Dès 1939, et malgré sa notoriété,
Lion Feuchtwanger est interné au camp des Milles où il ne reste qu'une dizaine de jours. le but était de faire un triage entre les exilés politiques et d'autres ressortissants du Reich. Au moment de la débâcle, en juin 1940, il est de nouveau interné dans le camp des Milles, à côté d'Aix-en-Provence. Cette fois, il y restera longtemps. Les premiers internés de ce camp étaient principalement des Allemands et d'autres étrangers (Autrichiens, Hollandais...). Il fallait contrôler les Allemands sur le territoire, emprisonner d'éventuels nazis. le problème, c'est que ces derniers ne sont qu'une poignée parmi tous ces gens internés et que le triage n'aura jamais lieu. On trouve à cette époque de nombreux artistes qui avaient trouvé refuge en France.
Max Ernst, par exemple, a été interné à la même période que
Lion Feuchtwanger.
Dans
le Diable en France, il raconte les conditions d'internement. le "diable" n'est pas méchant : les gardiens font leur travail, ne sont pas violents. Pas de cruauté gratuite, juste un certain "je m'en foutisme" que
Lion Feuchtwanger pense être propre à l'administration française. On dort dans la poussière, les uns sur les autres, dans un bruit permanent, avec les odeurs. le camp d'internement n'a rien à voir avec les camps de concentration, d'extermination et de travail tels que Buchenwald ou Auschwitz. Aux Milles, on ne sait même pas comment occuper les prisonniers. Il arrive donc, mais c'est rare, qu'on leur fasse déplacer un tas de briques d'un endroit à un autre pour les occuper.
Le bruit court que les nazis sont en France, qu'ils s'emparent du territoire. La peur des internés est que ces hommes leur mettent la main dessus, car la plupart d'entre eux, comme
Feuchtwanger, sont des opposants au régime. Il faut partir! Les prisonniers décident de convaincre le commandant de leur affréter un train pour les conduire dans le sud-ouest, du côté de Bayonne (c'est l'histoire du "train des Milles", racontée dans un film avec
Philippe Noiret, entre autres). Tous ne partent pas, on dresse des listes de volontaires effrayés par l'arrivée des nazis dans le sud. le voyage en train de plusieurs jours est très pénible : les wagons sont surpeuplés, impossible de s'asseoir ou de se coucher si ce n'est à tour de rôle. Enfin, quand le train arrive à Bayonne, une rumeur crie : "Voilà les Boches! Voilà les Boches!" et, par peur, le train fait demi-tour et repart dans la direction d'Aix. le malentendu est le suivant : les nazis n'étaient pas arrivés encore mais le train ne comportait quasiment que des Allemands. La population autochtone, en criant "Voilà les Boches!", a propagé une fausse rumeur sans le vouloir. le voyage n'a servi à rien. Certains décident de s'enfuir par leurs propres moyens (personne ne les retient d'ailleurs). Finalement, le train dépose son chargement humain à Nîmes où se construit un camp en toiles : des tentes sont montées, les prisonniers vont vivre ici. Ils peuvent sortir à leur guise, mais personne ne s'enfuit parce que sans papiers, sans laisser-passer, les prisonniers savent qu'ils sont plus en sécurité sous la garde des gendarmes français que livrés à eux-mêmes, prêts à tomber à tout moment aux mains de leur pire ennemi : les Nazis.
Ce livre est un témoignage vraiment intéressant sur la vie dans un camp d'internement. On voit aussi l'injustice de cette France qui se renie et qui, après avoir asile à des hommes engagés contre Hitler, les emprisonne sous prétexte de les trier. le mythe du pays libre, d'une République ouverte et éclairée, est largement égratigné. Comment peut-on penser que le pays héritier des Lumières ait été capable de se dédire et de signer, par la main de Pétain, un accord avec Hitler?
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