Qui va prendre soin des vivants si tu pleures les morts? (p.325)
Une rivière rouge sacrée coulait à cet endroit chaque fois que la lune était pleine
Alors, qui suis-je pour toucher la soie de tes cheveux? De ta peau. De tes seins. De ton ventre. De tes cuisses. Tes belles cuisses robustes lisses et tatouées. Alofa. Je mange les poissons qui vivent sur tes cuisses. Je caresse les lances, les scolopendres vertes, les étoiles avec ma langue. Je m'abreuve au lac qui vit entre tes cuisses et je me répète sans cesse: qui suis-je pour te toucher?
A l'école, on lui avait fait sentir qu'il y avait quelque chose de sinistre dans le fait de venir des îles. Il l'avait entendu tous les jours, de l'instant où il franchissait le portail de l'école au moment où la cloche sonnait la fin de cours. "Sale clandestin. Parasite des îles. Crétin tombé des îles. Crétin. Crétin. Crétin." Mais c'est à l'usine qu'on lui avait dit que venir des îles signifiait être inférieur. Moins qu'humain. Il le sentait tous les jours sans exception. Comme un noeud coulant passé autour de son cou. Il l'entendait dans la voix des contremaîtres. Dans la voix des patrons. Dans la voix de n'importe qui susceptible-de-lui-donner-des-ordres. Et c'était habituellement les Blancs au-dessus des Maoris au-dessus des émigrés venus des îles.
Qui va prendre soin des vivants si tu pleures les morts ?
A l'école, on lui avait fait sentir qu'il y avait quelque chose de sinistre dans le fait de venir des îles. Il l'avait entendu tous les jours, de l'instant où il franchissait le portail de l'école au moment où la cloche sonnait la fin de cours. "Sale clandestin. Parasite des îles. Crétin tombé des îles. Crétin. Crétin. Crétin." Mais c'est à l'usine qu'on lui avait dit que venir des îles signifiait être inférieur. Moins qu'humain. Il le sentait tous les jours sans exception. Comme un nœud coulant passé autour de son cou. Il l'entendait dans la voix des contremaîtres. Dans la voix des patrons. Dans la voix de n'importe qui susceptible-de-lui-donner-des-ordres. Et c'était habituellement les Blancs au-dessus des Maoris au-dessus des émigrés venus des îles.
Mais regarde dans les yeux de cette même personne, et tu verras tout un univers, bien loin des réalités de la musique qu'ils t'ont fait entendre pour tenter de t'abuser.
Je pensais à Pisa. La femme qui m'a mise au monde. La femme qui est devenue beaucoup de choses pour que je puisse vivre. La femme qui est devenue beaucoup de choses pour que je puisse vivre. La femme qui est devenue une "marchandise avariée" pour que je puisse exister. La femme qui ne m'a jamais parlé de la vie ni de la mort. "Si tu n'attends rien, tu n'auras rien", disait-elle dans ce langage silencieux que nous étions les seules à comprendre.
C'était la première fois que je voyais un oiseau s'envoler de la bouche d'une femme. Un oiseau noir avec trois plumes rouges colorant l'espace entre ses yeux et son bec.
Je me rappelle avoir tremblé. Tremblé longuement en entendant le bruit que faisait l'oiseau. Tremblé longuement en entendant tous ses cris. Et tous les poils de mon corps se sont dressés comme de l'herbe à éléphant.