Hervey a eu le mérite d'attirer l'attention sur la plasticité du processus onirique. Mais la technique qu'il avait imaginée pour maîtriser et diriger consciemment ses propres rêves s'avéra si difficile qu'il n'eut que fort peu d'imitateurs.
L'un d'eux fut le psychiatre et poète hollandais Frederik Van Eeden, qui entreprit, en 1896, d'étudier ses rêves grâce à une technique voisine de celle de Hervey. Comme Hervey, auquel il se réfère, Van Eeden dit qu'il a pris conscience de ses rêves avant d'être à même de les diriger à volonté. Il publia d'abord ses observations à travers un roman, La Fiancée de la nuit, car il hésitait à assumer la paternité de ses découvertes, en raison de leur caractère insolite. Il en rendit pourtant compte dans une communication à la Société de recherche psychique dans laquelle il distinguait différents types de rêves, entre autres les "rêves démoniaques" où il avait affaire à des êtres non humains, indépendants, capables d'agir et de parler. Il fit aussi l'expérience de "rêves lucides" où il se proposait de rencontrer des morts avec qui il avait été lié. Il affirmait aussi avoir pu transmettre un message subliminal à un medium, par l'intermédiaire d'un rêve lucide. Les expériences de Hervey ont peut-être bien inspiré le roman de George du Maurier, Peter Ibbetson, grand succés des années 1890, où deux amants qui se trouvent séparés découvrent un moyen pour se rencontrer chaque nuit dans leurs rêves, et se mettent à explorer ensemble le monde de leur enfance, celui de leurs ancêtres et celui des siècles passés.
Les différences essentielles entre le système de Jung et celui de Freud peuvent se résumer ainsi.
Tout d'abord, leurs fondements philosophiques sont entièrements différents. La psychologie analytique de Jung, comme la psychanalyse de Freud, est un rejeton tardif du Romantisme, mais la psychanalyse est en même temps l'héritière du positivisme, du scientisme et du darwinisme. La psychologie analytique, au contraire, rejette cet héritage pour retrouver les sources inaltérées du Romantisme psychiatrique et de la philosophie de la nature.
En un second lieu, tandis que Freud se propose d'explorer cette partie du psychisme humain dont les grands écrivains avaient une connaissance intuitive, Jung cherche à aborder objectivement et à annexer à la science un domaine de l'âme intermédiaire entre la religion et la psychologie.
Darwin lui-même avait pris soin de ne pas empiéter sur le terrain de la philosophie, mais ses disciples estimèrent pouvoir déduire un système philosophique de ses idées, en particulier une nouvelle conception de l'évolution et du progrès. L'époque des Lumières voyait dans le progrès un cheminement continu de l'espèce humaine sous la direction de la raison, visant au bien-être et au bonheur de l'humanité (y compris de ses membres les plus déshérités). Les romantiques avaient donné libre cours à leurs spéculations sur un processus sous-jacent à la nature, mettant en jeu des forces irrationnelles et inconscientes, mais n'en suivant pas moins une fin rationnelle. or, voici que le darwinisme supposait l'existence d'un progrès biologique parmi les espèces vivantes et d'un progrès social, voire moral, au sein de l'humanité par le simple jeu, automatique et mécanique, d'événements fortuits et d'une lutte aveugle et universelle. Les athées s'emparèrent de cette idée et en firent une arme contre la croyance en La Création et contre la religion elle-même; mais, si certains groupes continuèrent, au nom du "fondamentalisme" biblique, à lutter contre le darwinisme, la plupart des théologiens eurent tôt fait de concilier l'idée d'évolution avec la religion. Le botaniste américain Asa Gray (1810-1888), premier partisan fervent de Darwin en Amérique, fut, semble-t-il, le premier à situer la pensée évolutionniste dans une "perspective théiste".
Janet était un homme d'habitudes, économe et ordonné; il était aussi un collectionneur passionné. Sa principale collection fut consacrée à ses malades : plus de 5000 observations, soigneusement écrites de sa main, occupaient toute une pièce de son appartement. Une autre pièce était occupée par sa vaste bibliothèque, qui comportait une collection unique des oeuvres des anciens magnétiseurs, mais aussi de nombreux livres qui lui avaient été offerts par leurs auteurs. Son herbier, de belle taille, composait une troisième collection ; il comportait les plantes que le savant recueillit et classa tout au long de sa vie.
C'était là un agréable prélude au voyage à travers l'inconscient que Jung allait entreprendre et auquel il se réfère souvent comme à sa propre Nekya. Entre 1910 et 1913, Jung semble avoir essayé à plusieurs reprises de sonder cette sphère inconnue en laissant le matériel inconscient émerger dans ses rêves et ses imaginations. Puis vint le moment du pas décisif où il se lança dans cette entreprise solitaire et dangereuse. (...)
Il dirigea d'abord ses rêveries en s'imaginant en train de s'enfoncer sous terre, dans des galeries et des grottes souterraines où il rencontrait toutes sortes d'êtres mystérieux. Le 1! décembre, les archétypes commencèrent à se manifester plus directement. Jung réva qu'il se trouvait en compagnie d'un jeune sauvage sur une montagne déserte et qu'ils y tuaient ensemble l'antique héros germanique Siegfried. Pour Jung, ce rêve signifiait qu'il lui fallait tuer en lui une secrète identification avec une figure héroique qu'il devait surmonter; Dans le monde souterrain où le conduisait maintenant son imagination, il rencontra d'abord un vieillard nommé Elias, accompagné d'une jeune femme aveugle, Salomé, puis le sage et érudit Philémon. En conversant avec Philémon, Jung apprit que l'homme pouvait s'enseigner à lui-même des choses qu'il ne connaissait pas.