C’est curieux comme les répliques cinglantes lui viennent avec facilité dès que sa mère s’éloigne. Il ressent l’énergie et le courage nécessaires pour lui dire non. Pourtant, dès qu’elle est face à lui, il n’y a plus personne.
Au croisement de Velma Street et de China Street, il est à deux doigts de rebrousser chemin. Il n’y a plus un bruit, la civilisation s’est retirée et les bois qui longent la route le font frissonner d’effroi. Le craquement sec d’une branche le fait sursauter. Il se retourne au moment où une ombre émerge d’un bosquet d’arbres plus clairsemé. Terrifié, il accélère le pas. Peine perdue, il sursaute quand quelqu’un lui tape sur l’épaule. Il se retourne en émettant un petit cri.
– Que me voulez-vous ?
Il n’aime pas du tout son ton apeuré, mais on lui a tant de fois répété de se méfier des inconnus.
– Eh, petit ! Qu-est-ce que tu fais là ? Où sont tes parents ?
L’enfant dévisage l’adulte avec méfiance. Il se détend lorsqu’il reconnait son interlocuteur. Soulagé, il lui sourit même.
– Je vais retrouver mon père à la boutique.
L’autre hoche la tête.
– Sais-il que tu es en chemin ?
– Non.
L’adulte sourit d’une telle façon qu’un frisson désagréable secoue l’enfant.
– Ca m’arrange, en fait. Si tu savais depuis combien de temps j’attends le moment de pouvoir te croiser seul.
Le petit n’a pas le temps de comprendre la teneur de ses propos, ni de fuir. L’homme le frappe avec violence et le jette en travers de son dos
Opacité… Tel est le maître mot qui règne sur son existence. Il a accepté de ne voir le monde qu’à travers les yeux des autres, après qu’ils ont prémâchouillé les informations à lui diffuser.
Ton père a fait ses valises et il nous a quittés. Tu n'as rien à savoir d'autre.
Il n'a plus qu'une seule chose à faire pour boucler la boucle.
À cette évocation, un sentiment proche du néant dévore sa poitrine, consume ses organes. Il serre les dents, car après la crise d'angoisse, il ne restera qu'une question : pourquoi ne pas en finir ? À quoi bon vivre une vie aussi misérable ? À sa place, personne n'insisterait.
Page 63, Édition Pocket
A présent,il sait ce qu'ils ont ressenti au moment fatidique.
Il finira bien par enterrer cette remarque en lui.Comme les autres,elle rejoindra le puits sans fond de son âme et pourrira là,empoisonnant le peu de confiance qu'il peut encore ressentir,affaiblissant davantage sa volonté et accroissant sa soumission
Il a toujours été seul ou presque. Sa mère a tué dans l’œuf tout ce qui pouvait ressembler à une relation pour lui.
Nous étions ensemble depuis une éternité. Vivre sans lui, c’est comme vivre amputée d’une partie de moi-même.