Qu'est-ce qui rassemble le microprocesseur, l'homéopathie ou les procédés exposés chaque année au concours Lépine ? A minima, leur dénominateur commun est d'être associé au mot « innovation », à l'issue d'une réussite avérée ou, telle une incantation, pour la susciter. Innovation : le terme a aussi la particularité d'être employé à foison. Les vade-mecum pour apprendre à innover, les récits sans anicroches de success story, ou les articles de presse qui affublent une idée, un produit, une méthode de ce noble titre, ne se comptent plus. L'innovation est ainsi, contrairement aux premiers usages du mot au Moyen Age, reliée à des représentations sociales la plupart du temps positives.
Distinguer changement social et innovation ne constituent pas seulement un problème terminologique d'initié. Pour le dire d'une formule, le changement social est l'objet originel de la sociologie, l'innovation un objet de recherche parmi d'autres de la sociologie contemporaine, au sein d'une fragmentation grandissante de la discipline.
L'inventeur peut être seul, à l'image d'Archimède découvrant le principe de la poussée et criant « Eurêka » dans sa baignoire puis en courant nu dans les rues de Syracuse. L'innovateur, lui, ne reste jamais longtemps seul.
Aujourd'hui, l'ensemble des disciplines des sciences sociales s'intéresse à l'innovation. Les économistes, notamment, classent les innovations en fonction de leur portée (radicale, marginale, de rupture) ; les politologues étudient le développement d'un champ de politiques publiques autour de l'innovation ; les chercheurs en gestion se demandent comment manager les innovations, tout en préconisant des structures organisationnelles pour déclencher leur émergence ; les psychologues, enfin, élaborent des méthodes de créativité pour stimuler des idées nouvelles.
Elle est même un idéal à atteindre : il faut innover et être innovant !