terre... Il se souvient de ses premiers émois amoureux lorsqu'une jeune couturière guida sa main encore novice vers des rivages insoupçonnés....
Il y a aussi cette nouvelle tragique que j'ai beaucoup aimée, Jofroi de la Maussan, cet homme qui vend sa maison en viager et vend totalement les terres attenantes. Il devient fou lorsque l'acquéreur décide d'arracher un à un tous les arbres fruitiers présents...
La nature ici est un personnage à part entière. Elle est sans cesse au coeur des pages, tantôt chantante, tantôt ondulante, tantôt criante...
Il y a souvent un ciel qui coule dans la solitude et l'errance du paysage. C'est juste un théâtre d'ombres et de lumières pour mettre en scène des femmes et des hommes saisis par une joie pure comme de l'eau vive, épris d'amour, brûlés de désir, touchés par la compassion, parfois meurtris par les rencontres qui ne se sont pas faites... Souvent, ils sont abimés par le passé, par le souvenir de la chair qui bat encore dans leurs veines, d'un chagrin d'amour qui revient comme un écho, écorchés par la vie... ici le désir enlève les forces et fait chavirer les têtes, cogne dans le sang...
J'ai aimé entendre ici la voix de Giono, chantante comme un torrent. Elle n'est pas lisse, elle est rugueuse comme la pierre. Elle n'est pas prête de s'éteindre dans mon coeur... Un autre livre m'attend déjà, Les Grands chemins, je vais passer d'une rive à l'autre dans l'oeuvre de Giono.
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« Solitude de la pitié », un recueil de vingt nouvelles qui paraîtront d'abord dans le journal « l'Intransigeant » avant d'être publiées par Gallimard ; une série de textes courts rédigés alors que Jean Giono travaillait à son premier roman « La naissance de l'odyssée » :

Solitude de la pitié », un prêtre bien ingrat
-« Prélude de Pan », tout un village en transes
-« Champs », une femme succombe au charme d'un bel homme au désespoir de son mari
-« Ivan Ivanovitch Kossakioff », une amitié virile dans les tranchées de 14
-« La main », les amours d'un aveugle
-« Annette ou Une affaire de famille », l'abandon d'un enfant à l'orphelinat
-« Au bord des routes », une conversation autour d'un verre : deux hommes se racontent
-« Jofroi de la Maussan », le vieux Jofroi vend son verger dont on a abattu les arbres …et meurt
-« Philémon », le cochon est malade, il faut l'égorger… mais c'est la noce de la fille de la maison
-« Joselet », un homme explique sa conception de la vie à un inconnu
-« Sylvie », une fille de ferme reviens au pays après une escapade amoureuse à la ville
-« Babeau », Favre se suicide sous les yeux de la bergère de Babeau
-« le Mouton », une histoire de domination de l'animal par l'homme dans un cadre somptueux
-« Au pays des coupeurs d'arbres », la narration de la vie passée d'un village qui se meurt
-« La grande barrière », la mort d'une hase
-« Destruction de Paris », un terreux raconte un Parisien
-« Magnétisme », un bistrot, des habitués…
-« Peur de la terre », la petitesse de l'homme confronté à la nature
-« Radeaux perdus », la mort dans les villages oubliés
le chant du monde », comment écrire un livre ou l'homme ne serait pas isolé de son environnement ?

Comme on peut le constater, une bonne partie des thèmes chers à Giono sont déjà présents : la nature, les arbres, les villages désertés, l'Amour avec un Grand A, la mort…
Quasiment tous écrits à la première personne, vingt textes (plutôt que vingt nouvelles) dont le « je » est difficile à attribuer à quiquonque autre que Jean Giono lui-même…

Et puis, il y a ce style si particulier…délicieusement poétique.
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Pas étonnant qu'Henry Miller ait préfacé l'édition américaine The Solitude of Compassion, Miller qui a chanté le "Gospel de Jean Giono" pendant de longues années. Il le considérait comme Emerson, Tolstoy et Thoreau. A raison. Giono c'est un auteur qui surplombe, qui envoie ses phrases comme des prises de judo imparables. "un haut pigeonnier qui crache en silence des pigeons blancs et pointus comme des pépins de coing." Et le lecteur, l'homme de lettres se couche, il tape sur le tatami pour demander grâce et Giono commence un nouveau paragraphe comme s'il disait "Alors t'en veux encore?" Et tu dis oui, et il te colle au tapis encore et encore. Manosque, la Haute Provence, on est loin de Marseille et du jaloux natif d'Aubagne que Giono a attaqué pour pillage. Dans Solitude de la Pitié, il y a une nouvelle, objet du litige: Jofroi de la Maussan. Pas la meilleure. Il y a bien mieux dans ce court livre incroyablement riche: Joselet, le rebouteux sorcier magicien; La main, l'histoire de l'aveugle qui sait qu'il est 5 heures le matin en touchant l'herbe, parce que c'est l'heure à laquelle sortent les vers de terre; la grande barrière et l'agonie de la hase et de ses lapereaux. Et puis il y a Ivan Ivanovitch Kossiakoff, une amitié sans paroles dans les tranchées, entre un français et un russe; et bien sûr le mythique Prélude de Pan; un des plus grands textes que j'ai pu lire, et si vous avez la flemme de le lire vous pouvez l'écouter ici:
https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-samedi-noir/prelude-de-pan-de-jean-giono.
Une nouvelle gothique parce qu'elle raconte l'avènement surnaturel des forces obscures parmi les hommes, de la violence qui éclate parmi les travailleurs de la terre, de la violence d'une divinité qui sème la panique, gothique parce qu'elle révèle des mystères inouïs à un narrateur abasourdi. du pur réalisme magique.
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Il s'agit ici d'un recueil de vingt nouvelles, courtes ou très courtes. L'auteur y chante une fois de plus la terre, la vie simple. Si un certain pessimisme s'en dégage, le panthéisme de l'auteur est malgré tout réconfortant.
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Ce livre, paru en 1932, n'est pas un roman mais un recueil d'une vingtaine de textes courts et de nouvelles, parus dans la presse entre 1928 et 1931. Bien que sa première émotion littéraire ait été « le Livre de la jungle » de Kipling, et que Maupassant, Tchekhov et Edgar Poe figurent parmi ses auteurs de nouvelles favoris, Giono a du mal avec l'écriture de ce genre si particulier : « Je n'ai jamais été très à mon aise dans la nouvelle. Il me faut courir un peu plus longtemps. Comme coureur je fais plutôt le 1500 m que le 110m haies. » (Propos recueillis par Pierre Citron en 1969).
A part « Ivan Ivanovitch Kossiakov », qui a pour cadre la Grande Guerre, dans le sillage du « Grand Troupeau » ces vingt textes disparates et de longueur inégale ont tous pour cadre la Provence de Giono, celle qui a déjà été célébrée et mise en scène dans la Trilogie de Pan et les romans qui ont suivi.
Un autre point commun semble être ce regard sur ces paysans frustes et taiseux (le contraire des provençaux de la plaine et du bord de mer) : un regard compatissant et complice, un regard de « partage » : excepté le premier récit qui donne son titre au recueil (« Solitude de la pitié »), toutes les nouvelles sont écrites à la première personne « je » : c'est donc un livre « personnel », où l'auteur-narrateur se donne un rôle. Les nouvelles se suivent, certaines banales et simples, d'autres tragiques : Jofroi de la Maussan (dont Marcel Pagnol tira un beau film (méconnu) en 1933 avec Vincent Scotto dans le rôle-titre) trace le portrait d'un paysan en guerre avec un voisin qui veut arracher ses abricotiers pour y planter des céréales. Cette obsession le mène au bord de la folie. « Ivan Ivanovitch Kossiakov » raconte l'histoire d'un soldat russe qui croise la route du romancier pendant la Grande Guerre. Il n'en reviendra pas.
L'amitié semble être aussi un des leit-motiv de ce recueil. Comme Albin et Amédée dans « Un de Baumugnes », des couples se forment en communion fraternelle.
Mais ce qui couvre tout, ici et dans toute l'oeuvre, c'est la nature. La nature des végétaux avec surtout les arbres (Chez Giono, l'arbre a toujours été un grand symbole de vie, de puissance et de pérennité) et les cours d'eaux. La vie animale, à travers la vie des bêtes (et leur mort) et la vie des humains avec leurs peines et leurs joies leurs amours et leurs haines, leurs petits plaisirs et leurs grandes douleurs. Et au-delà il y a cette connexion qui se fait entre l'homme et la nature, depuis la nuit des temps, au travers de rites séculaires, comme des forces vivent qui s'échangent entre eux : « J'ai rencontré, en bloc, ces hommes chargés de grosses forces » (« Magnétisme ») Ces forces qui leur donnent une sorte de privilège magique : « Ce qu'ils respirent, ça n'a pas le goût du déjà respiré. L'air qu'ils avalent ne sort pas du boyau des autres. Il est pur et à la source » (Ibid.). Ces forces d'ailleurs ne sont pas toujours maîtrisables, il arrive qu'elles se défoulent dans une danse orgiaque et bachique. Giono est fidèle à ses sources Pan et Dionysos.
Cette vision « panique » de la vie, est indissociable d'une vision humaniste : les paysans de Giono peuvent ses montrer égoïste et généreux : la nature elle-même peut se montrer égoïste et généreuse.
Et puis toujours chez Giono, cette langue, riche, évocatrice, éminemment poétique :
« Joselet s'est assis en face du soleil.
L'autre est en train de descendre en plein feu. Il a allumé tous les nuages ; il fait saigner le ciel sur le bois. Il vendange tout ce maquis d'arbres, il le piétine, il en fait sortir un jus doré et tout chaud qui coule dans les chemins… »



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Ce titre magnifique ombrage un recueil de courtes nouvelles qui parlent pour certaines du rapport de l'homme à la terre , un rapport qui n'a rien d'idyllique (La Grande barrière) . « Prélude de Pan » est même un conte fantastique des plus angoissants . Ces histoires parlent aussi du rapport des hommes entre eux , l'amitié dans la misère (Solitude de la pitié) ou dans la guerre ( Ivan Ivanovitch Kossiakov) . Mais il ne dissimule en rien la terrible dureté qui peut naître dans ces solitudes (Radeaux perdus) Et même « Joffroi de la Maussan » dont on a fait une comédie au cinéma est une triste histoire de vieillesse . Giono dans ces textes met son style exceptionnel au service d'une profonde humanité.

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une histoire "surréaliste" ?
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Ce recueil de nouvelles constitue quelque part un roman d'auto-apprentissage pour l'écrivain-narrateur lequel apparaît dans la plupart des récits sous les traits d'un jeune homme à l'écoute de ceux qu'il rencontre, à l'école du pays et de ses paysans, premières expériences qui l'ont amené à ses premières écritures. Nombre de pièces peuvent être considérées comme des travaux préparatoires sur des thèmes qui se déploieront dans ses romans à venir ("Le chant du monde" est clairement l'esquisse du roman du même nom qui sera publié en 1934 ; "Le Prélude de Pan" annonce bien-sûr les trois premiers romans de Giono, dite trilogie de Pan ; "Ivan Kossiakoff" annonce le Grand Troupeau publié en 1931...). Les premières nouvelles plus longues semblent porter tout un manifeste littéraire, constituant les codes et lignes de force de sa sensibilité d'écrivain. Placée en entrée avec son titre magnifique, la "Solitude de la pitié" exprime à partir d'un récit sec, dénué de toute fonction laudative de l'auteur, toute l'injustice qui est faite aux hommes du peuple, ces travailleurs volontaires, humains, simples, qui tombent malades et meurent dans le mépris. Une injustice telle que c'est précisément par le silence, par un récit réaliste, sec, par la description objective, que Giono renforce l'inacceptabilité des faits racontés. Ce recours important au non-dit (Giono laisse le lecteur deviner les pensées et sentiments qui motivent les mouvements décrits, et ceux qui motivent le récit) se retrouve dans de nombreux récits, comme "Babeau" où une jeune fille rapporte sur un ton enjoué les dernières paroles d'un suicidé... Cela rappelle clairement la manière De Maupassant, où l'on sent derrière le silence du narrateur, derrière l'humour cruel même, une colère sourde et une pitié profonde. L'injustice faite aux faibles se retrouve dans presque toutes les nouvelles, l'oiseau martyrisé du « Prélude de Pan », les arbres menacés de « Jaufroi de la Maussan », l'orpheline d'« Annette », ou même dans « Ivan Ivanovitch Kossiakoff » où la guerre et sa bêtise détruisent l'amitié et presque punissent la générosité humaine du personnage. le mari trompé de "Champs" ne prête pas à rire... c'est un homme volontaire, généreux, aimant, mais qui n'est aucunement récompensé. Il est broyé non seulement par l'humain, sa femme et l'homme qu'il a hébergé, mais également par la nature qui semble lutter contre lui et défait chaque jour son travail.

L'amour de Giono pour la forêt, la montagne et les paysans, n'a rien de la naïveté du roman pastoral, ni du lyrisme romantique ou de l'idéalisation régionaliste : la nature a quelque chose d'inquiétant, de résistant, qui s'exprime de manière quasi mystique dans "Peur de la terre". C'est comme si l'homme du pays était piégé entre une humanité vicieuse, malveillante (la civilisation corruptrice de Rousseau), et une nature réticente et presque inaccessible, à l'image de cet animal mourant dans "La Grande Barrière", que le narrateur ne peut consoler. Comme si la culture (l'esprit d'abstraction) avait rendu les hommes incompatibles avec la nature, des hommes déchus comme Les Animaux dénaturés de Vercors. Ainsi l'homme des "Radeaux perdus", dont on ne sait plus trop s'il commet un crime parce qu'il est isolé dans la nature ou parce que la civilisation de l'égoïsme et de l'enrichissement le regagnent, même là en pleine nature… Ce qui fait la modernité de Giono, c'est que ses paysans sont en fait déjà des déracinés, des rejetés de la civilisation comme l'aubergiste de "Au bord des routes", des néo-ruraux avant l'âge, qui tentent de revenir vers la terre alors que toute l'humanité semble s'en détourner, dérivant dans un mouvement irrépressible d'éloignement (cette séparation artificielle entre culture et nature, typique de la civilisation occidentale, décrite et critiquée par Philippe Descola).

C'est pourquoi le choix de Giono de défendre le pays, de faire l'éloge des paysans, de rechercher poétiquement à exprimer la nature, et de dénoncer les méfaits de la civilisation, relève de l'engagement politique et existentiel, à l'instar des décroissants (engagement nettement exprimé dans la Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, en 1938)... Défense de la nature (écologie donc), ne va pas sans le déboulonnement de la civilisation. Ainsi Giono adresse ainsi une diatribe terrible contre le parisien pressé, son urbanité et son journal - symbole du faux progrès de l'intelligence humaine - dans "Destruction de Paris" : son humanité civilisée est d'une fragilité et d'une faiblesse totales. Paris n'aura de sens que lorsque les cochons prendront le métro ! retrouvant une place de co-existant à l'homme (on pense là aux espèces compagnes Donna Haraway). En conséquence, l'harmonie perdue avec la nature ne semble pouvoir se trouver que par delà la raison et la logique, tel ce "Magnétisme" mystique qui semble se dégager du travail manuel de l'artisan et du paysan (il est amusant de voir ici Giono rejoindre l'anarchiste Jules Vallès, s'exprimant pareillement dans L'Enfant...). Attention à ne pas confondre cependant, cette sorte de conversation sensuelle avec la nature, cet émerveillement simple "Le mouton", avec l'illumination de "Joselet" qui continue de voir le monde comme une machine dont il pourrait comprendre les rouages et les actionner (vision de la nature mécanisée venant de Descartes mais se retrouvant tout autant dans l'alchimie... il y a peut-être déjà un danger, une hybris, à trop vouloir démystifier le monde par la science, prévenait Épicure).

La réconciliation semble se faire par le corps, par les sens, dans l'abandon de la conscience, dans la transe chamanique décrite dans le « Prélude de Pan », lors de la fête votive du village (en l'honneur de la divinité protectrice du village), espèce d'orgie carnavalesque où toutes les normes sont oubliés, les rôles sociaux, où s'opère un grand nettoyage des certitudes et des égos... le personnage mystérieux, humble sortant de la forêt et se réfugiant quelques temps auprès des hommes. Qui est-il ? Son dénuement et sa défense ferme de l'animal persécuté font de lui une espèce de Jésus de la nature. Il s'agit de Pan, divinité mi-animal / mi-homme des populations ancestrales à croyances chamaniques, jouant le médiateur entre une tribu et son environnement, entre l'homme, les animaux, les plantes, les éléments... Puis il disparaît. A-t-on rêvé ? Est-ce un mensonge de paysan malicieux pour expliquer ce qu'il n'a pas envie ou pas moyen d'expliquer ? Une légende que l'on raconte aux enfants pour emplir leur imaginaire de merveilles ? N'est-ce pas là simplement le rôle de l'écrivain, comme un chamane, de rétablir par la fiction le lien entre l'intellect humain et les autres formes d'existence, monde des sens, monde des morts, monde du possible... ?
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Giono nous rappelle la beauté et la fragilité de notre monde. Des hommes et de la nature.
Avec le rythme et la pureté de ses mots.
Parfaitement d'actualités.
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Jean Giono nous invite ici à la découverte de sa terre, de ses origines et des contes, croyances et légendes de l'enfance. Une promenade dans la provence vive, ses hautes herbes, sa chaleur et ses traditions. Autant de thèmes, chers à l'auteur, que l'on retrouve ici, à travers des nouvelles aussi délicates que touchantes. Même si les thèmes traités sont inégaux, on retrouve toujours la tendre harmonie et la douceur de vivre propre à l'écriture de cet auteur. Une invitation aux joies simples et aux rencontres fortuites, portée par une écriture ensoleillée et parfois surprenante. Une oeuvre délicate, parfaite si vous souhaitez vous plonger dans la douceur des jours d'été provençaux.
Lien : http://leblogdeyuko.wordpres..
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