Georges Bratianu était le descendant d'une lignée de célèbres hommes politiques qui ont joué un rôle déterminant pendant toute la période (1860–1919) où la Roumanie a recouvré progressivement son indépendance. Il fut en quelque sorte de droit, le président du parti libéral roumain. Il était député au Parlement. Fondamentalement et professionnellement, il était un historien (la Sorbonne lui a proposé une chaire). S'il avait vécu, sans aucun doute serait-il aujourd'hui généralement reconnu comme le grand historien qu'il est déjà pour ceux qui l'ont lu. Tout débat sérieux sur la globalisation devrait s'accompagner d'une réflexion guidée par son livre sur les conditions à réunir (selon les leçons données par l'histoire des nations… depuis l'Empire de Babylone) pour établir la paix dans le monde.
(p. 10)
Elle était la descendante d'une grande famille roumaine, les Bratianu. Son arrière-grand-père puis son grand-père contribuèrent à la constitution de l'État roumain ; il y a des rues, des places, des statues qui portent son nom. Son père était historien et homme politique. Il est mort dans un camp et ma grand-mère fit trois ans de prison politique. Tout cela, autant le dire, je l'ai entendu à satiété.
(p. 21)
Marie-Hélène est peintre. Elle a suivi l'enseignement des Beaux-Arts de Paris et de l'École du Louvre. Elle a, pendant dix ans, eu pour élèves des détenus de la prison de Fresnes. Elle nous dit : « les hasards de ma vie m'ont conduite à étudier de près le mythe d'Œdipe chez Sophocle ». Elle tournera, dans l'enceinte de la prison, deux films sur ce thème, dont « Œdipe, mon frère ». Les acteurs sont des détenus à l'exception d'un seul. L'équipe soignante avec qui elle mena ce projet, craignait qu'un prisonnier s'identifiât trop au rôle d'Œdipe.
(p. 14, extrait de la Préface de Paul Fabra, 11 mai 2016)
Si, pour les Roumains, les noms de Bratianu et Sturdza appartiennent à l'Histoire, en France, ils sont quasiment inconnus. J'ai été marquée depuis toujours par ce destin propre à ma grand-mère et à ma mère d'avoir non seulement perdu leur pays mais aussi leur nom (ou leurs renom ?). Et moi j'étais entre ces deux mondes, sans savoir auquel j'appartenais vraiment. C'est pourquoi j'ai commencé par ce qui était le véritable déclencheur de ce livre : le deuil de ma mère car dans le grande et triste pays des Orphelins, il n'y a pas beaucoup d'étrangers.
(p. 251)
Georges Bratianu est un historien dans l'âme, une discipline qu'il a choisie pour son exigence ; il s'est voué à raconter et à conceptualiser l'histoire, la grande histoire (la paix et la guerre). Cela étant, cette vocation n'est-elle pas aussi là, accessoirement mais obsessivement, pour se cacher d'autre chose ? D'une très probable maladresse incorrigible et inaptitude à vivre la vie de tous les jours (encore aggravée, par sa taille de géant : 2,10 m). Pis : la mission qu'il s'est donnée ne lui vaut-elle pas renonciation au plaisir, voire au goût, d'agir ou de réagir sur l'instant ? En d'autres termes, le vif et l'éphémère de chacune des minutes qui passent, le décousu du vivre ne l'affole-t-il pas ? Comme si, en l'absence de recul du temps, certains êtres se trouvaient impuissants ! En continuant sur la même lancée, j'en arrivais à attribuer à cet ascétisme professionnel non seulement le fiasco conjugal, mais aussi… [une] certaine faute de jugement politique !
(p. 12)
Marie-Hélène Fabra Bratianu - Comment être la petite fille de George Bratianu (2017)