Il existe une véritable bibliothèque sur le génocide arménien par les Turcs, ce qui n'empêche nullement leur président actuel Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement à continuer obstinément à nier cette tragique réalité.
Ma première lecture sur ce sujet remonte à il y a bien longtemps et était l'oeuvre d'un Autrichien,
Franz Werfel (1890-1945) - un ami de Kafka et
Max Brod - parue en 1933 et porte comme titre : "
Les 40 jours du Musa Dagh".
Un ouvrage qui m'a impressionné et que je peux recommander à tous. de même que l'ouvrage de l'historien turc,
Taner Akçam "
Un acte honteux : le génocide arménien et la question de la responsabilité turque", sorti en 2008.
Le même Akçam, désormais en fuite aux États-Unis, a, l'année dernière, apporté une preuve, que le gouvernement des "Jeunes-Turcs" - officiellement le "Comité, Union et Progrès" CP. - a lancé délibérément l'extermination des Arméniens. Il a, en effet, mis la main sur un télégramme d'un des 3 leaders Jeunes-Turcs, Talaat Pacha, de septembre 1915 qui ne laisse que peu de doute sur le sort horrible des Arméniens. Voir mon billet du 3 avril 2018.
À Ankara, la fine équipe d'Erdogan n'a pas réagi et a préconisé le silence, mais un silence assourdissant !
Un livre qui couvre absolument la même catastrophe que celui de Zabel Essayan est de la main de
Daniel Arsand : "Un certain mois d'avril à Adana" , qui est paru en 2011.
Daniel Arsand a, comme éditeur, fait traduire la romancière turque renommée,
Elif Shafak, née en 1971 à Strasbourg de parents turques.
Une énumération des nombreux autres livres lus sur ce génocide n'apporterait rien de vraiment intéressant. Je tiens juste à mentionner en vitesse ceux dont j'ai présenté une critique : "
Le village suisse" d'
Avétis Aharonian (28-9-2017), "
Ma grand-mère d'Arménie" d'
Anny Romand (23-10-2017) et "
Histoire de l'Arménie" de
René Grousset (13-8-2018).
Le 8 mars 2018, trois quarts de siècle après sa disparition dans l'enfer de Staline, à Paris, une rue a été nommée en l'honneur de l'écrivaine, journaliste et essayiste
Zabel Essayan. Un hommage absolument bien mérité, ne fût-ce que pour son engagement continu pour une Arménie libre et indépendante et ses nombreux efforts, à ses risques et perils, pour les nombreux orphelins, victimes du génocide.
Zabel Essayan est née à Constantinople en 1878 dans une famille arménienne, les Hovhanessian. Déjà à 17 ans, elle part pour Paris pour y étudier la littérature et la philosophie à la Sorbonne. En 1900 elle épouse l'artiste peintre et sculpteur, Tigrane Essayan, avec qui elle aura 2 enfants : une fille Sophie et un fils Hrant.
À l'annonce de la révolution des Jeunes-Turcs en 1908,
Zabel Essayan part, pleine d'enthousiasme, à Constantinople. Sa déception sera énorme lorsqu'elle se rend compte des visées criminelles de cette bande d'ultranationalistes, qui veulent une population homogène et offrent aux autres (Arméniens, Grecs, Kurdes, catholiques...) le choix entre "!'asservissement ou l'extermination" !
C'est du 14 au 17 et du 25 au 28 avril 1909 qu'eurent lieu les "massacres d'Adana", en Cilicie ou le sud-est d'Anatolie, faisant en très peu de temps une hécatombe de 30.000 Arméniens.
Deux mois après, déjà en juin 1909, la jeune Zabel se rend à Adana pour soulager les souffrances des victimes et surtout se consacrer aux orphelins. Elle est envoyée par le patriarcat arménien et revêtue de l'uniforme de la Croix-Rouge arménienne.
Son engagement ne passe pas inaperçu et son nom figure bientôt sur une liste noire.
La situation s'empira et l'auteure se voyait contrainte de fuir par la Bulgarie et la Bessarabie à Tiflis (l'actuel Tbilissi en Géorgie). Deux ans plus tard, en 1917, elle participe au premier congrès des Arméniens occidentaux à Erevan , qui résultera dans la création d'un Conseil national, l'organe exécutif de 15 membres où notre héroïne est élue.
En mai 1918, l'Arménie se proclame indépendante.
À la fin de la Grande Guerre, elle a traduit en Français le témoignage de
Pailadzo Captanian "Mémoires d'une déportée arménienne" et d'Archakouhi Téodik "Témoignages inédits sur les atrocités turques commises en Arménie.
En 1933,
Zabel Essayan s'est établie à Erevan, où elle a été élue membre du conseil municipal et une exposition des tableaux de son mari a lieu dans la capitale de l'Arménie soviétique.
"La vie semble enfin lui sourire". Mais le système stalinien s'en prend à la nouvelle génération de dirigeants et intellectuels arméniens.
En janvier 1938, 7 mois après son arrestation, un tribunal siégeant à huis-clos la condamne à mort. En mai 1939, sa peine est commuée à 10 ans dans un camp de correction. En 1942, Zabel est détenue à Bakou, d'où elle écrit sa dernière lettre. En 1943, à 65 ans, elle disparaît dans l'enfer de Staline. En 1957, elle est officiellement réhabilitée.
"
Dans les ruines" l'oeuvre majeure de l'auteure a été écrite tout de suite après les massacres d'Adana, en 1909, et publié, en Arménien, en 1911. La traduction française est parue exactement un siècle après, en 2011. Je dois souligner qu'elle est de grande qualité. C'est l'auteur de "
Contes arméniens : L'Oiseau d'Emeraude",
Léon Ketcheyan, qui en a assuré une traduction, des notes de bas de page et une superbe préface de 23 pages.
L'auteur belge (né à Etterbeek - Bruxelles - en 1934) d'entre autres "
Les empires nomades", "Le malheur kurde" et "1915, le génocide des Arméniens"
Gérard Chaliand a produit une brève postface de synthèse.
L'essentiel de l'ouvrage, les 297 pages hors pré- et postface, est constitué par les impressions de Zabel Essayan de l'épouvantable "après-génocide" . Il serait inopportun de vouloir résumer ce récit, qu'il convient de lire. Outre ses impressions, l'auteure raconte également ses initiatives d'aides, particulièrement pour les orphelins, auxquelles elle consacre d'ailleurs 2 annexes spécifiques.