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Critique de Lamifranz


Ce livre, paru en 1932, n'est pas un roman mais un recueil d'une vingtaine de textes courts et de nouvelles, parus dans la presse entre 1928 et 1931. Bien que sa première émotion littéraire ait été « le Livre de la jungle » de Kipling, et que Maupassant, Tchekhov et Edgar Poe figurent parmi ses auteurs de nouvelles favoris, Giono a du mal avec l'écriture de ce genre si particulier : « Je n'ai jamais été très à mon aise dans la nouvelle. Il me faut courir un peu plus longtemps. Comme coureur je fais plutôt le 1500 m que le 110m haies. » (Propos recueillis par Pierre Citron en 1969).
A part « Ivan Ivanovitch Kossiakov », qui a pour cadre la Grande Guerre, dans le sillage du « Grand Troupeau » ces vingt textes disparates et de longueur inégale ont tous pour cadre la Provence de Giono, celle qui a déjà été célébrée et mise en scène dans la Trilogie de Pan et les romans qui ont suivi.
Un autre point commun semble être ce regard sur ces paysans frustes et taiseux (le contraire des provençaux de la plaine et du bord de mer) : un regard compatissant et complice, un regard de « partage » : excepté le premier récit qui donne son titre au recueil (« Solitude de la pitié »), toutes les nouvelles sont écrites à la première personne « je » : c'est donc un livre « personnel », où l'auteur-narrateur se donne un rôle. Les nouvelles se suivent, certaines banales et simples, d'autres tragiques : Jofroi de la Maussan (dont Marcel Pagnol tira un beau film (méconnu) en 1933 avec Vincent Scotto dans le rôle-titre) trace le portrait d'un paysan en guerre avec un voisin qui veut arracher ses abricotiers pour y planter des céréales. Cette obsession le mène au bord de la folie. « Ivan Ivanovitch Kossiakov » raconte l'histoire d'un soldat russe qui croise la route du romancier pendant la Grande Guerre. Il n'en reviendra pas.
L'amitié semble être aussi un des leit-motiv de ce recueil. Comme Albin et Amédée dans « Un de Baumugnes », des couples se forment en communion fraternelle.
Mais ce qui couvre tout, ici et dans toute l'oeuvre, c'est la nature. La nature des végétaux avec surtout les arbres (Chez Giono, l'arbre a toujours été un grand symbole de vie, de puissance et de pérennité) et les cours d'eaux. La vie animale, à travers la vie des bêtes (et leur mort) et la vie des humains avec leurs peines et leurs joies leurs amours et leurs haines, leurs petits plaisirs et leurs grandes douleurs. Et au-delà il y a cette connexion qui se fait entre l'homme et la nature, depuis la nuit des temps, au travers de rites séculaires, comme des forces vivent qui s'échangent entre eux : « J'ai rencontré, en bloc, ces hommes chargés de grosses forces » (« Magnétisme ») Ces forces qui leur donnent une sorte de privilège magique : « Ce qu'ils respirent, ça n'a pas le goût du déjà respiré. L'air qu'ils avalent ne sort pas du boyau des autres. Il est pur et à la source » (Ibid.). Ces forces d'ailleurs ne sont pas toujours maîtrisables, il arrive qu'elles se défoulent dans une danse orgiaque et bachique. Giono est fidèle à ses sources Pan et Dionysos.
Cette vision « panique » de la vie, est indissociable d'une vision humaniste : les paysans de Giono peuvent ses montrer égoïste et généreux : la nature elle-même peut se montrer égoïste et généreuse.
Et puis toujours chez Giono, cette langue, riche, évocatrice, éminemment poétique :
« Joselet s'est assis en face du soleil.
L'autre est en train de descendre en plein feu. Il a allumé tous les nuages ; il fait saigner le ciel sur le bois. Il vendange tout ce maquis d'arbres, il le piétine, il en fait sortir un jus doré et tout chaud qui coule dans les chemins… »



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