Cela fait des années que je m'intéresse au sujet indiqué par le titre du livre, très précisément. Je ne me contente pas de la lecture "naïve" du Nouveau Testament. Je suis donc satisfait de ma découverte de ce "pavé" de 600 pages, qui étudie cette période qui précède et suit immédiatement la courte vie de Jésus.
Il s'agit d'une somme de courtes contributions faites par un grand nombre d'exégètes, avec un esprit d'historien critique. Dans ce grand livre, on n'hésite pas à remonter à la tradition juive (notamment aux esséniens et pharisiens), on examine évidemment toutes les sources disponibles sur la vie de Jésus et surtout on montre que le christianisme primitif a d'abord été tout SAUF monolithique. Certes, quelques allusions dans les "Actes" laissent deviner quelques divergences entre les apôtres; mais l'analyse démontre que des conflits ont certainement éclaté entre les tenants de Pierre, de Jacques, de Paul, de Jean. Les cercles judéo-chrétiens, qu'on peut appeler aussi nazôréens, obsédés par la pureté rituelle, n'admettaient pas l'entrée de païens hellénophones dans leur communauté; ils ont affronté l'ostracisme de la Synagogue et de la jeune Eglise à partir du IIème siècle. Mais ceci n'est qu'un des aspects de l'extrême diversité des chrétiens des origines. Bien d'autres "hérésies" (celle des gnostiques entre autres) se sont développées, avant qu'une doctrine "orthodoxe" ne finisse par s'imposer.
Je connaissais déjà la coexistence de courants différents, mais je sous-estimais la durée et la force de leurs oppositions. D'une manière générale, je n'avais pas vraiment pris conscience de tous ces tâtonnements, qu'une simple lecture du Nouveau Testament ne met pas en évidence. Il est clair que les Evangiles et les Actes ne sont ni un "reportage" objectif, ni un récit exhaustif, ni un exposé historique, mais des écrits à but apologétique.
Attention: l'ensemble d'exposés présentés ici motivera seulement les personnes vraiment très intéressées par le christianisme primitif. Il leur demandera une certaine concentration, mais elle sera récompensée.
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Un très beau livre, très clair, très bien informé.
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incipit :
Chacun, par tradition religieuse ou culturelle, pense connaître l'essentiel de la toute première histoire du christianisme. Pour les uns, cette histoire se réduit à l'évocation de quelques personnages - à commencer par Jésus et ses disciples - et d'épisodes tirés des Evangiles ou des Actes des Apôtres, au souvenir de quelques paroles devenues proverbes ou de lointains récits de martyrs. Pour d'autres, qui ont lu les textes, l'histoire d'un siècle et demi de christianisme ne peut se dessiner qu'en suivant le canevas proposé par ces textes, celui qui a donné naissance à la traditionnelle "histoire sainte". Et pour cause : les uns et les autres n'ont en effet d'autres informations que celle des documents littéraires produits par le christianisme lui-même, qu'il s'agisse des écrits canoniques ou apocryphes (dont l'iconographie ultérieure a donné à voir, de manière saisissante, les scènes les plus émouvantes, dramatiques ou glorieuses). Or les auteurs chrétiens de cette époque n'avaient pas pour souci de léguer à la postérité une documentation de caractère historique, mais de témoigner de la foi qui était la leur et il a toujours été plus aisé de raconter l'histoire de la foi chrétienne, dans les diverses formes qu'elle a pu prendre, que de rendre compte historiquement de la naissance du christianisme.
Fondateur de nombreuses Eglises locales, Paul ne peut pas être considéré comme fondateur du christianisme, ni même du pagano-christianisme. (…) Paul est un génial interprète, non le créateur qui aurait donné au christianisme son système doctrinal propre. (…) Par conséquent, si Paul n’est pas le fondateur, le christianisme n’a pas de fondateur. [Il] est une création collective. On soutiendra ici la thèse que la religion chrétienne ne s’est vraiment constituée qu’au moment où la secte juive qui voyait en Jésus le Messie a été expulsée du judaïsme. (Chapitre 45)
Lorsque l’exégète théologien, quittant l’analyse pointue de quelques lignes de textes, se risque sur le terrain de l’histoire, il lui arrive quelquefois d’utiliser des textes comme si le travail critique une fois achevé pouvait être laissé de côté. C’est ainsi que, au détour d'une phrase concernant ce que Jésus a pu être comme personnage historique, référence sera faite à plusieurs de ses paroles puisées aussi bien dans les Evangiles synoptiques que dans le quatrième Evangile. Pourtant, l’exégète sait bien n’avoir aucune certitude sur la forme première des paroles de Jésus (…)
L’histoire est une, certes. Mais force est de constater que ses explications et ses interprétations sont multiples. Ce qui peut aisément se comprendre lorsqu’on réalise que les sources dont dispose l’historien sont déjà, elles-mêmes, des interprétations relevant de motivations idéologiques aussi diverses que variées. (p. 289)